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Citations sur Le parti pris des choses - Douze petits écrits - Proêmes (116)

Le langage ne se refuse qu'à une chose, c'est à faire aussi peu de bruit que le silence.


PROÊMES
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LE PARTI PRIS DES CHOSES

ESCARGOTS


 Au contraire des escarbilles qui sont les hôtes des
cendres chaudes, les escargots aiment la terre humide.
Go on, ils avancent collés à elle de tout leur corps. Ils en
emportent, ils en mangent, ils en excrémentent. Elle
les traverse. Ils la traversent. C'est une interpéné-
tration du meilleur goût parce que pour ainsi dire ton
sur ton — avec un élément passif, un élément actif, le
passif baignant à la fois et nourrissant l'actif — qui se
déplace en même temps qu'il mange.
 (Il y a autre chose à dire des escargots. D'abord leur
propre humidité. Leur sang froid. Leur extensibilité.)
 À remarquer d'ailleurs que l'on ne conçoit pas un
escargot sorti de sa coquille et ne se mouvant pas. Dès
qu'il repose, il rentre aussitôt au fond de lui-même. Au
contraire sa pudeur l'oblige à se mouvoir dès qu'il
montre sa nudité, qu'il livre sa forme vulnérable. Dès
qu'il s'expose, il marche.
 Pendant les époques sèches ils se retirent dans les
fossés où il semble d'ailleurs que la présence de leur
corps contribue à maintenir de l'humidité. Sans doute
y voisinent-ils avec d'autres sortes de bêtes à sang froid,
crapauds, grenouilles. Mais lorsqu'ils en sortent ce n'est
pas du même pas. Ils ont plus de mérite à s'y rendre car
beaucoup plus de peine à en sortir.

p.51-52
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LE PARTI PRIS DES CHOSES
LE GALET


 De ce corps une fois pour toutes ayant perdu avec
la faculté de s'émouvoir celle de se refondre en une
personne entière, l'histoire depuis la lente catastrophe
du refroidissement ne sera plus que celle d'une perpé-
tuelle désagrégation. Mais c'est à ce moment qu'il
advient d'autres choses : la grandeur morte, la vie fait
voir aussitôt qu'elle n'a rien de commun avec elle.
Aussitôt, à mille ressources.
 Telle est aujourd'hui l'apparence du globe. Le cadavre
en tronçons de l'être de la grandeur du monde ne fait
plus que servir de décor à la vie de millions d'êtres infi-
niment plus petits et plus éphémères que lui. Leur foule
est par endroits si dense qu'elle dissimule entièrement
l'ossature sacrée qui leur servit naguère d'unique sup-
port. Et ce n'est qu'une infinité de leurs cadavres qui
réussissant depuis lors à imiter la consistance de la
pierre, par ce qu'on appelle la terre végétale, leur per-
met depuis quelques jours de se reproduire sans rien
devoir au roc.
 Par ailleurs l'élément liquide, d'une origine peut-
être aussi ancienne que celui dont je traite ici, s'étant
assemblé sur de plus ou moins grandes étendues, le
recouvre, s'y frotte, et par des coups répétés active son
érosion.
 Je décrirai donc quelques-unes des formes que la
pierre actuellement éparse et humiliée par le monde
montre à nos yeux.

p.93-94
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LE PARTI PRIS DES CHOSES
LE GALET


 Le galet n'est pas une chose facile à bien définir.
Si l'on se contente d'une simple description l'on peut
dire d'abord que c'est une forme ou un état de la pierre
entre le rocher et le caillou.
 Mais ce propos déjà implique de la pierre une notion
qui doit être justifiée. Qu'on ne me reproche pas en
cette matière de remonter plus loin même que le déluge.

