Ce qui est assez cocasse, c'est que Les Enchantements d'Ambremer est le troisième roman que je lis qui se déroule durant cette période, et dans chacun de ces trois romans, le récit est celui d'une enquête. Je ne sais pas ce que cette période ajoute aux récits policiers, mais il doit bien y avoir un lien… L'absence de technologie est peut-être une des raisons pour lesquelles écrire un récit policier est plus simple, mais c'est quand même étrange que les auteurs privilégient la période de la fin du XIXe siècle et du début du XXe pour cela. Par conséquent, j'ai trouvé la structure de l'intrigue assez banale, j'avais déjà lu quelque chose de similaire. Néanmoins, ce n'est pas tant l'intrigue qui m'a intéressée mais davantage le style d'écriture et l'univers.
Le récit débute avec un propriétaire de casino qui demande à Louis Griffont d'enquêter sur un joueur qu'il suspecte de tricher. L'enquête emmène le mage à découvrir un trafic d'objets enchantés, puis à côtoyer des personnages plus sombres, jusqu'aux voleurs et meurtriers. Cependant, l'origine de l'intrigue, à savoir le trafic d'objets enchantés, est très vite écartée. Les protagonistes se retrouvent embarqués dans des histoires qui les dépassent tous à un moment ou à un autre, et ils oublient bien vite pourquoi ils en sont arrivés là. C'est dommage car cela montre qu'il n'y a pas une réelle unité dans l'intrigue. Ce manque de cohérence peut ne pas se remarquer pour certains mais peut également beaucoup gêner d'autres.
Les Enchantements d'Ambremer est une intrigue aux multiples péripéties et rebondissements que
Pierre Pevel maîtrise totalement. Je n'ai cependant pas accroché à toutes les péripéties. Je me suis sentie comme spectatrice de certaines, notamment lorsque les personnages connaissent quelque chose qu'ignore le lecteur. En général, je me sens portée par l'intrigue dans ces moments-là, et je suis curieuse de voir ce que les personnages ont compris que moi je n'ai pas encore eu l'occasion d'apprendre, mais dans ce cas, je me suis sentie sur le banc de touche un certain nombre de fois, jusqu'à oublier momentanément l'action tellement je me concentrais davantage sur les personnages.
Comme le titre du roman l'indique, l'intrigue se déroule à
Paris. Mais pas seulement. Il y a deux autres lieux dans lesquels les personnages vont : Ambremer et l'Onirie, le Troisième monde qui est aussi nommé le domaine des rêves et des cauchemars.
Paris est évidemment le lieu le plus développé, mais j'attends des deux prochains tomes d'en savoir plus sur Ambremer (dont nous ne savons pas grand-chose, contrairement à
Paris qui est une référence dans le monde réel) et d'avoir quelques explications sur l'Onirie (notamment parce que je trouve qu'il est arrivé dans le récit et reparti bien trop vite).
Le lieu qui est le plus intéressant du point de vue de la fantasy est évidemment Ambremer. C'est une sorte de monde parallèle où toutes les espèces surnaturelles vivent en peuples distincts. Nous y trouvons le peuple des fées, celui des dragons et celui des licornes, puis d'autres espèces dont nous ne savons presque rien comme les gnomes ou les elfes. Les péripéties prenant place à Ambremer et les descriptions sont vite expédiées ce qui est vraiment dommage. D'un autre côté, j'ai un peu peur pour la suite car j'ai l'impression que les forces sont bien trop déséquilibrées entre les sorts des mages, l'immortalité des fées et les propriétés des artefacts magiques contre la simplicité des humains. Même si tout cela fait rêver, il ne faut pas écarter la cohérence et je suis sûre qu'en cherchant je pourrais trouver des failles dans la construction de l'univers. J'attends néanmoins de voir si davantage d'éléments nous sont donnés dans les deux prochains tomes.
Les premiers mots du résumé de la quatrième de couverture nous fournissent également la temporalité de l'intrigue : le début du XXe siècle et plus précisément en 1909. La première guerre mondiale n'est pas loin et elle est même évoquée par le narrateur. Mais c'est aussi une période où
Paris est une des plus grandes puissances mondiales. Tout le monde envie les français pour leur capitale et la Tour Eiffel est son emblème depuis une vingtaine d'années. Malheureusement, comme je l'ai déjà mentionné lorsque j'ai parlé de l'intrigue, j'ai déjà lu des romans similaires dans leur cadre spatio-temporel, à
Paris au XXe siècle, alors pour moi, cette temporalité perd tristement de son charme.
