La création, en 1590, de la Poste aux Lettres par Henri IV, premier souverain Bourbon, permit aux ministres un accès régulier dans les affaires privées du royaume. Connus sous diverses appellations - cabinet noir, Bureau du Secret, ou même Bureau du Dedans- pendant l'Ancien Régime, les services spécialisés dans le décachetage de la correspondance oeuvraient généralement en dehors de tout "désir malsain de prendre connaissance des secrets familiaux". En vérité, la divulgation d'informations salaces sur les frasques sexuelles des courtisans constituait quasiment une industrie secrète sous les Bourbons. Richelieu et Mazarin confisquaient régulièrement certains plis; Colbert, Louvois et Le Tellier, qui leur succédèrent sous Louis XIV, firent de même en visant notamment la correspondance des tout-puissants jésuites pour cueillir des informations au cours des nombreuses guerres du Roi-Soleil.
De plus en plus répandue, la violation du courrier favorisa le développement des codes et des messages chiffrés, dont beaucoup étaient assez sophistiqués pour tenir en échec les experts de ce siècle. Elle donna également un nouvel essor aux techniques de déception (i.e: art de tromper l'adversaire par combinaison de moyens tels que: intoxication, désinformation simulation...): ainsi, lors du siège de la ville de Hesdin en 1639, les Français purent intercepter l'appel de détresse lancé aux Espagnols par la cité assiégée, et, de ce fait, fabriquer une réponse codée émanant du cardinal-infant, annonçant que tout secours était exclu et que la garnison devait se rendre.
On peut rétrospectivement considérer que la Première Guerre mondiale marqua, notamment dans le domaine militaire, l'âge d'or du Renseignement français. Celui-ci ne devait plus jamais retrouver pareille influence. En partie parce que, selon David Khan, ce conflit marque davantage la fin que le début d'une époque; époque au cours de laquelle un cryptanalyste seul, tel Georges Painvin, avait la possibilité de déchiffrer un code sans aucune aide extérieure. L'encre du Traité de Versailles n'était pas encore sèche que commençait l'ère du codage mécanique. Le nouveau défi du Renseignement français était désormais de conserver son prestige, son intégrité et sa compétence technique dans les années de l'après-guerre.