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Georges-Michel Sarotte (Traducteur)
EAN : 9782266135245
587 pages
Pocket (16/09/2004)
3.63/5   148 notes
Résumé :
Historien, journaliste, spécialiste en histoire de l'art, Iain Pears s'est révélé au grand public avec "Le Cercle de la Croix," roman déjà culte qui l'a propulsé sur le devant de la scène littéraire anglaise.
Avec "Le Songe de Scipion," il récidive et prouve que son immense talent se situe bien au-delà des recettes et des ficelles romanesques. Une intrigue qui tient le lecteur en haleine en entrecroisant savamment les destins de trois protagonistes – Manlius,... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (17) Voir plus Ajouter une critique
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En route, en compagnie de Iain Pears l'érudit, pour le Vaucluse, Vaison-la-Romaine, Avignon et son palais des papes à l'entrée duquel les visiteurs curieux d'aujourd'hui peuvent apercevoir le blason de son bâtisseur, Clément VI le Magnifique.
Un pape, donc, sans doute le plus célèbre de la parenthèse française en Avignon, un poète, Pétrarque, dont chacun connait le nom, même s'il n'en a jamais lu un vers, et un évêque, Sidoine Appolinaire, sanctifié et fêté tous les 21 août, sont les trois personnages historiques, sur lesquels Iain Pears base son récit même si, pour les deux derniers cités, il utilise des personnages de fiction (Olivier de Noyen et Manlius). Sur trois époques différentes, la chute de l'Empire romain du Vème siècle, la papauté avignonnaise du XIVème siècle au moment de la Grande Peste et l'invasion nazie de la mi-vingtième siècle, il s'interroge sur les notions de civilisation, de résistance à la barbarie, de fidélité à ses convictions. Peut-on, doit-on consentir à de mauvaises actions pour que d'autres plus terribles soient évitées ? Dans ces périodes terribles où les barbares triomphent, la défense de la civilisation se limite à peu de choses, quelques choix cornéliens, résister jusqu'à la mort ou pactiser en espérant sauver ce qui peut l'être, s'imposent à tout un chacun et particulièrement à ceux qui sont en charge des âmes ou des corps. Et quand l'amour s'en mêle (Pétrarque a sa Laure, Sidoine sa Sophia et Julien, le personnage fictif du XXème siècle, sa Julia), les choix deviennent encore plus difficiles, plus dramatiques et plus déchirants. On ne peut que se féliciter de n'y être pas (encore ?) confrontés. L'Histoire officielle se charge, à postériori, d'habiller, à la guise des vainqueurs, les choix effectués des motivations qui l'arrangent plus que la vérité. On apprend ainsi de Clément VI, au travers du sort des Juifs persécutés à ces trois périodes pour servir de boucs-émissaires, qu'il est passé à la postérité pour avoir, au beau milieu de l'épidémie de Peste noire de 1347-1348, publié deux bulles interdisant de les forcer à la conversion et menaçant d'excommunier tous leurs persécuteurs. Quelle en était la motivation exacte ? le roman en livre une, rien n'est certain, laissons-lui donc le bénéfice du doute.
C'est une belle promenade érudite qui pose beaucoup de questions. On y aborde, de façon romancée et agréable, politique, philosophie, histoire et histoire de l'art, à trois époques particulièrement troublées dans une unité de lieu (le Vaucluse). Les sentiments compliquent tout : amour, amitié, de même que l'envie de bien faire, et aboutissent parfois à des trahisons assumées ou à des renoncements déchirants. C'est un roman qui donne envie de retourner dans ce Vaucluse ensoleillé et parfumé pour plonger dans son histoire méconnue et (re)découvrir la poésie de Pétrarque.
« De longs cheveux brillant à rendre l'or jaloux,
Le regard le plus pur, le plus charmant visage
Qui jamais aient fait mettre un mortel à genoux,
Un sourire ineffable, un gracieux langage,
Une main, de beaux bras noblement arrondis
A faire implorer grâce au coeur le plus rebelle,
Un pied fait par l'amour, une femme si belle,
En un mot, qu'il n'est rien de tel au paradis,
Me faisaient d'heureux jours; mais Dieu l'a rappelée,
Empressé de la voir parmi sa cour ailée,
Et moi, je reste seul, les yeux morts au bonheur.
