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Citations sur Le parti pris des choses - Douze petits écrits - Proêmes (116)

La surface du pain est merveilleuse d'abord à cause de cette impression quasi panoramique qu'elle donne : comme si l'on avait à sa disposition sous la main les Alpes, le Taurus' ou la Cordillère des Andes. Ainsi donc une masse amorphe en train d'éructer' fut glissée pour nous dans le four stellaire, où durcissant elle s'est façonnée en vallées, crêtes, ondulations, crevasses... Et tous ces plans dès lors si nettement articulés, ces dalles minces où la lumière avec application couche ses feux - sans un regard pour la mollesse ignoble sous-jacente. Ce lâche et froid sous-sol que l'on nomme la mie a son tissu pareil à celui des éponges : feuilles ou fleurs y sont comme des soeurs siamoises soudées par tous les coudes à la fois. Lorsque le pain rassit ces fleurs fanent et se rétrécissent. Elles se détachent alors les unes des autres, et la masse en devient friable... Mais brisons-la : car le pain doit être dans notre bouche moins objet de respect que de consommation.
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Quatre satires
Le compliment à l'industriel

Sire, votre cerveau peut paraître pauvre, meublé de tables plates, de lumières coniques tirant sur des fils verticaux, de musiques à cribler l'esprit commercial,
mais votre voiture, autour de la terre, promène visiblement Paris, comme un gilet convexe, barré d'un fleuve de platine, où pend la Tour Eiffel avec d'autres breloques célèbres, et lorsque, revenant de vos usines, déposées au creux des campagnes comme autant de merdes puantes,
vous soulevez une tapisserie et pénétrez dans vos salons,
plusieurs femmes viennent à vous, vêtues de soie, comme des mouches vertes.
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Trop heureux seulement d'avoir pour ces débuts su choisir le galet:car un homme d'esprit ne pourra que sourire , mais sans doute il sera touché,quand mes critiques diront:"Ayant entrepris d'écrire une description de pierre , il s'empêtra."
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Ces vieux toits
quatre fois
résignés

Ce hameau
sans fenêtres
sous les feuilles

C'est ton coeur
quatre fois
racorni

ta sagesse
hermétique
ô tortue!
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Mesdames et messieurs, l'éclairage est oblique
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LE PARTI PRIS DES CHOSES
LE CYCLE DES SAISONS


 Las de s'être contractés tout l'hiver les arbres tout à
coup se flattent d'être dupes. Ils ne peuvent plus y
tenir : ils lâchent leurs paroles, un flot, un vomisse-
ment de vert. Ils tâchent d'aboutir à une feuillaison
complète de paroles. Tant pis! Cela s'ordonnera comme
cela pourra! Mais, en réalité, cela s'ordonne! Aucune
liberté dans la feuillaison... Ils lancent, du moins le
croient-ils, n'importe quelles paroles, lancent des tiges
pour y suspendre encore des paroles : nos troncs,
pensent-ils, sont là pour tout assumer. Ils s'efforcent
à se cacher, à se confondre les uns dans les autres.
Ils croient pouvoir dire tout, recouvrir entièrement le
monde de paroles variées : ils ne disent que « les arbres ».
Incapables même de retenir les oiseaux qui repartent
d'eux, alors qu'ils se réjouissaient d'avoir produit de
si étranges fleurs. Toujours la même feuille, toujours le
même mode de dépliement, et la même limite, toujours
des feuilles symétriques à elles-mêmes, symétrique-
ment suspendues! Tente encore une feuille! — La même!
Encore une autre! La même! Rien en somme ne saurait
les arrêter que soudain cette remarque : « L'on ne sort
pas des arbres par des moyens d'arbres. » Une nouvelle
lassitude, et un nouveau retournement moral. « Laissons
tout ça jaunir, et tomber. Vienne le taciturne état, le
dépouillement, I'AUTOMNE. »

p. 48-49
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DES RAISONS D'ÉCRIRE
I


...Honteux de l'arrangement tel qu'il est des choses, honteux de ces grossiers camions qui passent en nous, de ces usines, manufactures, magasins, théâtres, monuments publics qui constituent bien plus que le décor de notre vie, honteux de cette agitation sordide des hommes non seulement autour de nous, nous avons observé que la Nature autrement puissante que les hommes fait dix fois moins de bruit, et que la nature dans l'homme, je veux dire la raison n'en fait pas du tout.
Eh bien ! Ne serait-ce qu'à nous même nous voulons faire entendre la voix d'un homme. Dans le silence certes nous l'entendons, mais dans les paroles nous la cherchons : ce n'est plus rien. C'est des paroles. Même pas : paroles sont paroles.
O hommes ! Informes mollusques, foule qui sort dans les rues, millions de fourmis que les pieds du Temps écrasent ! Vous n'avez pour demeure que la vapeur commune de votre véritable sang : les paroles. Votre rumination vous écœure, votre respiration vous étouffe.
Votre personnalité et vos expressions se mangent entre elles. Telles paroles, telles mœurs, ô société ! Tout n'est que paroles.

p.162-163
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Le Gymnaste
Comme son G l'indique le gymnaste porte le bouc et la moustache que rejoint presque une grosse mèche en accroche-cœur sur un front bas.

Moulé dans son maillot qui fait deux plis sur l'aine il porte aussi, comme son Y, la queue à gauche.

Tous les cœurs il dévaste mais il se doit d'être chaste et son juron est BASTE!

Plus rose que nature et moins adroit qu'un singe il bondit aux agrès saisi d'un zèle pur. Puis du chef de son corps pris dans la corde à nœuds il interroge l'air comme un ver de sa motte.

Pour finir il choisit parfois des cintres comme une chenille mais rebondit sur ses pieds, et c'est alors le parangon adulé de la bêtise humaine qui vous salue.
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Je ne peux me concevoir que prenant parti, et je crois que ne pas prendre parti, c'est encore en prendre un (le mauvais).
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LE GYMNASTE

Comme son G l'indique le gymnaste porte le bouc et la moustache que rejoint presque une grosse mèche en accroche-cœur sur un front bas.
Moulé dans un maillot qui fait deux plis sur l'aine il porte aussi, comme son Y, la queue à gauche.
Tous les cœurs il dévaste mais se doit d'être chaste et son juron est BASTE !
Plus rose que nature est moins adroit qu'un singe il bondit aux agrès saisi d'un zèle pur. Puis du chef de son corps pris dans la corde à nœuds il interroge l'air comme un ver de sa motte.
Pour finir il choit parfois des cintres comme une chenille, mais rebondit sur pieds, et c'est alors le parangon adulé de la bêtise humaine qui vous salue.
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