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Dominique Nédellec (Traducteur)
EAN : 9782381401720
368 pages
Viviane Hamy (10/01/2024)
3.25/5   4 notes
Résumé :
Avec ces Trois histoires d'oubli, Djaimilia Pereira de Almeida, en digne admiratrice du Flaubert des Trois contes, traverse les époques, du XIXᵉ siècle à nos jours, pour imaginer des personnages qui essayent chacun, tant bien que mal, de façonner leur destin.
Dans La Vision des plantes, le capitaine Celestino revient au pays au terme d'une vie passée sur les mers ; cet ancien trafiquant d'esclaves sans remords entend bien finir ses jours "comme un sain... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Trois histoires, trois époques, trois hommes, un même effacement.

Dans « La vision des plantes », Celestino, ancien capitaine d'un navire négrier, revient dans sa maison natale délabrée. Après une vie de violences cruelles commises sur les esclaves noirs qu'il transportait dans les cales de son bateau, il n'aspire plus qu'à soigner son jardin laissé à l'abandon toutes ces années. La compagnie des fleurs est la seule qu'il tolère, parce que les fleurs, elles, ne le jugent pas. Pourtant il n'éprouve aucune culpabilité quant à sa vie passée, n'a ni remords ni regrets, ne ressent rient, se contrefiche de ce que pensent ses voisins, ne cherche ni pardon ni rédemption.

Dans « Raz-de-marée », Boa Morte, un Angolais qui a combattu dans le camp du Portugal lors de la guerre coloniale, s'est exilé à Lisbonne. Mais sa loyauté envers l'ex-Mère Patrie est loin d'avoir été récompensée. Boa Morte a tout juste un toit sur la tête, et c'est à peu près tout. Pour gagner quelques euros, il travaille dans la rue, aidant les automobilistes à trouver une place de stationnement. Il a malgré tout quelques amis, tout autant crève-misère que lui. Parmi eux, Fatinha, épave humaine dont l'esprit bat la campagne la plupart du temps. Elle a l'âge d'être sa fille, alors Boa Morte lui tient compagnie, la protège. Quant à sa vraie fille, restée en Afrique, il ne la reverra sans doute jamais, ni ne lui enverra les lettres qu'il lui écrit tous les jours.

« Brume » raconte la vie (ou la non-vie) de Brume, esclave brésilien « expédié dans le Nord [du Portugal] comme on expédie une lettre » par ses maîtres, pour y travailler dans l'une de leurs propriétés. La vie a fait un seul cadeau à Brume et à son « désespoir d'être un valet en deuil d'une liberté qu'il n'avait jamais connue » : il a appris à lire. Et tout au long de sa vie (sa non-vie), la lecture sera pour lui un refuge, une cabane secrète au fond des bois, l'endroit au monde où il se sentira libre.

Trois histoires d'oubli, pour ne plus se souvenir du passé et des atrocités qu'on a commises ou subies ou pour se libérer du jugement d'autrui, d'une vie de misère et de servitude, en s'évadant dans le jardinage, l'écriture ou la lecture.

Trois histoires d'hommes oubliés, ou sur le point de l'être, ou qui n'ont jamais occupé la mémoire de personne.

Parmi ces trois histoires d'oubli, j'en retiens une : « Raz-de-marée ». Dans les deux autres, j'ai trouvé que la langue était belle, certes, mais inutilement chaotique, se perdant en circonvolutions répétitives entre passé et présent, en phrases confuses et décousues. L'écriture de « Raz-de-marée » est beaucoup plus fluide, le fil narratif bien plus lisible, les personnages beaucoup plus et mieux incarnés ; on ne peut qu'être ému par leur triste sort et par l'histoire d'amitié entre Boa Morte et Fatinha.