Pourtant une espérance ici-bas m'est laissée :
Peut-être l'ange heureux, qui lit dans ma pensée,
De nous voir réunis obtiendra la faveur. »
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Je ne relis jamais les livres que j'ai lu. Il y a tant d'autres livres à découvrir. Et puis il y a le risque de d'avoir en mémoire un très bon moment de lecture, et de se retrouver en deuxième lecture avec un ouvrage affadi.
Je considérais le Songe de Scipion comme un roman majeur et j'ai pris le risque de sa relecture. Pour au final un avis confirmé.
J'ai rarement eu l'impression de sortir d'un livre en m'étant posé autant de questions, en ayant autant eu autant l'impression de lire un ouvrage intelligent, construit, subtil, et expliquant un peu les vicissitudes du monde.
Les trois époques évoquées importent finalement peu, même si leurs enjeux sont bien expliqués. L'important découle des choix individuels et collectifs, de la capacité de dépasser son cas individuel, ou, au contraire, de laisser parler son ambition.
La première partie est consacrée à la chute de l'empire romain en Gaule et à l'arrivée du christianisme, non seulement comme religion, mais comme facteur d'équilibre social. Face à l'abandon par Rome, le riche Manlius, païen, va choisir le christianisme. Pas sans calcul, mais sans renier sa philosophie de vie.
Le deuxième époque est celle des Papes en Avignon, des moyens qui permettent d'accéder aux puissants, et des risques qu'il y a à les fréquenter.
La troisième partie montre la deuxième guerre mondiale, par le petit côté des choix qu'ont pu faire certains face aux idéologies et à l'instauration du totalitarisme.
Dans les trois cas, l'histoire, celle qui reste, est celle des vainqueurs. Elle oublie les situations préalables, et prétend qu'il n'y avait qu'une seule voie possible. Ce livre montre au contraire que les choix sont parfois durs, parfois peu récompensés, mais toujours infiniment humains.
Les trois époques évoquées n'ont rien à voir les unes avec les autres, pourtant les mêmes thèmes, les mêmes préoccupations les habitent. L'histoire bégaie, mais à chaque époque il appartient à chacun de faire ses choix, en fonction de ce qui lui semble juste.
Un livre majeur.
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J'ai découvert Iain Pears à travers l'excellent Cercle de la croix. Et quelle agréable surprise que ce Songe de Scipion qui m'a plu encore davantage.

Voilà un livre bien écrit et surtout intelligent. Pas seulement par son style, par les connaissances qu'il contient, mais surtout parce qu'il fait réfléchir. Car ce roman n'est pas seulement un moment de détente, c'est un texte qui pose des questions.

Le principe est simple : la Provence, trois époques troublées non sans similitudes (la chute de l'empire romain, la peste noire du XVIè siècle, l'Occupation), trois hommes cultivés qui portent les valeurs de leur société.
Et à chaque fois, pour ces hommes, un choix impossible à faire. Jusqu'où peut-on, doit-on aller quand la barbarie menace la civilisation ?
Quand on sait que cette barbarie l'a d'ors et déjà emporté, pour sauver quelques fragments de sa culture, peut-on trahir, collaborer, contre ses propres valeurs ? Quand rester fidèle c'est regarder s'effondrer tout ce à quoi on croit sans pouvoir bien faire alors qu'en rejoignant les rangs de l'ennemi, on peut en sauver quelques bribes, quelles concessions peut-on s'autoriser ?
Les personnages de ce roman ont fait leur choix, ils ont sacrifié une part de leur valeurs et peut-être de leur humanité en espérant protéger une part de leur civilisation.
L'Histoire les jugera, non selon leurs actes, leur courage ou leur trahison, mais selon que le camp qu'ils ont rejoint sera le perdant ou le vainqueur.

Dans ce roman, qui pourra dire quel choix était le meilleur, lequel était juste, humain ou non, si ce qui est sacrifié vaut plus ou moins que ce qui est sauvé ?
Tout comme aucun de nous ne peut savoir le choix qu'il aurait fait dans ces situations extrêmes, aucun de nous ne saurait juger ces trois hommes. Mais leur histoire fait réfléchir à la valeur de la civilisation et au prix à payer pour la conserver.
