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Gallimard (01/01/1588)
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Vous vous imaginiez que Shakespeare était l'écrivain le plus mystérieux de tous les temps (une femme, Christopher Marlowe, un obscur citoyen italien, que sais-je encore) ? Attendez de faire connaissance - ou plutôt de ne pas faire connaissance - avec Henry Porter, auteur des Deux Mégères d'Abington. Voilà du grain à moudre pour ceux qui seraient en mal d'enquêtes absconses et fumeuses. Même Babelio le confond avec un auteur du XXIème siècle ! On sait qu'il fut un dramaturge en activité, sans doute connu, mais à part Les Deux Mégères, il ne nous reste rien, mais ce qui s'appelle rien de lui. Et surtout rien de sa vie. Car, et c'est le piquant de la chose, les Henry Porter fleurissaient à la fin du XVIème siècle en Angleterre. On en dénombre dix-huit, ou huit, ou je ne sais combien d'autres, qui pourraient être lui, ou encore n'avoir rien à faire avec lui. de ses pièces de théâtre nous ne connaissons donc que celle-ci, et encore ne sait-on pas si elle a été écrite autour de 1588 ou plutôt de 1598. Par conséquent, dans une soirée ennuyeuse, citez Henry-Porter-le-dramaturge-élisabéthain, vous serez sûr d'épater la galerie - ce qui vous donnera du coup l'air d'un pédant, mais c'est la rançon à payer.


Pièce au ton grivois, pièce innovante dans sa forme, comique de situation, comique de répétition, misogynie : voilà ce que vous trouverez entre autres dans Les Deux Mégères d'Abington, dont on ne connaît par ailleurs aucune source, chose suffisamment rare pour être mentionnée. La comédie est écrite sur la base d'une histoire on ne peut plus simple : deux voisins, Mr Goursey et Mr Barnes, souhaitent régler une affaire, ou un différent, le plus amicalement possible (l'affaire en question, on ne saura jamais ce que c'est). Ils laissent leurs femmes régler la chose au jeu, mais c'est compter sans les allusions incessantes de Mrs Barnes à l'infidélité de son époux, qui, croit-elle, couche avec Mrs Goursey. Forcément, Mrs Goursey commence à se lasser d'être traitée de putain par Mrs Barnes, et les deux femmes se fâchent. Là-dessus, Mr Goursey a l'idée de marier sa fille au fils des Barnes, afin de réconcilier les deux femmes (mais on comprend bien qu'il y a là une transaction très intéressante pour les deux parties). Francis Goursey, d'abord peu enclin au mariage, se laisse convaincre ; quant à Mall, la fille des Barnes, elle n'a qu'une envie : perdre sa virginité, mais en tout honneur. Donc c'est oui pour elle aussi. le frère de Mall soutient l'entreprise, Mr Barnes également. C'est évidemment sans compter sur Mrs Goursey et Mrs Barnes, qui ne l'entendent pas du tout, mais alors pas du tout de cette oreille. S'ensuit une fuite nocturne des deux amoureux dans la garenne, poursuivis par tous les autres, dans des buts contradictoires. Et arrivent au milieu de tout ce monde un certain Sir Raphe et son serviteur, Will. D'où confusions à l'envi, scènes de disputes, scènes de poursuites, tout ça dans le noir (théoriquement). Mais l'intervention de Sir Raphe, puis, surtout, de Philipp Barnes, va permettre de réconcilier tout le monde et d'arranger le mariage.


Ça démarre dès la première scène et les premiers dialogues de façon comique, avec les allusions de Mrs Barnes que les autres ne comprennent pas, du moins pas tout de suite. La partie de cartes qui s'ensuit est en revanche moins passionnante, sans parler des dialogues entre les serviteurs et les fils des deux familles. C'est bourré de jeux de mots et d'allusions bien salaces. On imagine bien que pour les sujets d'Elizabeth Tudor, c'était à se taper le cul par terre. Pour le lecteur d'aujourd'hui, c'est nettement moins marrant, vu qu'on ne comprend pas les jeux de mots, qu'il faut donc lire les notes s'y rapportant (ce qui gâche tout le plaisir, évidemment). Même quand on saisit qu'on a sous le nez une blague grivoise, vu que certaines allusions ne peuvent, même si les expressions ne sont plus d'actualité, porter à confusion, le comique ne fonctionne pas, faute de spontanéité - il faut trop faire fonctionner son cerveau pour comprendre de grosses plaisanteries censées faire rire instantanément. Et puis bon, il faut aimer ce genre de blagues, mais je pense que sur scène, ça peut passer. À condition que le texte soit adapté pour un public qui n'est pas anglais, et même pour le public anglais d'aujourd'hui. En tout cas, ces scènes-là, lues, c'est pas très excitant.


