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EAN : 9782849505441
280 pages
Syllepse (23/02/2017)
5/5   1 notes
Résumé :
Ce livre est né de la volonté de rendre visible le flux permanent de personnes qui meurent victimes de l’État policier français.
Elles ont été étouffées, abattues, percutées, battues à mort, lors de contrôles, d’arrestations, d’expulsions, de mouvements sociaux, ou dans d’autres circonstances encore, par des policiers, des gendarmes.
Cases Rebelles, s’empare ici de la forme du portrait militant, hérité de l’art mural, du graff, d’artistes activistes co... >Voir plus
Que lire après 100 portraits contre l'Etat policierVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
L'oubli est sans conteste un ultime et terrible préjudice

Pour lire l'introduction, les références à d'autres ouvrages et les liens , voir sur le blog "entre les lignes entre les mots"

Dans leur introduction, Cases Rebelles rappellent que « L'oubli permet qu'il n'y ait que des accidents en lieu et place d'une violence systémique qui rejoue l'innocence à chacune des occurrences ».
Les auteur-e-s parlent, entre autres, du travail de contre-histoire, d'association dans un même espace-temps de « 100 victimes de la police, de la gendarmerie, de la prison, 100 victimes selon nous de la violence d'État », d'exigence de « Vérité et Justice » pour tout-e-s, d'outil pour une éducation populaire,

Elles et ils ajoutent que « Chacune de ces histoires exige qu'on la retienne, exige d'être intégrée au patrimoine de l'histoire ardue des luttes pour l'émancipation et pour la justice. Ces visages sont porteurs d'exigences radicales  : que chacun·e lutte à sa façon, que nous ne cédions pas à la fatalité, que nous ne nous réfugiions jamais dans l'oubli, que nous ne nous satisfassions pas du fait que l'horreur ait frappé une autre famille ».

Donc 100 portraits, dont un petit nombre de silhouettes et portraits collectifs. 100 mort-e-s parmi de multiples tué-e-s dont la somme reste difficile à évaluer.

Les auteur-e-s expliquent pourquoi, elles et ils ont choisi de localiser leur travail après 1945, de ne pas aborder la question des violences d'État ayant été commises sur des territoires devenus indépendants depuis, de représenter aussi les victimes méconnues de la périphérie coloniale distante – Guadeloupe, Kanaky, Martinique, Guyane.

Elles et ils abordent aussi la place de « la mémoire militante des manifestations populaires », l'« injonction au silence et à l'oubli », les mort-e-s en détention, le nombre d'« hommes en arme » membres des « forces de l'ordre » et les politiques de répression…

« Nous voulons résister à cette machine à communiquer parce que la Mémoire qu'elle génère, l'Histoire qu'elle raconte, bénéficient rarement à des victimes trop souvent mortes de malaises providentiels, trop souvent rendues responsables de leur propre mort.

Questionnons. Ne cessons jamais d'interroger. Faisons ateliers, débats, articles, livres, films. Continuons ces contre-récits que d'autres ont commencé bien avant nous ».

Les auteur-s abordent aussi l'art populaire ou militant, Oree Originol, artiste basé à Oakland en Californie, réalisateur du formidable projet Justice For Our Lives .
« Ces vies volées ne sont pas seulement les symptômes d'une violence d'État : il s'agit d'individu·es qui avaient des rêves. Des personnes sensibles qui étaient aimables et aimées. Et ces morts auraient pu être évitées ».

Quelques éléments, quelques portraits, quelques analyses et commentaires.