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Je ne le connaissais pas, mais Ian Pears est apparemment un écrivain populaire. Pour moi, cette première rencontre a été une satisfaction. Ce livre est un roman historique ingénieusement composé qui combine de nombreux thèmes. L'histoire se déroule en 3 couches temporelles : la fin du Ve siècle, le début du XIVe siècle et le milieu du XXe siècle, chacune avec un protagoniste central. L'auteur saute constamment d'une période à l'autre, vous devez donc garder la tête froide. le fil conducteur est le manuscrit "Le Songe de Scipion", une écriture néoplatonicienne du personnage principal au 5ème siècle qui est redécouverte et interprétée par les protagonistes du 14ème siècle et du 20ème siècle. Il existe également un élément de liaison spatiale : les événements des trois couches temporelles se déroulent tous en Provence, plus précisément autour du village Vaison.

Et les thèmes (philosophiques, romantiques, politiques) sont également communs. le plus important est la question de savoir comment on peut maintenir une civilisation à flot en temps de crise fondamentale. Les nombreux dialogues de ce livre évoquent constamment ce sujet. Et le message est : faire quelque chose vaut mieux que ne rien faire, mais comment faire la bonne chose ? Les protagonistes des trois époques semblent chacun faire des compromis entre le bien et le mal, ou plutôt entre le moindre bien et le moindre mal. Cela montre immédiatement que ce roman traite essentiellement de choix moraux. Et le message que Pears a mis dans son récit ne semble pas si porteur d'espoir : en fonction de l'objectif supérieur (sauver la civilisation), les trois protagonistes font des choix très douteux, et même carrément trahissent leurs idéaux et leurs proches. Ensuite, en tant que lecteur, vous vous retrouvez avec un sentiment très inconfortable : une boussole morale fiable ne peut être trouvée dans le chaos du présent, et même le passé ne semble pas la fournir. Pears dit : agissez, défendez le camp de la civilisation, faites quelque chose, mais sachez que vous ne pouvez jamais être sûr de faire les bons choix. Frustrant.

Donc, ceci est un roman assez intriguant et captivant. Bien qu'il y ait quelques faiblesses. J'ai mentionné tous les sauts maladroits entre les couches temporelles. Mais le néo-platonisme qu'introduit Pears est aussi quelque peu contre-intuitif : le manuscrit auquel se réfère le titre n'apparaît qu'occasionnellement, les thèses néo-platoniciennes ne s'imposent pas à mon avis, et au final il apparaît même que l'auteur du manuscrit a frappé la balle complètement fausse. Les histoires d'amour que Pears présente (dans les 3 couches temporelles) certes sont sympathiques, mais certains passages (comme la brève rencontre entre Julia et Picasso) sont traînés par les cheveux. Mais ne vous plaignez pas, dans l'ensemble, c'est un roman historique assez réussi.
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Ian Pears est un écrivain, mais aussi penseur et un érudit - un peu comme Umberto Eco, par exemple. Dans ce gros roman, il entraîne les lecteurs dans le dédale de l'Histoire, plus précisément à trois moments-clé de notre passé: pendant l'agonie de l'Empire Romain, à la Renaissance et pendant la seconde guerre mondiale. On suit les aventures de Manlius, d'Olivier et de Julien, chacun vivant à l'une de ces trois époques. L'auteur montre comment le destin de l'individu est lié au contexte historique où il vit. le lien - assez lâche - entre ces trois destins est assuré par un texte intitulé "Le songe de Scipion" que Cicéron aurait rédigé.
C'est un livre intelligent et bien construit, qui permet d'affiner notre culture et notre réflexion sur L Histoire. Toutefois, il m'a semblé parfois un peu difficile de "sauter" d'une époque à l'autre, dans ce roman à trois voix. "Le cercle de la croix", du même auteur, m'avait laissé une impression plus subtile et plus inoubliable.
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Citations et extraits (16) Voir plus Ajouter une citation
« À Verdun, commença-t-il tranquillement, j'ai vu des choses plus affreuses que tu ne peux l'imaginer. J'ai vu se déchirer le tissu de la civilisation. Plus les règles se relâchaient, plus les gens se sentaient libres de faire ce qu'ils voulaient. Ce qui l'affaiblissait encore plus. Alors, j'ai décidé que le plus important était de protéger la civilisation pour qu'elle survive. Sans ce réseau de croyances et d'habitudes, nous sommes pires que des bêtes. Les animaux sont bridés par les limites de leur cerveau et par leur manque d'imagination. Pas nous.
