« Ici, les graminées
Déposent leur chagrin sur mes chaussures »
Oh, merveilleuse
Sylvia Plath … Comme elle m'a transportée avec ses poèmes, teintés de ses influences tour à tour romantiques, expressionnistes, surréalistes, … Certains d'entre eux sont carrément des rêves éveillés, des visions saisissantes.
Mais Sylvia est selon moi avant tout une immense romantique (ah, les fameuses chandelles, «ces menteuses » ), avec sa soif d'Absolu (« La bossue dans sa maisonnette Aux petits murs blancs sous les clématites. Et nul grand amour, rien que la tendresse ? »), sa sincérité et son intégrité, sa colère contre un dieu, indolent, qui sourit devant le malheur des hommes, ses obsessions du temps, sa peur de l'inertie (marbre, rocs, statues, êtres vivants pétrifiés, ... sont autant de menaces), sa conception idyllique de l'enfance, son sentiment de vacuité de l'existence (« je serai utile quand je reposerai définitivement ») …
Le ton est généralement sombre :
« La destinée courb[e] chaque chose dans une seule direction »
Ou encore
« Lac noir, barque noire, deux silhouettes de papier découpé, noires.
Jusqu'où s'étendent les arbres noirs qui s'abreuvent ici ? »
De temps en temps, de la couleur apparait, signe qu'un espoir est possible : les gâteaux sont décorés avec un glaçage de six couleurs, signe d'abondance ; les comprimés rouges, violets, bleus illuminent l'ennui du soir qui s'éternise ; les petits coquillages assemblés en colliers ne viennent pas de la Baie des Morts, mais d'un autre lieu, tropical et bleu, où nous ne sommes jamais allés, … Mais c'est un monde de couleurs qui souvent reste inaccessible ou instable.
L'écriture est aussi très visuelle, très photographique : les carpillons jonchent la vase comme des pelures d'orange ; les femmes gravides qui, souriant en elles-mêmes, méditent aussi dévotement que le bulbe de Hollande lorsqu'il prépare ses vingt pétales ; les roues de la voiture sont deux larves de caoutchouc noire qui se mordent la queue ; les chandelles versent leurs larmes troubles puis ternes perles, la mer aux moustaches d'algue étale ses soieries glauques, …
Plusieurs de ces poèmes mériteraient à eux seuls un billet entier, tant ils sont riches de sens et propices aux interprétations. Comme par exemple, « l'agneau de Marie » qui évoque la shoah et préfigure son suicide, puisqu'écrit juste avant…
Oui de la très grande poésie, où je me suis retrouvée avec beaucoup de plaisir, même si le sujet est généralement douloureux. Mais c'est tellement bien écrit qu'on ne peut s'empêcher d'éprouver une sorte de communion avec l'auteure et de l'empathie, et un vrai bonheur de lecture. Bravo et merci, Madame Plath.