Grèves de 1947-1948 « qualifiées d'insurrectionnelles » et répression menée par Jules Moch, ministre socialiste de l'intérieur. Mais il ne faudrait pas oublier Sétif, Thiaroye, l'insurrection malgache, la guerre d'Indochine et la départementalisation de quelques îles…

Valence 4 décembre 1947, Joseph Chaléat, Henri Justet, Raymond Penel, « Joseph Chaléat, métallurgiste, Henri Justet,ouvrier su bâtiment et Raymond Penel, cheminot, sont ainsi les premières victimes du triste règne de Jules Moch et du gouvernent Schuman ».
Tuerie du Cabaret, Martinique 4 mars 1948 ; répression du 14 février 1952, le Moule, Guadeloupe ; décembre 1959, Fort-de-France, Martinique, Christian Marajo ;
Martinique, le Lamentin, la tuerie du 24 mars 1961, « Crime policier, crime raciste, crime politique » ; Mé 67, Pointe-à-Pitre, Guadeloupe, Jacques Nestor, Camille Taret.
Paris 14 juillet 1953, manifestant-e-s algérien-ne-s, pour la libération des prisonniers politiques et l'indépendance de l'Algérie, drapeau national algérien, « défi au pouvoir colonial français », sept morts – six Algériens et un Français. Accusations de délinquance, criminalisation des Algériens…
Paris, 17 octobre 1961. « Leur présence dans les rues est une déflagration dans la logique du pouvoir puisque de sujets coloniaux, niés, soumis, réduits au silence, ils deviennent ouvertement algériens et algériennes, sujets politiques dévoués au FLN et portés par la cause nationaliste ». 17 octobre et les nuits du 18, 19 et 20, « la police n'aurait pu organiser ce massacre sans le soutien de la plus haute autorité de l'Etat ».

Comme l'écrit sobrement et justement Lamia Aït Amara, « le 17 octobre 1961, c'est une blessure béante qui fait que nous pleurons aujourd'hui encore les morts et les disparus »
18 février 1962, Charonne, et toujours Maurice Papon préfet. S'il sera jugé pour sa responsabilité dans la déportation de Juifs de Bordeaux, « il n'aura été jugé ni pour Charonne ni pour Octobre 61 ».

Sur les luttes de libération nationales, il ne faudrait pas seulement s'arrêter sur le récit national inventé par les vainqueurs). Il est nécessaire aussi de se pencher sur les politiques menées par les partis qui se réclamaient de la classe ouvrière (la direction de la SFIO assumait totalement l'ordre colonial). Mais qu'en est-il du PCF, à l'époque un grand parti ? Les auteur-e-s rappellent, entre autres, la qualification des dirigeants nationalistes algériens après Sétif de « provocateurs à gages hitlériens ». Elles et ils parlent aussi du mot d'ordre de « Paix en Indochine » et de « la question coloniale abordée sous l'angle dépolitisant de l'amitié entre les peuples ». Sans oublier le vote des pleins pouvoirs en 1956, au gouvernement qui permettra de déployer l'armée (et la torture) à la légitime revendication d'indépendance…

Il ne faudrait pas négliger aujourd'hui le silence assourdissant, de bien d'autres, sur les Antilles, la Réunion, la Guyane, etc. et sur la Kanaky et Mayotte.

C'est volontairement que je m'attarde sur les luttes anti-coloniales d'hier et d'aujourd'hui. le fonctionnement de la république française ne peut être séparé de cette histoire. République coloniale et impérialiste, république certes mais non république sociale. Et le traitement des français-e-s dont les parent-e-s ou les grand-parent-e-s viennent des anciennes colonies ou des poussières de l'empire a aussi quelques choses à voir avec le refus réitéré de revenir sur les crimes coloniaux…
Je souligne le bel article de sur Eloi Machoro et Marcel Nonnaro, la Kanaky.

Des conflits ouvriers, des jeunes, des anonymes, des personnes qui ont un prénom ou un nom qui résonne comme « étranger », Mohamed, Lounès, Rénor, Mustapha, Lahouari, Laïd, Abdel, Saad, Aïssa, Mourad et les autres… le plus souvent considéré-e-s comme « responsable de sa propre mort »
Des lieux, ici et ailleurs, des hommes et quelques femmes, des noms et des anonymes (« Un homme »… « Une femme ». Pas de nom » – « Mais ces morts existent et les responsables également ; leur noms et leurs carrières même pas entachés par l'ombre d'une procédure »), Malik Oussekine, Zyed Benna et Bouna Traoré, Adama Traoré, Joseph, enfant de la « communauté des Gens du voyage, communauté marquée par le fichage, le harcèlement policier et l'injustice »