» C'est donc ce que j'ai tenté de faire, toute ma vie, à mon faible et insignifiant niveau. Tout vaudrait mieux qu'un écroulement semblable, parce que j'étais sûr qu'un nouvel effondrement serait définitif. Il n'y aurait plus moyen de revenir en arrière. Et je me suis dit que quoi que fassent les politiciens ou les généraux, ils n'étaient que des barbares et que le reste de l'humanité devait protéger de leur emprise ce qui était vraiment important, entretenir la flamme vacillante. Les gens comme toi et Bernard, voilà ce que je détestais le plus. Vous n'étiez ni l'un ni l'autre assez honnêtes pour admettre que vous vouliez juste le pouvoir.
» J'avais tort, et je ne m'en suis rendu compte que lorsque tu m'as annoncé que Julia avait été dénoncée par la femme du forgeron du village. Bizarre, tu ne trouves pas ? J'ai vu la guerre, des invasions et des émeutes. J'ai entendu parler de massacres, de brutalités inimaginables, mais j'ai gardé ma foi dans la capacité de la civilisation de ramener les hommes du bord du gouffre. Et cependant, une seule femme écrit une lettre, et tout mon univers s'écroule.
» Tu vois, c'est une femme ordinaire. Une brave femme, même. C'est précisément là le problème. Toi, tu n'es pas un brave homme. Bernard non plus. Rien de ce que vous êtes susceptibles de faire, l'un et l'autre, ne peut me surprendre, me tracasser, me choquer. Mais elle, elle a dénoncé Julia et l'a envoyée à la mort, parce qu'elle était jalouse d'elle et parce que Julia est juive.
» Je croyais que l'opposition était claire entre les civilisés et les barbares, et j'avais tort. Ce sont les civilisés qui sont les vrais barbares et les Allemands ne sont que la suprême incarnation de la barbarie. Ils représentent notre plus grande réussite. Ils édifient un monument qui ne sera jamais abattu, même quand eux auront été balayés de notre sol. Ils nous donnent une leçon qu'on entendra encore pendant des siècles et des siècles. Manlius Hippomanes a enfoui ses idées dans l'Église et ces idées ont survécu à la fin de son monde. Les nazis font la même chose. Ils nous tendent un miroir en s'exclamant : "Regardez ce que nous avons tous réussi à faire ensemble !"
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page 144-145
Ce fut le petit rire de Jacques qui, en faisant tomber le masque, tua le mariage. Un petit hennissement aigu, d'une demi-seconde, vite étouffé comme il avait appris à le faire, mais vibrant de cynisme. Il avait pris la passion de sa femme pour une distraction et sa profonde concentration pour une langueur de rêveuse. Il ne se rendait absolument pas compte de son talent. Ca, elle ne pouvait l'accepter.
Peut-être sa réaction avait-elle été intempestive. Elle ne nia jamais cette possibilité. Du point de vue diplomatique - celui de son mari, naturellement -, sa crise de nerfs était imprévisible, excessive, voire un rien vulgaire. Mais le tremblement de ses mains et les trémolos de sa voix n'étaient pas feints, ne visaient pas au mélodrame. Elle tentait d'expliquer à un homme qui ne pouvait pas plus la comprendre qu'un sourd n'est capable de comprendre Bach ce qu'elle faisait et pourquoi cela comptait tant pour elle.
" Pourquoi donc êtes-vous tous toujours aussi hystériques ? "
Des siècles, des millénaires peut-être, étaient distillés, précipités, concentrés dans cette simple remarque désinvolte lancée uniquement pour calmer la colère de son épouse. Ses implications auraient pu remplir maint ouvrage, ce qui était d'ailleurs le cas. Les mots eux-mêmes, le ton méprisant, le mélange de vague peur et de dégoût, tout cela aurait pu être développé avec moult détails. Mais ce n'était pas nécessaire : Julia n'avait pas besoin qu'on lui fasse un dessin, et lui non plus, à en juger par l'inquiétude qu'elle lisait dans ses yeux. Il savait pertinemment ce qu'impliquait sa question.
