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Critique de Lamifranz


En exergue à « Terre des Hommes », Antoine de Saint-Exupéry (Saint-Ex pour les intimes) écrivait : « La terre nous en apprend plus long sur nous que tous les livres. Parce qu'elle nous résiste. L'homme se découvre quand il se mesure avec l'obstacle ». Cette observation générique, qui s'appliquait à la terre en général, est encore plus juste quand elle touche des entités spécifiques, telles que la mer ou la montagne. L'homme qui leur fait face est obligé en quelque sorte de les affronter. Affrontement sans réciproque en fait, la mer et la montagne n'ont aucune velléité de combat ni de résistance, les éléments ne pensent pas. Mais l'homme, lui, se trouve dans la nécessité de se surpasser pour passer l'obstacle. Et dans son imaginaire, la mer et la montagne ne sont plus des infinités liquides ou des amoncellements de rochers, mais des entités hostiles qu'il faut affronter et battre : « vaincre l'obstacle », et donc aller au-delà de lui-même, se surpasser, et par là-même, se découvrir.
Les familiers de la montagne connaissent bien ce sentiment, au moment d'escalader une paroi, ou d'entamer une longue marche dans la neige. Les guides en ont fait leur quotidien : la montagne est un parent proche, tour à tour ami ou hostile, mais c'est un proche, qui fait partie du cercle restreint de la famille.
Joseph Peyré n'est pas comme Roger Frison-RochePremier de cordée »), Maurice Herzog (« Annapurna premier 8000 ») ou Walter Bonatti (« Victoire sur les Drus ») un professionnel des cimes, mais les amateurs de montagne s'accordent pour dire qu'il nous a laissé un des plus beaux livres jamais écrits sur cet univers de neige et de roc, de froid et de peur.
Matterhorn (littéralement « la corne des prés ») est le nom allemand du Cervin (en italien Cervino), un sommet (4478 m) situé sur la frontière italo-suisse. Jos-Mari Tannewalder est guide de profession et aussi de vocation. Il prend en charge une jeune femme Kate Bergen, épouse d'un riche industriel, qui souhaite gravir le Matterhorn, L'ascension bien entendu sera dramatique, les protagonistes ayant leurs propres problèmes intimes, qu'ils devront cependant mettre de côté pour face aux intempéries et aux pièges tendus par le terrible sommet.
L'histoire en elle-même n'est pas inintéressante mais elle reste assez banale. Mais le roman séduit par d'autres attraits : la couleur locale est très bien respectée, la description du village de Zermatt est particulièrement réussie, notamment par le rendu « technicolor » des habitants en costume traditionnel, le côté technique de l'ascension, sans être indigeste, est très bien restitué, on est carrément au coeur de l'action, plaqué contre la paroi ou pris dans la tempête, le suspense psychologique se maintient de bout en bout… mais le personnage principal, c'est bien le Matterhorn, personnification de la montagne, présentée comme une divinité contrariée, à la fois juge et partie dans ce drame où il tient le premier plan.
Le côté démodé et désuet du roman devient ici un atout : il lui donne un caractère historique bien daté (les montagnards d'aujourd'hui vont sourire de voir l'équipement et l'organisation de l'époque) qui ajoute à l'intensité du récit.
Grand classique de la littérature de montagne, Matterhorn est à placer aux côtés des auteurs déjà cités (Frison-Roche, Herzog, Bonatti), ainsi que de quelques autres qui méritent le détour : la quasi-totalité des ouvrages de Samivel (que tout savoyard doit avoir dans sa bibliothèque) et aussi ce très beau roman de Pierre Moustiers : « La paroi » (1969).
Enfant de la montagne
J'y retourne j'y retourne
Enfant de la montagne
J'y retourne en chantant…
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