Une lecture dont on ne sort pas indemne et qui reste en persistance rétinienne.
Ce livre recommandé par mon cher neveu @iamcoeurdacier, est tout à la fois, un reportage avec la reprise d'éléments de l'enquête, une fiction - l'auteure imagine la vie des
trois soeurs de l'enfance jusqu'au parricide - une autobiographie (elle retrace son histoire, raconte la Russie qu'elle aime tant) et un documentaire, presque un essai.
L'affaire Khatchatourian en 2018, m'est passé au-dessus de la tête. Je la découvre avec ce livre
Trois soeurs.
Le 22/07/2018, les
trois soeurs Khatchatourian - Krestina 19 ans, Angelina 18 et Maria 17 - tuent leur père Mikhaïl de Trente-six coups de couteau, dix coups de marteau
Elles ont vécu l'enfer : abus verbal, physique, sexuel étaient leurs quotidiens.
Il faut un coeur bien accroché pour lire les sévices qu'elles ont subi.
En Russie, on ne parle pas de ces choses-là, elles sont supposées rester dans l'intimité familiale.
En parallèle de l'histoire des soeurs,
Laura Poggioli parle de son expérience qui la renvoie à des secrets de famille. le lourd passé de l'auteure m'a perturbée : au début je me demandais si cela était bienvenu de lier ces deux affaires, ce que son parcours personnel venait faire là. Au fil des pages, j'ai compris que son passé entrait en résonnance avec celui des millions de femmes russes qui subissent et tolèrent ces violences en excusant le vil coupable.
J'ai noté cette jolie phrase si explicite de ce que vivent ces femmes, au sujet de sa tante qui a vécu cet enfer de violences conjugales, qui après s'être reconstruite loin de son bourreau, retournait avec lui « C'était comme si elle ne savait pas quoi faire d'autre de sa peau qu'être cette femme en lambeaux. »
Les soeurs Katchatourian sont devenues le symbole des violences domestiques en Russie. « Pour beaucoup, un meurtre restait un meurtre et une victime de violences avait toujours la possibilité de partir. »En 2020, le parquet russe réclame que les faits soient requalifiés en "légitime défense"J'ai apprécié l'étude sociologique bien documentée. J'ai aussi aimé la comparaison de la place des femmes dans la société russe et la société française.
J'y ai trouvé du transgénérationnel, de la sororité.
Un livre touchant, engagé et perturbant à lire et faire circuler.