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Critique de Woland


Woland
03 septembre 2016
The Face Of A Stranger
Traduction : Roxanne Azimi

ISBN : 9782264033048

Eh ! bien, contrairement à notre chère Elisabeth, je suis personnellement une fanatique des aventures de William Monk, probablement parce que je les juge dans le fond, à quelques rares exceptions près, d'un noir pour ainsi dire sublime. (Ce qui ne m'empêche pas d'avoir aussi sur mes rayons nombre d'ouvrages dont Charlotte et Thomas Pitt sont les héros, attention, hein ! ) J'y trouve également une critique sociale beaucoup plus acérée - attention encore, ce n'est que mon opinion ! - du règne de Victoria dans les années 1850. Ceux qui se sont intéressés un tant soit peu à Jack l'Eventreur , premier "tueur en série" officiellement reconnu même s'il eut bien des prédécesseurs, non seulement en Europe mais dans le reste du monde (ne serait-ce qu'en France, si vous croyez encore que la Bête du Gévaudan n'était qu'un "loup" un peu bizarre, lisez donc l'excellent ouvrage que Michel Louis lui a consacré (avec la fiche que Lydia nous a concoctée - je ferai la mienne plus tard ) et demandez-vous un peu si un loup, si intelligent qu'il soit, est capable de remettre à sa juste place, sur le cadavre qu'il vient d'éventrer, un bonnet ou tout autre vêtement) ne sont pas sans savoir que l'état de la police britannique, et particulièrement londonienne, était pour tout dire lamentable dans la première partie du XIXème siècle. Ce sera justement l'affaire Jack l'Eventreur qui fera beaucoup pour faire évoluer dans le bon sens cette carence scandaleuse. Encore la chose se fera-t-elle assez lentement et après cinq assassinats particulièrement atroces et audacieux qui ne sont d'ailleurs pas toujours résolus, l'ouverture des archives policières, au début de notre siècle, n'ayant pas donné grand chose.

Néanmoins, à l'époque à laquelle débute le roman d'Anne Perry, Scotland Yard existe déjà. le problème, c'est que les policiers ne sont absolument pas considérés comme des gentlemen - on les fait en général entrer par la porte de service, comme les fournisseurs ou les domestiques - et qu'ils seraient même, à bien y regarder, plus bas, dans l'esprit d'un victorien bien né, que le plus rustre des épiciers. Or, justement, l'homme qui se réveille, complètement amnésique, à la première page d'"Un Etranger Dans le Miroir", est policier. C'est même le plus fin limier du Yard, son supérieur hiérarchique, Runcorn (qui, pourtant, le déteste pour des raisons que nous apprendrons peu à peu), est le premier à l'admettre. Seulement, question sociabilité et ambition, il faut bien reconnaître que le William Monk qui s'est si mal sorti de son accident de fiacre au point qu'il ne se rappelle que des bribes de son "avant-la-chute", si je puis me permettre ;o) , était loin d'être un modèle. Un excellent policier certes, mais froid, raide, antipathique et hautain, y compris avec ses collègues. Autre problème : ce passé, si glorieux sur le plan professionnel, gêne le "nouveau" Monk et, tout au long de ses aventures, on va le voir lutter pour découvrir les raisons qui le poussaient à afficher une telle personnalité et faire de remarquables efforts pour "renverser la vapeur." Car, là-dessus aussi, tout le monde est d'accord : William Monk est un homme intègre - une sorte d'"Incorruptible" anglais, sans les histoires politiques et sans la guillotine bien sûr puisque, chez Sa Très Gracieuse Majesté, on pend encore mais on ne guillotine pas, shocking ! Alors, si cet Incorruptible pouvait devenir sympathique ... Surtout qu'il n'est pas mal du tout, le bougre ...

Si Runcorn est relativement soulagé de voir son meilleur policier (et son meilleur ennemi) émerger des vapeurs de son délire pseudo-comateux, il n'en est pas moins heureux de lui remettre, en toute traîtrise et avec tout plein d'arrière-pensées, après une petite semaine de repos tout de même , une affaire qui est loin de sentir la rose et qui implique la bonne société londonienne. le benjamin de la famille Grey, Joscelin, revenu blessé à la cheville de la Guerre de Crimée, vient d'être retrouvé dans son appartement, battu à mort et vraiment pas joli à voir. Ce n'est pas là le travail d'un professionnel mais l'acte passionnel et plein de haine de quelqu'un qui connaissait fatalement la victime. Secondé par le sympathique sergent Evan, Monk arrive presque immédiatement à cette conclusion. Il a peut-être perdu la mémoire mais son cerveau, lui, n'a rien perdu de ses talents de déduction.

Ce roman constituant le premier d'une série, il est aussi un tome d'exposition. Car, au moment de son accident, Monk s'occupait d'une autre affaire : le suicide de leur père sur lequel les Latterly (Charles et Hester, les deux enfants, et Imogen, la belle-fille) tenaient à voir la lumière faite de manière intégrale, le malheureux étant mort parce qu'il ne pouvait régler ses dettes et, visiblement victime d'un escroc de haut vol, parce qu'il ne se pardonnait pas d'avoir entraîné certaines de ses relations à investir, tout comme lui, là où il ne fallait pas. Suicide ... Ruine ... Déshonneur ... Et nous sommes sous Victoria, Reine d'Angleterre et Impératrice des Indes, pas sous un Sarko ou un Hollande, présidents respectivement "bling-bling" et "carpette intégrale." Alors, vous imaginez le scandale ...

S'il se rappelle Imogen, qu'il croise dans une église avec son mari et sa belle-soeur, Monk ne regarde pratiquement pas cette dernière : grande pour une femme, une grande bouche aussi, pas vraiment jolie ... Par la suite, on apprend que, admiratrice de Florence Nightingale, Hester Latterly, elle aussi, a participé à la Guerre de Crimée, comme Joscelin Grey donc, mais en qualité d'infirmière. Au lecteur d'en déduire la nature de son caractère - à peu près le même que Monk, au féminin.

Hester Latterly et William Monk, retenez bien ces deux noms : vous les lirez encore souvent sur Nota Bene - et fatalement chez Woland, sur Babélio. Dans ce premier opus, ils se rencontrent, commencent à se disputer et à se contrarier l'un l'autre, à s'épauler aussi : bref, comment dire, si les thèmes choisis par Anne Perry n'étaient pas aussi souvent si noirs et si ciblés et si l'aspect policier à trame historique n'était pas là, on pourrait presque songer à Claudette Colbert et Clark Gable dans "New-York/Miami", en moins léger cependant, victorianisme et genre "roman noir" oblige.

Si ce que je viens de vous raconter vous a plu, alors n'hésitez pas et allez jeter un coup d'oeil dans ce miroir où un "étranger" cherche en vain son véritable "Moi." Une précision qui me semble cependant nécessaire et même indispensable : au risque de vous lasser (mais rien ne vous empêche d'éviter l'obstacle en alternant avec, par exemple, un Frère Cadfaël d'Ellis Peters ou, pourquoi pas ? bonne occasion pour découvrir ce petit nouveau, avec la Frénégonde de "Quand La Fratrie S'Emmêle", de Lydia Bonnaventure, l'un de nos auteurs "Maison" (si l'auteur en question me permet cette formule, ;o) ), tout comme dans la série des Pitt d'ailleurs, mieux vaut lire les "Monk" par ordre chronologique. Et revenez nous dire si vous avez aimé ! N'oubliez pas surtout - celle-là, je ne pouvais pas la rater tout de même ! ;o)
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