Des hommes retrouvé morts pendant leur incarcération, « Les prisons françaises détiennent le triste record européen de suicides ou morts suspectes ».
Des victimes jugées et des policiers relaxés. Ceux qui ont le droit à la suspicion mais pas à la protection. Des réquisitions du ministère public contre des policiers qui « ressemblent curieusement à une plaidoirie de défense », des soit-disant accidents, la difficulté d'obtenir la vérité et un procès (les nombreux non-lieu et les légères condamnations avec sursis), les plaintes en diffamation de policiers accusés, les victimes salies ou criminalisées…

Des techniques policières interdites dans d'autres pays, les débats autour d'une « présomption de légitime défense », les contrôles au faciès, l'Observatoire des violences policières…

Des portraits et des dessins « porteurs d'amour pour les victimes et de solidarité pour leurs proches ».

Quelques éléments plus personnels de réflexion.

Il ne s'agit ni de faits divers, ni de bavures, mais d'un bien d'un certain rapport politique entre l'Etat (le gouvernement et les forces de répression) et les salarié-e-s et/ou les populations de lieux colonisés…

Un ministère de l'intérieur rappelant que les classes dangereuses sont une sorte d'ennemi principal d'un certain ordre politico-social ; des forces nommées « de l'ordre » et non du respect des choix démocratiques ; la priorité non donnée aux délinquant-e-s en « col blanc », aux responsables des tueries au travail, aux voleurs fiscaux, aux propagandistes racistes et sexistes…

Il n'y a pas eu d'épuration en profondeur des « forces de l'ordre » ni après la seconde guerre mondiale, ni après la guerre d'Algérie, ni après les différents massacres et tueries dans les poussières de l'empire.

A cela il conviendrait d'ajouter le peu de mise en cause des donneurs d'ordre, les ministres, gouvernements et parfois parlementaires.

Il me semble nécessaire que les progressistes qui refusent l'état policier, l'impunité des acteurs politiques et des forces répressives, discutent de ce qu'il convient aujourd'hui encore de nommer « épuration des forces de l'ordre » (à commencer par la haute hiérarchie), de dissolution de certains corps répressifs, de « désarmement » d'autres… Sans oublier la responsabilité, y compris dans ses dimensions pénales, des instances politiques décidant d'orientations qui aboutissent à des mort-e-s et à l'impunité organisée de celles et ceux qui exécutent, au sens propre comme au sens figuré…

Il faudrait aussi discuter de la formation et des conditions de travail des personnels concernés, du masculinisme et du virilisme incompatible avec la mixité nécessaire de toutes les structures institutionnelles, de la propagation des idéologies de l'inégalité, de la notion de « légitime défense », du rôle répressif à géométrie très variable – suivant les populations concernées – des corps policiers…

Lien : https://entreleslignesentrel..
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Nous voulons résister à cette machine à communiquer parce que la Mémoire qu’elle génère, l’Histoire qu’elle raconte, bénéficient rarement à des victimes trop souvent mortes de malaises providentiels, trop souvent rendues responsables de leur propre mort.

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Chacune de ces histoires exige qu’on la retienne, exige d’être intégrée au patrimoine de l’histoire ardue des luttes pour l’émancipation et pour la justice. Ces visages sont porteurs d’exigences radicales  : que chacun·e lutte à sa façon, que nous ne cédions pas à la fatalité, que nous ne nous réfugiions jamais dans l’oubli, que nous ne nous satisfassions pas du fait que l’horreur ait frappé une autre famille
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100 victimes de la police, de la gendarmerie, de la prison, 100 victimes selon nous de la violence d’État
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Leur présence dans les rues est une déflagration dans la logique du pouvoir puisque de sujets coloniaux, niés, soumis, réduits au silence, ils deviennent ouvertement algériens et algériennes, sujets politiques dévoués au FLN et portés par la cause nationaliste
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Ces vies volées ne sont pas seulement les symptômes d’une violence d’État : il s’agit d’individu·es qui avaient des rêves. Des personnes sensibles qui étaient aimables et aimées. Et ces morts auraient pu être évitées
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