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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Le conte de la lune non éteinte est un court récit de 88 pages, mettant en scène l'exécution programmée d'un commandant de l'armée rouge, à l'époque de la révolution stalinienne.
Le texte en lui-même a connu un destin digne d'un roman d'aventures. Publié en 1926 dans une célèbre revue littéraire « Novy Mir », il fut rapidement censuré, le rédacteur en chef de la dite revue licencié et les exemplaires du magazine saisis, y compris chez les abonnés. Par une farce de l'ironie, c'est un autre auteur emprisonné qui découvre un exemplaire rescapé de la purge, dans la bibliothèque de la prison des Boutyrki en 1937.

Dans le récit, le commandant de l'armée rouge est un homme célèbre dans toute la Russie pour avoir grandement contribué à la révolution et ses faits d'armes sont très appréciés et largement commentés.
Ce qui aiguise la paranoïa de certains dirigeants.
Sommé par « L'homme au dos raide » aka Staline, de faire soigner ses problèmes d'estomac, le commandant n'a d'autres choix que d'accepter de subir une opération menée par deux chirurgiens soigneusement choisis par le Parti.

Boris Pilniak retrace les derniers instants de ce commandant donnant voix à un personnage réel, également commandant de l'armée Rouge, avant de devenir commissaire du Peuple aux Affaires Militaires, et décédé dans des conditions mystérieuses sur une table d'opération.
Par le truchement de métaphores, il va s'interroger sur les raisons qui pousse un homme à accepter de s'étendre volontairement sur son lit de mort.
Il imagine et décrit les mécanismes qui permettent à la Révolution d'assassiner ses propres enfants.

Un texte puissant, d'autant plus lorsque l'on sait que, suite à sa publication, il aura coûté la vie à son auteur, emprisonné pour trahison et exécuté 12 ans plus tard.
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Un court récit. Basé sur des faits réels : la mort sur la table d'opération de Frounzé, commandant de l'armée rouge en 1925. Une mort très suspecte car « ordonnée » en haut lieu. Une opération à laquelle s'opposait le patient. Une façon de se débarrasser d'un homme populaire, le tuer tout en lui rendant hommage.

Cependant, Boris Pilniak se défendit d'une telle intention. Il aurait bien du mal à faire autrement : publié en 1926 dans un journal, ce récit fera scandale et tous les exemplaires seront recherchés et, pour beaucoup, détruits. Il vaudra l'opprobre à son auteur qui finira fusillé en 1938. 

Cela tient du miracle que des exemplaires aient survécu à la purge.

Ce conte est frappant par son style, fait de répétitions, de coupures, d'une originalité frappante ne pouvant laisser le lecteur indifférent. le ton est halluciné, oppressant. 

À l'image d'un régime qui, tel Chronos, dévore ses propres enfants. Une inhumanité tellement installée que même la future victime ne se rebelle pas, se résigne à sa mort décidée sur une table d'opération. Lui, qui ne voulait pas de l'opération, s'y résigne lorsqu'il comprend que c'est sa mort qui se décide. 

Une très belle découverte pour laquelle il faut saluer les éditions interférences, avec leur catalogue regorgeant de pépites méconnues et dont le travail editorial est très soigné.

Bref, n'hésitez pas à vous laisser tenter ! 
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C'est à la suite d'une recommandation de Babelio que j'ai appris l'existence de l'écrivain soviétique Boris Pilniak. Comme beaucoup d'autres à cette époque, sa courte vie a pris fin en 1938. À la fin des années 1920 et au début des années 1930, il était l'un des auteurs les plus lus en Union soviétique. Mais, suspecté d'être un dangereux trotskiste, une accusation qui équivalait à une sentence de mort, il a été arrêté au moment des grandes purges. Son oeuvre est peu à peu tombée dans l'oubli et ce n'est que cinquante ans plus tard qu'elle a été redécouverte. Il fait partie de ces nombreux écrivains soviétiques qui, à l'image de Vassili Grossman ou Boris Pasternak plus tard, ont eu maille à partir avec la terrible censure. Malheureusement pour lui, Pilniak écrivait à l'époque de Staline et il a été fusillé. Ironie du sort : Alexandre Voronski, l'éditeur à qui l'ouvrage est dédicacé, et qui l'a refusée comme étant insultante pour lui, bolchevik sincère, a subi le même sort que l'écrivain, mais un an avant lui !
Publiée en 1926, Conte de la lune non éteinte est une oeuvre incroyablement audacieuse dans ce contexte. L'écrivain ne craint pas de présenter sa version d'un événement contemporain qui a fait beaucoup de bruit. Une version non officielle certes, mais largement partagée par ses compatriotes. Il met en scène un leader disposant d'un pouvoir sans limite, « l'homme qui ne se courbait pas », donnant l'ordre au dénommé Gavrilov, commandant en chef de l'Armée rouge, de se faire opérer d'un ulcère à l'estomac. Ce dernier, qui a sans l'ombre d'un doute envoyé à la mort des milliers de personnes, s'estime guéri. Il doit cependant s'incliner humblement devant la volonté du leader, car la loi d'airain de la discipline révolutionnaire ne saurait être contestée…
Le style de Pilniak est tout à fait étonnant ; rien n'est jamais vraiment explicite, tout est fortement suggéré, mais avec un grand pouvoir évocateur, comme lors de l'entretien, glacial, entre Gavrilov et le leader. L'auteur semble fasciné par le développement technologique de son pays. La ville y est un personnage à part entière, comparé à une machine : « la machine de la ville était en marche ». Les images de Pilniak sont tout à fait originales : « quand la ville commença à pleurer les larmes humides de ses réverbères mouillés » ou « les rues alors se vidaient pour se reposer dans la nuit ». Cette personnification crée un climat oppressant qui semble peser sur tous les habitants, Gavrilov en premier. Il faut sortir de la ville pour retrouver un semblant de quiétude. Pilniak use et abuse des tirets, sa phrase devenant foisonnante par endroits, et les répétitions ne lui font pas peur. J'avoue que ce style n'est pas ma tasse de thé, je préfère nettement quand c'est moins heurté, plus fluide, plus poétique aussi. On pourra m'objecter, et on aura sûrement raison, que la poésie n'est pas absente de ce texte mais ce n'est pas cette forme de poésie que je préfère. Il reste une histoire remarquablement contée, sous le regard de la lune, que la petite Natacha, fille d'un vieux camarade du commandant, ne peut éteindre. Pilniak ne pourra éteindre les critiques qui se déchaîneront contre lui. N'a-t-il pas craint d'évoquer, suprême audace, « les procès à grand spectacle des bolcheviks » ? Il en sera lui-même victime quelques années plus tard.
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