A travers l'affaire des soeurs Katchatourian,
Laura Poggioli explore les contradictions de la Russie et les thèmes des violences familiales et conjugales.
Ce récit alterne l'affaire elle-même et le vécu de l'auteure, son amour pour la Russie, son rapport aux hommes, ses blessures.
Le concept de considérer qu'en Russie, ce qui se passe dans l'espace privé reste une affaire privée et que l'Etat ou la justice n'a pas à s'immiscer m'a rappelé un des fondements de la Russie de Staline de la fin de la deuxième guerre. Dans Enfant 45, il est dit qu'il n'y a pas de meurtre au Paradis (le paradis en l'occurrence étant la Russie) et donc quiconque ose insinuer qu'il y a eu meurtre devient un ennemi de l'Etat. Ceci revient donc à nier dans un cas, qu'il y a des maris, des pères, des petits amis violents et dans l'autre qu'il puisse y avoir des criminels.
Cette contradiction entre la Russie publique, dans laquelle l'auteure se sent plus en sécurité qu'à Paris où le harcèlement de rue est très présent et la Russie privée, faite de violences n'en est que plus exacerbée.
Le fait de considérer que ce qui se passe dans les foyers doit rester privé fait qu'on en arrive à l'affaire des soeurs Katchatourian.
Je ne sais pas ce qui m'a le plus choquée ou mise en colère :
- le père qui bat, qui viole en accusant ses filles d'être les seules responsables, et qui va à l'église le lendemain, servir à l'office et se faire laver de ses péchés ?
- le petit ami qui frappe, qui insulte, qui rabaisse car il ne faut pas remettre sa suprématie masculine en cause ?
- la famille du mari violent qui elle-même maltraite sa belle-fille et ses petites filles, les rabaisse, parce que c'est dans la culture, c'est comme ça ?
- de jeunes filles victimes de maltraitance, de viol, des pires abjections de la part de leur père et qui paient les pots cassés car elles en viennent au meurtre pour que ça s'arrête ?
Ce qui est sûr, c'est que j'ai refermé ce livre avec un sentiment de malaise, d'injustice et d'immense gâchis.