Notez que je ne n'ai pas dit que j' "étais" journaliste. Je faisais seulement le travail d'un journaliste.
Je sais que vous avez fait des études. Vous avez l’habitude des livres. Vous trouvez tout naturel de lire. Mais ces livres étaient pour moi comme une oasis en plein désert pour le voyageur épuisé. J’étais fascinée, au comble du bonheur. J’avais mis le pied dans un autre univers, plein de choses et de gens extraordinaires. Je suis tombée amoureuse de Rastignac et j’ai vu en lui les premières lueurs de ma propre ambition. Il n’avait rien et souhaitait conquérir Paris. Il m’a appris que la douceur et la gentillesse ne me mèneraient pas à grand-chose. Il gardait cependant une bonté que la société ne pouvait corrompre. Les livres m’ont enseigné l’amitié et la fidélité, la trahison et la méfiance. Ils m’ont appris à rêver et m’ont parlé de mondes, d’êtres et d’existences dont je n’avais jamais soupçonné l’existence. (p.372)
Voilà à quoi servent les entreprises. À faire fructifier le capital. Ce qu’elles fabriquent ne compte pas. Torpilles, denrées alimentaires, vêtements, meubles, c’est du pareil au même, et elles feront tout ce qu’il faut pour survivre et prospérer. Ont-elles des chances d’accroître leur capital en faisant trimer leurs employés comme des esclaves ? Oui, si c’est nécessaire. Peuvent-elles faire plus de bénéfices en vendant des instruments de mort ? Oui, encore une fois. Et ont-elles le droit de saccager la nature, de détruire les forêts, de déraciner les communautés et de polluer les rivières ? Elles en ont le devoir si cela leur permet de gagner davantage d’argent.
Une société est une buse amorale. Elle n’a aucun sens du bien et du mal. Les contraintes doivent venir de l’extérieur, des lois et des coutumes qui lui interdisent de faire certaines choses que nous désapprouvons, mais ces restrictions réduisent les bénéfices. Voilà pourquoi toutes les compagnies s’efforceront toujours de contourner les lois et d’agir à leur guise pour faire du profit. C’est leur seule façon de survivre, parce que les puissants dévorent les faibles. Et que c’est dans la nature du capital, qui est sauvage, épris de liberté et ne supporte aucune entrave. (pp.287-288)
- Je vous fais peur ? Ou vous faites-vous peur à vous-même ? demanda-t-elle d'un ton qui suggérait qu'elle n'attendait pas de réponse.
L'antipathie et le ressentiment constituent de puissants stimulants.
La plupart du temps la fiction vaut mieux que la réalité et en général, on peut d'avantage s'y fier.
Vous lui fournissiez le moindre renseignement, et il était capable de bâtir tout un récit autour. Et si vous ne lui en procuriez aucun il pouvait inventer une si belle histoire que le résultat était plus vrai que la vérité.
ma question fut accueillie par un grognement collectif qui paraissait signifier un absolu manque d'intérêt.
Les capitalistes veulent l'argent de leurs clients et le corps des ouvriers. Les psychiatres exigent leur âme.
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Mais commençons par le commencement... Vous avez été recruté, pour des qualités que je n'ai pas personnellement constatées, afin de devenir ce qu'on appelait jadis un "agent de renseignements" et aujourd'hui, de manière assez vulgaire, un "espion". La Grande-Bretagne est seule au monde, très enviée et détestée pour sa richesse et l'étendue de son empire. Beaucoup souhaiteraient l'abattre. Elle ne doit compter que sur elle-même et ne peut considérer personne comme son ami. Il lui faut tout surveiller et être capable de semer la discorde parmi ses ennemis. Voilà, brièvement , en quoi va consister votre travail.
Je posai sur lui un regard perplexe. Il devait sans aucun doute s'agir d'une mauvaise plaisanterie.
Vous vous taisez, enfin, poursuivit-il. Vous commencez à apprendre. Si M. Wilkinson décide que l'intérêt national est mieux servi par la paix continentale, vous vous efforcerez - en vous acquittant de votre petit rôle - d'oeuvrer en ce sens. S'il change soudain d'avis et décide qu'une guerre est nécessaire, vous chercherez à monter les voisins les uns contre les autres. Et surtout vous tenterez de découvrir qui pense quoi, à tel ou tel moment.