Elle ne lui reparla jamais. C'était inutile. Elle ne demanda pas le divorce non plus. Elle ne voyait guère l'intérêt de se lancer dans un procédure pénible, compliquée, et pour la carrière de son mari avoir une épouse invisible valait mieux que de ne pas en avoir du tout. Il resta toujours comme au début, franc, honnête, sincère, affectueux à sa manière, et dès qu'elle cessa d'être en colère elle reconnut ses nombreuse et grandes qualités. Elle avait également aperçu une face obscure dont elle ne voulait plus s'approcher même si elle pouvait pardonner. Elle n'avait cependant aucune envie de lui nuire. Elle ne chercha pas à se venger et en ressentit finalement quelques remords. Le fait que sa rage s'était si vite dissipée la convainquit qu'elle ne l'avait jamais aimé. Elle était seule responsable de tout ce gâchis.
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"La politique vous ennuie ?" demanda Brosen.
Julien sourit.
"En effet. Toutes mes excuses, monsieur. Ce n'est pas que je n'aie pas essayé de m'y intéresser, mais des recherches méticuleuses et approfondies m'ont permis d'émettre l'hypothèse que tous les hommes politiques sont des menteurs, des imbéciles ou des filous, et je n'ai rien encore trouvé qui me fasse changer d'avis. Ils peuvent causer de grands dommages et ne font que rarement de bonnes choses. Le citoyen lucide a le devoir de protéger la civilisation de leurs déprédations."
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Avant qu'une telle opération ait seulement pu etre envisagée, et surtout mise en oeuvre, il a fallu des centaines d'années afin de développer les compétences et affiner les méthodes. Et aujourd'hui l'heure a sonné. L'heure est venue de mettre en pratique toutes les techniques de la civilisation.
Peux-tu imaginer une réussite plus impressionnante, plus durable ? Elle durera éternellement et ne pourra jamais être détruite. Quels que soient les bienfaits qu'on apporte à l'humanité, on aura tué les Juifs. Quelle que soit l'ampleur des progrès de la médecine, on les aura tués. Quels que l'envergure de nos succès, notre degré de perfection, voilà ce qui se trouve au fond de nous. Non pas par accident ou dans un accès de rage. Nous l'aurons fait de propos délibéré et après des siècles de préparation.
Quand tout sera terminé, on essaiera de considérer les Allemands comme les uniques responsables, les Allemands rejetteront la faute sur les nazis, et les nazis sur le seul Hitler. On lui fera porter tous les péchés du monde. Mais ce n'est pas vrai. Tu te doutais de ce qui se passait, et moi aussi. C'était déjà trop tard il y a plus d'un an. J'ai fait perdre son travail à un journaliste parce que tu me l'avais demandé. Il a été déporté. Le jour où j'ai fait cela, j'ai apporté ma petite contribution à la civilisation, la seule qui compte.
- Si tu penses ce que tu dis, alors pourquoi n'as-tu pas rejoint Bernard ?
- Parce qu'il ne vaut pas mieux. Il a promis de faire sortir Julia de France, et il n'en a rien fait car il avait besoin a elle pour fabriquer de faux papiers pour lui. Si ça faisait
courir des risques à Julia, eh bien, tant pis ! Et qu'importe si elle se faisait pincer ! Il s'intéresse uniquement à l'avenir... Entre-temps, ses camarades tuent des soldats et placent des bombes dans des casernes. Ils ne sabotent pas beaucoup de convois qui transportent des Juifs. Cela ne constitue pas une priorité. Ils ont des choses plus importantes à faire.
"Le mal commis par des hommes de bien est le pire de tous". Voilà ce qu'affirme mon évêque néoplatonicien, et il a raison. Il le savait de première main. Nous avons fait des choses atroces pour les meilleures raisons du monde, et c'est pire que tout.
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_ Non, Bernard n'est pas un homme bon. Il possède de nombreuses qualités estimables : il est intelligent, drôle, dynamique, de bon conseil s'il n'est pas lui-même affecté par les conséquences de l'affaire. Mais il n'est pas bon. Il ne s'intéresse pas aux gens et ne les comprend pas. Il aime la classe ouvrière, mais les ouvriers le dégoûtent. Marcel, au contraire, aime les ouvriers, et déteste la classe ouvrière.
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