Ses lèvres sont à peine à un souffle des miennes, il suffirait que j'incline le visage pour sentir leur contact. Pourtant, nous ne bougeons plus ni l'un ni l'autre. Comme suspendus dans le temps.
- Si je commence à t'embrasser, j'ai peur de ne jamais savoir m'arrêter, raisonne la voix de Max un peu plus rauque que d'habitude créant une vibration qui chatouille la peau fine de mes lèvres.
Il ne m'a pas encore embrassée, pourtant j'ai la sensation de déjà connaître son contact, sa façon de bouger, son goût. C'est d'ailleurs très troublant car je n'ai pas le souvenir d'avoir partagé des moments aussi intimes avec lui. Dans mon ventre gronde le feu du désir, comme un vieil ami que l'on retrouve après de longues années et j'ai la sensation que mon corps reprend vie après une longue léthargie.
Ce n'est pas la première fois qu'un garçon touche ma poitrine sensible, mais contrairement aux autres fois, ces gestes ne sont ni maladroits, ni inexpérimentés. Au contraire, ces mains savent comment donner du plaisir. Me donner du plaisir. Ces doigts pincent mes tétons et m'arrachent des frissons non plus de peur mais de plaisir. Mon corps se tend malgré moi pour aller à la rencontre de ces mains expertes, de ce corps tendu contre le mien malgré le peu de place que j'ai pour bouger. Je ne suis plus que désir, j'abandonne mon corps avide qui palpite, à cet inconnu qui explore mon intimité. Je m'agrippe à son bras pour qu'il ne s'arrête surtout pas.
Un bruit dans la première partie du couloir me sort de ma torpeur. Un battement de paupières plus tard, le corps qui me donnait du plaisir pour la première fois de ma vie, s'écarte de moi dans un courant d'air. Je mets quelques secondes à réagir, malgré le vent frais qui caresse mes fesses nues et me donne la chair de poule, maintenant que ce grand corps chaud n'est plus plaqué contre le mien.
Sous mes phalanges son intimité est douce, chaude, humide, mon érection en devient insoutenable, impatiente de partir à la conquête de ce paradis qui se dévoile à moi. La respiration de ma captive est courte, affolée, à la base de son cou je sens son rythme cardiaque s'accélérer sous ma caresse intrusive, envahissante. Ses chairs se font brûlantes, onctueuses à mesure que les sons qu'elle émet deviennent de plus en plus profonds. Sous l'emprise de la folie qui habite mon corps désireux de posséder le sien, je frotte comme un forcené mon érection contre elle, incapable de me retenir, à la recherche d'un exutoire à ma rage, d'une délivrance qui apaisera le désir qui me tenaille depuis trop longtemps.
La sueur perle à mon front, mon cœur cogne fort dans ma poitrine son odeur de vanille et de coco m'enveloppe dans un monde parallèle où seuls nos deux corps pressés l'un contre l'autre comptent. Un monde dans lequel elle ne peut plus se dérober, où plus rien ne pourra nous séparer, quoi qu'il arrive.
Je me demande ce que l'on ressent lorsqu'on est maman. Est-on fière d'avoir pu donner la vie ? Réalise-t-on à quel point c'est merveilleux de pouvoir créer de toute pièce un petit être vivant ? Se voit-on au travers de ses enfants, se reconnaît-on dans leurs mimiques, leurs gestuelles ? Est-on émerveillé chaque jour de constater leurs progrès et leurs découvertes ? Sans doute que oui. Même moi, qui ne suis pas sûre d'avoir la fibre maternelle, je suis admirative face au miracle de la vie, face aux facultés de résilience des enfants et leur soif de vie. Je leur envie d'une certaine façon la naïveté et l'innocence dont ils semblent déborder, alors que moi j'en suis dépourvue. Mon innocence on me l'a volée ce fameux jour que j'aurais voulu ne jamais vivre, remplacée par des cicatrices et des séquelles qui resteront encrées en moi pour toujours. Mon innocence et plusieurs années qui auraient dû être les plus belles de ma vie, m'invitant doucement à franchir le pas vers l'âge adulte.
À présent, où que mon regard se pose, je ne vois que du rouge, sur le tableau de bord, sur le vitre, sur le montant de la porte. La couleur envahissant mon champ de vision. Ma première pensée cohérente est qu'il faut empêcher cette couleur de tout absorber, de tout coloniser.