C'est un peu plus sympa quand il est question du mariage, surtout grâce aux tirades de Mall sur son envie pressante de perdre sa virginité, mais ça n'est pas tordant non plus. Là où ça devient effectivement drôle, même à la simple lecture, c'est tout le passage, qui s'étale sur plusieurs scènes et occupe une bonne partie de la pièce, dans la garenne. le comique de situation, avec des personnages qui se cachent d'autres personnages, sont retrouvés, s'enfuient, en rencontrent d'autres qu'ils prennent pour ce qu'ils ne sont pas, sortent de scène pendant que d'autres entrent... Ça fonctionne très bien, notamment grâce à un comique de répétition basé sur la confusion d'identité : les personnages n'en finissent pas de se confondre les uns avec les autres. Je trouve que toutes ces scènes rattrapent celles qui étaient moins enlevées, et moins compréhensibles. À noter d'ailleurs que cette poursuite infernale de nuit sur la garenne avait une saveur particulière pour les spectateurs du XVIème siècle, qui assistaient à des représentations à ciel ouvert, en pleine journée. du coup, un peu comme dans les spectacles de Guignol, ils voyaient très bien ce que les personnages ne voient pas, et devaient certainement s'en donner à coeur joie en interpellant les comédiens : "Mais non, c'est pas le bon, tu te goures de gars !" "Attention, c'est ta mère qui arrive !", etc.


J'en profite pour parler des particularités dramatiques de cette pièce et de l'utilisation de la versification de notre mystérieux Henry Porter. Des scènes nocturnes, il y en a bien d'autres dans le théâtre élisabéthain, et pour indiquer au spectateur qu'il faisait nuit, on brandissait une lune en carton, ou bien une bougie, ou encore on faisait dire à un personnage "Douce nuit..." ou "Tendre lune.." ou un truc du genre. Mais il semblerait que jamais ce ne fut autant utilisé auparavant. Les références à la nuit fusent, forcément, vu que les scènes nocturnes prennent beaucoup de place, et, surtout, sont un élément essentiel du comique. On comprend d'ailleurs toujours qu'on est en pleine nuit, sans que ça soit lourdingue dans le texte. Et pour ce qui est de la versification, Henry Porter utilise très régulièrement un procédé qui consiste à faire débuter un vers par un personnage qu'un'autre termine, insufflant ainsi du rythme aux dialogues, rythme nécessaire à une comédie de ce genre. Il s'agirait là aussi d'une innovation pour l'époque.


On a donc une pièce qui débute lestement, qui se poursuit plus péniblement, puis prend son véritable essor dans sa seconde moitié, avec un sens du comique bien maîtrisé. Un plaisir de lecture qu'on ne boudera pas, mais un plaisir - et un comique - s'épanouissant sans doute bien davantage sur scène. Et bon, il ne faut pas se montrer trop bégueule pour en profiter.




Challenge Théâtre 2018-2019
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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
MADAME GOURSEY
Oh ! monsieur Barnes, vous me rappelez justement
Ce que je voulais vous dire. C'est nous qui vous sommes
Redevables de votre si aimable accueil ;
Et pour que nous nous acquittions de cette dette, venez donc
Un jour nous tenir compagnie dans notre humble demeure.

MADAME BARNES
Pour ça, madame Goursey, ne vous faites pas de souci.
Il sera un invité hardi, je vous l'assure,
Et plus hardi avec vous que je ne le voudrais.

MADAME GOURSEY
Que voulez-vous dire, en quoi sera-t-il hardi avec moi ?

MADAME BARNES
Eh bien, il viendra, en vérité, vous déranger chez vous,
Il passera souvent demander de vos nouvelles,
Puis s'assiéra pour bavarder toute la journée, jusqu'au soir -
Puis toute la nuit aussi, s'il parvient à ses fins.

MONSIEUR BARNES
Oui, ma femme, c'est vrai, et je la remercie pour sa gentillesse.
Elle m'a toujours bien accueilli quand je passais par là.

MADAME BARNES
Et, par là, elle s'est illustrée ! Une si aimable fille -
Merci, madame Goursey, pour mon mari ;
Et s'il arrive que votre mari passe par chez nous
Pour la chasse, ou d'autres divertissements coutumiers,
Je ferai autant pour le vôtre que vous pour le mien.

MONSIEUR GOURSEY
Je vous en prie, faites donc.
[À part :]
Seigneur, que veut dire cette femme?
Son ton est sarcastique. À vrai dire, peu m'importe.

Scène I
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PHILIPPE
Maraud, tu te trompes lourdement à mon sujet.
Je te jure que je ne suis pas celui que tu crois.

WILL
Qui êtes-vous, alors ?

PHILIPPE
Eh bien, quelqu’un qui cherche Francis, et une fille.

WILL
Et ce Francis cherche un Philippe, et une fille.

PHILIPPE
Comment le sais-tu ?

WILL
Je l'ai rencontré cherchant Philippe, et une fille
Pendant que moi je recherchais Sir Raphe, et une fille.

Scène X
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