AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,97

sur 93 notes
5
4 avis
4
4 avis
3
3 avis
2
2 avis
1
0 avis

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
« Ici, les graminées
Déposent leur chagrin sur mes chaussures »

Oh, merveilleuse Sylvia Plath … Comme elle m'a transportée avec ses poèmes, teintés de ses influences tour à tour romantiques, expressionnistes, surréalistes, … Certains d'entre eux sont carrément des rêves éveillés, des visions saisissantes.

Mais Sylvia est selon moi avant tout une immense romantique (ah, les fameuses chandelles, «ces menteuses » ), avec sa soif d'Absolu (« La bossue dans sa maisonnette Aux petits murs blancs sous les clématites. Et nul grand amour, rien que la tendresse ? »), sa sincérité et son intégrité, sa colère contre un dieu, indolent, qui sourit devant le malheur des hommes, ses obsessions du temps, sa peur de l'inertie (marbre, rocs, statues, êtres vivants pétrifiés, ... sont autant de menaces), sa conception idyllique de l'enfance, son sentiment de vacuité de l'existence (« je serai utile quand je reposerai définitivement ») …

Le ton est généralement sombre :

« La destinée courb[e] chaque chose dans une seule direction »
Ou encore
« Lac noir, barque noire, deux silhouettes de papier découpé, noires.
Jusqu'où s'étendent les arbres noirs qui s'abreuvent ici ? »

De temps en temps, de la couleur apparait, signe qu'un espoir est possible : les gâteaux sont décorés avec un glaçage de six couleurs, signe d'abondance ; les comprimés rouges, violets, bleus illuminent l'ennui du soir qui s'éternise ; les petits coquillages assemblés en colliers ne viennent pas de la Baie des Morts, mais d'un autre lieu, tropical et bleu, où nous ne sommes jamais allés, … Mais c'est un monde de couleurs qui souvent reste inaccessible ou instable.

L'écriture est aussi très visuelle, très photographique : les carpillons jonchent la vase comme des pelures d'orange ; les femmes gravides qui, souriant en elles-mêmes, méditent aussi dévotement que le bulbe de Hollande lorsqu'il prépare ses vingt pétales ; les roues de la voiture sont deux larves de caoutchouc noire qui se mordent la queue ; les chandelles versent leurs larmes troubles puis ternes perles, la mer aux moustaches d'algue étale ses soieries glauques, …

Plusieurs de ces poèmes mériteraient à eux seuls un billet entier, tant ils sont riches de sens et propices aux interprétations. Comme par exemple, « l'agneau de Marie » qui évoque la shoah et préfigure son suicide, puisqu'écrit juste avant…

Oui de la très grande poésie, où je me suis retrouvée avec beaucoup de plaisir, même si le sujet est généralement douloureux. Mais c'est tellement bien écrit qu'on ne peut s'empêcher d'éprouver une sorte de communion avec l'auteure et de l'empathie, et un vrai bonheur de lecture. Bravo et merci, Madame Plath.
Commenter  J’apprécie          382
Sylvia Plath nous offre une poésie très concrète, d'une intensité presque cruelle; les mots nous compriment l'estomac, nous déchirent légèrement les peaux flasques du confort… en effet les métaphores ont qqch de tactile sinon de clinique:
"Comme une infirmière muette et sans expression, la lune
Pose une main sur mon front."

Héritière lointaine du symbolisme et pourquoi pas d'une certaine forme noble du gothique anglais, Plath nous déploie son art de la description chirurgicale d'un environnement aux accents inquiétants. Les décors froids hantés par les statues antiques et une nature qui s'immobilise renforcent une certaine torpeur dont la poétesse ne s'éveille que pour assumer l'effroi que lui procure son existence.
"Les miroirs tuent et parlent, ce sont des chambres d'épouvante"

Les poèmes dérivent souvent d'une contemplation de la nature ou une admiration toute maternelle des enfants au repos (émotion pleinement vécue par la jeune maman Sylvia) vers un désespoir quasi consenti. Ainsi cette métaphore pour l'agneau pascal nous résume bien le ressenti de Sylvia Plath mis en vers:
"Ô bel enfant d'or que le monde tue et mange."

La douleur exprimée, toute psychique a pu me rappeler certains vers de Nerval. le parallèle avec Gérard Labrunie est facile mais s'impose quand on sait que l'atrocité du mal d'être, de l'abandon, de l'implacable venue de la vieillesse… la mèneront au suicide.
"Je m'appuie sur toi, aussi engourdie qu'un fossile.
Dis-moi que je suis là."

Mais comme Nerval, difficile pour elle de naviguer entre l'émerveillement que suscite l'imaginaire qui s'incarne en une splendide versification et le gouffre d'une conscience effrayée par l'impitoyable cruauté du vécu.

"L'avenir est une mouette grise et bavarde,
Ses miaulements ne parlent que de partir, partir.
La vieillesse et l'épouvante, comme des infirmières,
veillent sur elle
Et un noyé, se plaignant du grand froid,
Sort en rampant de la mer."

Une lecture exigeante donc dont on ne peut sortir que meurtri et plein de compassion pour ceux qui ont mal à eux-mêmes.
Commenter  J’apprécie          333
C'est toujours délicat de parler d'une icône, et manifestement, Sylvia Plath est une icône, une déesse morte et ressuscitée dans ses mots. L'abandon volontaire de son enveloppe terrestre rajoute du drame là où l'oeuvre porte déjà tant de force.

Dépressive, féministe, génie, on peut dire beaucoup de choses à propos de Sylvia Plath, toutes choses qui la réduisent certes, et pourtant qui projettent en ce monde dix mille, cent mille facettes d'une même femme : chacun de nos regards subjectifs sur elle, sur ses écrits, la ressuscite d'une différente manière.

Je suppose que j'ai moi aussi un regard subjectif, j'oublie souvent combien sa vie intérieure a pu être sombre, quand je relis certains poèmes, où tout n'est qu'ode à la vie et à la nature. Et puis soudain, le lecteur sombre avec Sylvia, dans les brumes du Thalidomide. Complexité de l'âme. Merveille des mots : à chaque lecture on se rend compte que l'univers d'un poète ne peut se réduire à une case.
Commenter  J’apprécie          101
Fort comme un coup de poing dans le ventre même à am seconde lecture l'écriture de Plath est toujours aussi émotionnelle, intense, touchante.
Dur , intense l 'expérience se mérite mais au moins on ne peut pas reprocher à Plath de faire semblant.
Cette douleur c'est aussi sa vie et sa manière de l'exprimer est belle, intense, multiple.
L'édition est bilingue et la musicalité des poèmes, la traduction, les notes sont de très grande qualité à mon sens.
Un chef d'oeuvre pour une des plus grandes écrivains et écrivaines.
Mrs Plath now you are more than a poetress you have become a master and a muse. Eternal respect .
Commenter  J’apprécie          30


Lecteurs (244) Voir plus



Quiz Voir plus

La cloche de détresse

Quel est le pseudonyme qu'Esther Greenwood utilise lors de sa rencontre avec Lenny, puis plus tard avec le docteur Gordon?

Elly Higginbotham
Elly Higgins
Esther Higginbottom
Elly Higginbottom

4 questions
3 lecteurs ont répondu
Thème : La cloche de détresse de Sylvia PlathCréer un quiz sur ce livre

{* *}