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sur 387 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Kevin Powers - Yellow Birds - 2012 : Murphy et Bartle, deux gamins avides d'aventures et de reconnaissance s'engagent comme beaucoup d'autres pour aller combattre en Irak. Il faut dire que la société américaine engendre des bataillons de jeunes hommes désoeuvrés prêt à suivre l'oncle Sam dans ses pérégrinations guerrières. Tout est bon pour vivre autre chose que le train-train des petites villes de province américaines rongées par le conformisme et l'absence de perspectives. Murphy sort à peine de l'enfance et très vite pendant les classes il forme avec bartle un duo de copains qui voient arriver l'heure du départ avec la satisfaction de ceux qui se voient déjà célébrés comme des héros à leur retour. L'angoisse est pour les familles et les proches et le jour de la séparation une promesse bien trop lourde pour ces jeunes âmes est arrachée à Murphy avant l'embarquement. La guerre telle qu'elle est décrite ici n'est pas différente pour les soldats modernes des conflits qui ont eu lieu dans le passé. le champ de bataille respire la mort de la même façon et le stress du combat s'affiche dans chaque page comme dans celles des grands chefs-d'oeuvre qui ont décrit la guerre par le passé (A l'ouest rien de nouveau, Les croix de bois, La ligne rouge). L'Irak est un piège et chaque soldat se sent pris dans la nasse, acculé par des combats d'une violence et d'une sauvagerie qui les dépassent. Les médias ont beau annoncer que l'ennemi est écrasé, sur le terrain c'est la peur qui sort victorieuse. le drame frappe nos jeunes héros comme la foudre tombe presque au hasard sur le promeneur attardé qui tente de se protéger sous un arbre. La mort va trancher avec la responsabilité pour celui qui reste de n'a pas avoir su respecter sa parole de garder l'autre en vie. Mais cette promesse arrachée par un mère inquiète pouvait elle être tenue alors que le feu renvoi ces soldats au rang de jeunes enfants effrayés. Mères dressez vous toutes ensemble !!! Que vous soyez américaine, irakienne, russe, ukrainienne, israélienne ou palestinienne, empêchez qu'on prenne vos enfants pour satisfaire les instincts belliqueux d'une minorité en mal de pouvoir et de sang. Kévin Powers livre un roman presque autobiographique. Dans une vie précédente, il a combattu en Irak et les difficultés pour se réadapter à la vie civile après les combats qu'il raconte ici, il les a connus lui aussi. L'enfer est à celui qui reste dit-on car il ramène sa guerre chez lui avec son cortège de barbarie, de terreur et surtout de regret. Grâce à ce livre éreintant, le lecteur n'ignorera rien des états d'âme d'une génération de soldats ballotés dans un monde irrespirable entre le chômage, la précarité, la violence des réseaux sociaux et le traumatisme lié au combat qu'on trimbale toute sa vie quand on ne laisse pas sur le champ de bataille une jambe, un bras ou son existence... édifiant
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Al Tafar. Province de Ninawa. Irak.
Bartle et Murphy sont embarqués dans le bourbier irakien sous les ordres de Sterling. le premier a promis de ramener Murph vivant au pays. Mais comment tenir une promesse quand les atrocités sont votre lot quotidien, quand la peur vous tenaille vingt quatre heures sur vingt quatre, quand vous êtes aux lisières de la folie ?
Et puis malgré tout, il y a ceux qui rentrent au pays avec des cauchemars pour des vies entières. Comment se reconstruire quand on reçoit en pleine gueule ce qu'une jeunesse ne pourrait imaginer ?
Kevin Powers a combattu là-bas. Son récit est tout simplement prodigieux, d'une brutalité et d'une poésie rarement égalé. On ose espérer qu'il exagère (sans y croire une seconde), ça vous prend aux tripes, ça vous mets la nausée au bord des lèvres, la violence, la peur, la mort sont là insoutenables. Kevin Powers signe un récit qu'on est pas près d'oublier.
Il y a des romans qui s'impose comme une évidence. Celui-ci en est un.


