Tous mènent une vie paisible, finalement, au moment où commence le roman. Les amis de longue date ont déménagé, sans que cela nuise à leur amitié, et de nouveaux venus s'installent au G4, des nouveaux venus bien différents de Clarisse et des siens. C'est Emilie, la petite fille, que nous découvrons en premier, une apparition assez inquiétante, finalement, puisqu'elle ne dit mot^, pas même un remerciement à Clarisse qui lui a préparé son goûter. Inquiétante aussi puisqu'elle a mangé tout ce qui lui a été proposé, bien que sa grand-mère affirme qu'elle n'aime pas cela – et ce n'est sans doute pas par politesse qu'elle a tout avalé. La grand-mère ensuite, qui semble tout régenter, tout ordonner, qui obtient l'obéissance absolu de son fils, quoi qu'il arrive. Naine, Elmira est précédée par sa réputation de richesse et d'autorité – on peut remercier la mère de Clarisse pour sa connaissance du personnage. Elmira a une volonté de fer, et l'impose aux autres.
Reste Emile, son fils. J'ai eu un sentiment de répulsion à son égard, en partie à cause de son passé (sa femme n'a-t-elle pas été envoyée chez les fous ?), mais aussi par son présent, lui qui est incapable d'imposer ses choix à sa propre mère, lui qui est aussi incapable de prendre soin de sa fille. Et s'il est une métaphore assez facile, qu'autorise la fin du roman, je dirai que le couple père/fille m'a fait penser à des sauterelles.
Si
Agatha Christie jetait un coup d'oeil à cette intrigue, elle dirait que, ce qui manque à Emilie, c'est une mère. Une mère qui, comme Clarisse, se préoccupe de ses enfants, enfants qui, s'y commettent des bêtises, comme Armen, sont capables de se rendre compte de ce qu'ils ont fait, et de changer – et de ne pas se laisser entraîner dans d'autres incartades.
Oui, la vie de Clarisse était assez simple jusqu'à leur arrivée, jusqu'à ce qu'elle s'interroge sur ces choix, ou ses absences de choix, comme l'on veut. Femme au foyer, elle ne s'est jamais interrogée sur le droits des femmes, le fait d'avoir le droit de vote ne lui semble pas très important, et le fait que son mari fasse de la politique (un peu) ne lui plait pas du tout, mais elle ne s'en mêle pas. Elle est pourtant consciente que tous (toutes) n'ont pas la vie aussi aisée qu'elle – comme peut aussi en témoigner Alice, sa soeur, qui ne lui cache pas ce qu'elle voit à l'hôpital où elle travaille.
Clarisse aurait pu devenir un personnage de comédie – en servant d'entremetteuse. Elle aurait pu devenir un personnage de drame bourgeois. Clarisse s'affirme, tout en restant foncièrement celle qu'elle est. Elle n'est pas Nina, sa meilleure amie. Elle n'est pas non plus Violette, elle est celle à qui l'on se confie, et qui reste lucide en dépit de ce qu'on lui confie.
Lien :
https://deslivresetsharon.wo..