Dès le début, l'humour des personnages est très présent. Griffont est décrit comme un mage très respectable, avec une belle demeure et un domestique fidèle, mais d'un autre côté, il est également très espiègle. Nous retrouvons la même chose chez Isabel de Saint-Gil, la deuxième protagoniste du roman. Ainsi, les personnages principaux se retrouvent entre humour et sérieux pour mon plus grand plaisir. J'ai toujours de l'admiration pour les auteurs qui parviennent à faire vivre leurs personnages en les rendant drôles. Mais malgré ça, les autres personnages sont assez fades. Que ce soit les serviteurs de de Saint-Gil, de Griffont, ou le policier qui mène l'enquête, ils ont tous une personnalité similaire : obéir aux ordres en fermant les yeux, avoir de bonnes idées au bon moment et faire des actions au service des deux protagonistes. Nous ne pouvons pas nous identifier à eux dans la mesure où ils semblent presque passifs durant toute l'histoire. Tout paraît trop facile et même si j'ai beaucoup apprécié les personnages principaux, il n'en reste pas moins que les autres sont très peu réalistes.
La Reine Noire en revanche, l'antagoniste, n'est pas convaincante. Elle n'est physiquement présente dans le roman que pendant quelques pages, et n'est sinon qu'évoquée. Elle est complètement mise au second plan, et sa personnalité n'a pas le temps d'être développée. À part être présentée comme une méchante caractéristique, elle n'apporte pas grand chose au roman. Ses sbires ou même d'autres antagonistes humains sont bien plus intéressants et présents dans le roman. C'est la raison pour laquelle je trouve le récit assez déséquilibré au niveau des personnages, avec des protagonistes forts et des antagonistes presque inexistants.
Le roman s'ouvre sur une préface qui donne le ton sarcastique du récit avec le narrateur qui s'adresse directement au lecteur et lui présente l'univers du
Paris des Merveilles. Cela lui fait gagner du temps pour l'intrigue car en deux pages de préface, il nous présente l'univers dans sa globalité. Ça peut sembler bâclé, mais en réalité, c'est très finement fait et nous nous retrouvons happés dès ces premières pages dans un univers uchronique. Plus généralement dans le roman, le narrateur est très présent, il ne s'efface pas au maximum comme dans la majorité des récits écrits à la troisième personne. Je ne sais pas si ce roman est une exception ou une généralité parmi la bibliographie de
Pierre Pevel, mais je lui ai trouvé un style d'écriture dans la continuité
De Stendhal ou
Zola, que j'apprécie particulièrement. Cela se ressent notamment lorsque le narrateur donne son avis plus ou moins sarcastique sur les personnages.
Pierre Pevel a également tendance à utiliser une focalisation externe, qui est très peu employée dans les romans de fantasy. J'aime beaucoup moins cette utilisation car j'ai l'impression d'être mise de côté en tant que lectrice, d'être simplement spectatrice d'une pièce de théâtre.
Cependant, nous ne pouvons pas enlever les grandes qualités de l'écriture, notamment avec la plume tout en légèreté, en facilité, avec laquelle
Pierre Pevel nous embarque dans son monde. Tout semble facile et couler de source. de belles descriptions du monde, des lieux et des personnages nous sont fournies et j'aime particulièrement lorsque l'auteur prend le temps de nous expliquer comment il a pensé son monde. Néanmoins, bien que certaines descriptions (notamment des personnages) soient clichés, voire sexistes avec les femmes qui se doivent d'avoir des tailles fines et des formes là où il faut, je n'ai pas trouvé cela dérangeant. Sans vouloir dire que je cautionne que les femmes soient enfermées dans des canons de beauté, j'ai plutôt trouvé que ça collait plutôt bien avec le regard que la société avait sur les femmes à cette époque.
Ce qui peut également frapper est la longueur des scènes et des péripéties. Celles-ci sont très courtes, à l'instar des plans au cinéma. Chaque chapitre (également très court, moins de dix pages chacun) est donc composé de deux à plusieurs scènes. Il y a donc beaucoup d'actions dans ce roman, mais toutes ces péripéties sont distillées en plus petites péripéties, parfois racontées du point de vue d'un personnage puis d'un autre. le rythme donné au récit donne toujours envie de tourner les pages pour savoir la suite, sans pour autant être addictif.
Points positifs :
– l'utilisation du narrateur
– la fertilité de l'univers
– la relation entre Griffont et de Saint-Gil
– les belles descriptions
Points négatifs :
– la fin bâclée
Lien :
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