En partenariat avec les Editions Viviane Hamy.
Lien : https://voyagesaufildespages..
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Non, on n'oublie pas son passé. Et c'est souvent dans les dernières heures de la vie qu'il se manifeste et vous hante.
Celestino est un ancien pirate, convoyeur d'esclaves. A la fin de sa vie, il revient dans la maison maternelle abandonnée. Il jette le superflu, consolide son habitat et surtout s'attaque au jardin. L'homme n'a pas son pareil pour faire pousser les fleurs et les légumes. Mais il creuse la terre comme s'il creusait son âme. Une âme tourmentée par d'affreux crimes d'esclaves et la mémoire d'une enfant abandonnée dans la forêt.
Boa Morte, émigré angolais, traîne dans les rues de Lisbonne, malgré la douleur d'une hernie ombilicale. Il gagne quelques pièces en aidant les voitures à se garer. Avec son chien Jardel, il vit avec d'autres marginaux chez Madame Idalina. Sans cesse, il parle et écrit à sa fille restée au pays et il aide Fatinha, une SDF sans âge. Boa Morte aide tous ceux qui l'entourent comme pour rattraper tout ce qu'il a maltraité : son uniforme, sa femme, sa fille, son travail, sa maison.
Brume, un esclave brésilien, est le personnage de la troisième histoire. Il échappe à sa condition en trouvant refuge dans la lecture et dans une cabane plusieurs fois détruite et reconstruite dans les bois.
En campant des personnages torturés à l'approche de la mort, l'auteur évolue entre passé et présent, entre survie et purgatoire. Les trois personnages sont hantés par la violence de leur passé. le transport et l'assassinat d'esclaves pour Celestino, la guerre coloniale et la violence conjugale pour Bao Morte et l'humiliation de l'esclavage pour Brume. Chacun cherche un moyen de rédemption dans la nature, l'altérité. Mais certaines vies sont trop lourdes pour trouver la sérénité.
Et ce récit n'est pas serein. Quand on a donné la mort, on ne revient pas du côté des vivants. Parmi cette noirceur, il y a pourtant des personnages lumineux. J'ai particulièrement aimé Bao Morte mais on accorderait aussi l'absolution à Celestino. La puissance des personnages est la force de ce recueil qui parfois recèle quelques longueurs. Pourtant le style, la force et le mystère spirituel de Djaimilia Pereira de Almeida m'incitent à la lire lors d'un prochain roman.
Lien : https://surlaroutedejostein...
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Au seuil de la mémoire, de la conscience souvent aussi, trois récits pour laisser entendre les souffrances et les échos, les culpabilités et les refuges, bref l'Histoire derrière les perceptions hallucinées, poétiques et sensibles, que peuvent en avoir un ancien capitaine, un ancien militaire et un esclave. Par de très beaux changements de points de vue, par une musicalité de sa langue et des perceptions dont elle cerne la déperdition, Djaimilia Pereira de Almeda sonde les rapports complexes entre le Portugal et l'Angola, la société d'invisibles et de réduits au silence, les mots et désirs de dire qui jusqu'au dernier instant animent, malgré tout, les femmes et hommes. Trois histoires d'oubli aux confins d'un réalisme magique, d'un lien avec l'extériorité d'un jardin, d'un potager ou d'une cabane en forêt fait entendre la solitude et les espoirs éperdus qui nous relient.
Lien : https://viduite.wordpress.co..
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critiques presse (2)
LeMonde
19 février 2024
Bourreaux et victimes témoignent de la violence qui a régné dans l'empire portugais. Ce premier livre traduit de l'écrivaine lisboète fascine.
Lire la critique sur le site : LeMonde
LaCroix
02 février 2024
Sans le moindre accent de procureure, Djaimilia Pereira de Almeida acclimate sa prose majestueuse au service de laissés-pour-compte des aventures coloniales et de leurs crimes.
Lire la critique sur le site : LaCroix
Citations et extraits (2) Ajouter une citation
Si quelqu’un s’imaginait qu’il cultivait les fleurs de sa sépulture, il fallait qu’il sache que les roses, les œillets, leurs surprises quotidiennes, chacune des prunes auxquelles il trouvait presque un goût d’ananas des Açores, représentaient pour le capitaine les visages et les âmes de tous ceux qui, morts entre ses mains ou témoins de ce qu’elles avaient commis, lui offraient à présent leur silence éternel, plantés là, réclamant l’eau de son arrosoir, la nourriture de son puits.
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Il avait fabriqué sa chaumière, comme un lecteur se fabrique lui-même, et fabrique un monde, avec mille fragments, à mesure qu’il lit.
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