*

 Tous les rocs sont issus par scissiparité d'un même
aïeul énorme. De ce corps fabuleux l'on ne peut dire
qu'une chose, savoir que hors des limbes il n'a point
tenu debout.
 La raison ne l'atteint qu'amorphe et répandu parmi
les bonds pâteux de l'agonie. Elle s'éveille pour le
baptême d'un héros de la grandeur du monde, et
découvre le pétrin affreux d'un lit de mort.
 Que le lecteur ici ne passe pas trop vite, mais qu'il
admire plutôt, au lieu d'expressions si épaisses et si
funèbres, la grandeur et la gloire d'une vérité qui a pu
tant soi peu se les rendre transparentes et n'en paraître
pas tout à fait obscurcie.
 Ainsi, sur une planète déjà terne et froide, brille à
présent le soleil. Aucun satellite de flammes à son
égard ne trompe plus. Toute la gloire et toute l'exis-
tence, tout ce qui fait voir et tout ce qui fait vivre, la
source de toute apparence objective s'est retirée à lui.
Les héros issus de lui qui gravitaient dans son entou-
rage se sont volontairement éclipsés. Mais pour que la
vérité dont ils abdiquent la gloire — au profit de sa
source même — conserve un public et des objets, morts
ou sur le point de l'être, ils n'en continuent pas moins
autour d'elle leur ronde, leur service de spectateurs.

p.92-93
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LE PARTI PRIS DES CHOSES
DE L'EAU


 L'eau m'échappe... me file entre les doigts. Et encore!
Ce n'est même pas si net (qu'un lézard ou une gre-
nouille) : il m'en reste aux mains des traces, des taches,
relativement longues à sécher ou qu'il faut essuyer.
Elle m'échappe et cependant me marque, sans que
j'y puisse grand-chose.
 Idéologiquement c'est la même chose : elle m'échappe,
échappe à toute définition, mais laisse dans mon esprit
et sur ce papier des traces, des taches informes.

p.62-63
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LE PARTI PRIS DES CHOSES
DE L'EAU


 Plus bas que moi, toujours plus bas que moi se
trouve l'eau. C'est toujours les yeux baissés que je la
regarde. Comme le sol, comme une partie du sol, comme
une modification du sol.
 Elle est blanche et brillante, informe et fraîche, pas-
sive et obstinée dans son seul vice : la pesanteur; dispo-
sant de moyens exceptionnels pour satisfaire ce vice :
contournant, transperçant, érodant, filtrant.
 À l'intérieur d'elle-même ce vice aussi joue : elle
s'effondre sans cesse, renonce à chaque instant à toute
forme, ne tend qu'à s'humilier, se couche à plat ventre
sur le sol, quasi cadavre, comme les moines de certains
ordres. Toujours plus bas : telle semble être sa devise :
le contraire d'excelsior.

p.61
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LE PARTI PRIS DES CHOSES
LE PAPILLON


 Lorsque le sucre élaboré dans les tiges surgit au fond
des fleurs, comme des tasses mal lavées, — un grand
effort se produit par terre d'où les papillons tout à coup
prennent leur vol.
 Mais comme chaque chenille eut la tête aveuglée et
laissée noire, et le torse amaigri par la véritable explo-
sion d'où les ailes symétriques flambèrent,
 Dès lors le papillon erratique ne se pose plus qu'au
hasard de sa course, ou tout comme.
 Allumette volante, sa flamme n'est pas contagieuse.
Et d'ailleurs, il arrive trop tard et ne peut que consta-
ter les fleurs écloses. N'importe : se conduisant en lam-
piste, il vérifie la provision d'huile de chacune. Il pose
au sommet des fleurs la guenille atrophiée qu'il emporte
et venge ainsi sa longue humiliation amorphe de chenille
au pied des tiges.
 Minuscule voilier des airs maltraité par le vent en
pétale superfétatoire, il vagabonde au jardin.

p. 56
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Poète vêtu comme un arbre
Parle, parle contre le vent.
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( Après sept ans de malheur. Elle brisa son miroir. )
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LE PAPILLON

Allumette volante, sa flamme n'est pas contagieuse (...)
Minuscule voilier des airs maltraité par le vent en pétale superfétatoire, il vagabonde au jardin.
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