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Je lis assez peu de romans sur la guerre, mais suite à un échange avec Isidoreinthedark sur une de ses critiques, celui-ci m'a orientée vers une lecture qui l'avait fortement marqué par sa puissance lyrique, celle de « Yellow Birds » de Kevin Powers dont le titre s'inspire d'un chant militaire américain.

« Un moineau jaune / Au bec jaune / S'est penché / Sur ma fenêtre / J'lui ai donné / Une miette de pain / Et j'lai éclaté / Ce putain d'serin… »

Le titre fait aussi référence au rôle des canaris dans les mines de charbon comme détecteur de monoxyde de carbone. Les gaz toxiques tuaient les oiseaux avant les mineurs, donnant l'alerte et leur offrant un peu de temps pour évacuer avant que l'explosion ne se produise. En utilisant cette métaphore, l'auteur souhaite montrer la détresse des anciens soldats et le choc du retour à la vie quotidienne.

J'ai aimé ce titre d'une poésie et d'une profondeur incroyables au regard du thème et c'est ainsi que j'ai abordé ce roman dont je n'avais jamais entendu parlé. Merci Isidore.

*
Le soldat Murphy, 18 ans, et le soldat Bartle, 21 ans, sont envoyés à al Tafar, à l'extrême nord de l'Irak, près de la frontière syrienne. Ils ne se connaissent pas, mais vont devenir frères d'armes, se protégeant l'un l'autre des dangers incessants.

Bartle reviendra changé de la guerre. Victime du syndrome de stress post-traumatique, il est impuissant à se réintégrer au monde civil.

« J'étais devenu une espèce d'infirme. »

Les séquelles de la guerre sur le jeune soldat ne sont pas corporelles, mais psychologiques.
Son esprit en lambeaux, gangréné par la violence et la mort, est resté piégé dans le désert irakien. Désorienté, il ne sait comment reprendre pied dans ce monde qu'il ne comprend plus. Il ne sait pas comment recoller les morceaux de son être qui se sont éparpillés aux quatre coins de la Province de Ninawa.

« Si je ne pouvais pas oublier, j'aspirais du moins à être oublié. »

Ses réflexions tournent en boucle, revenant sans cesse sur un évènement traumatisant en particulier. Petit à petit, le lecteur comprend ce qui s'est réellement passé.

*
La structure fractionnée, non linéaire du récit, permet de mieux nous décrire l'état d'esprit du jeune homme.
En effet, les chapitres alternent plusieurs temps qui s'accordent : son engagement dans l'armée, sa rencontre avec Murphy, son service en Irak et son retour à la vie civile en Virginie. Mais cette histoire m'a fait l'effet d'un boomerang, car même revenu chez lui, la guerre reste toujours présente dans sa tête.

J'ai saisi pleinement sa souffrance intérieure, sa pensée embrumée par des images de combats et de tueries, ses sentiments de peur et de honte quant à ses actes en temps de guerre, sa culpabilité d'être toujours vivant alors que tant de camarades sont morts si brutalement.
J'ai également perçu de manière plus subtile, un détachement par rapport aux évènements qu'il subit, aux hommes de son unité, à la mort qui le frôle sans cesse, comme si son corps et son esprit se détachaient l'un de l'autre pour mieux supporter la barbarie du monde qui l'entoure.

« Je me souviens comme j'étais assis par terre dans les broussailles, terrorisé à l'idée de devoir montrer ce que j'étais devenu. Pourtant, personne ne me connaissait vraiment dans ce coin, mais j'avais l'impression que si je rencontrais qui que ce fût, il devinerait ma déchéance et me jugerait instantanément. Rien ne vous exclut plus que d'avoir une histoire singulière. du moins, c'est ce que je croyais. À présent, je sais : toutes les douleurs sont identiques. Seules changent les circonstances. »

A travers le regard et les mots de Bartle, Kevin Powers donne la parole à tous ces soldats revenus brisés de la guerre, eux qui, le plus souvent, ont choisi le silence pour affronter leur traumatisme. Il met des mots sur leur souffrance, leurs peurs, leur détresse, leurs regrets.
Il évoque aussi la solitude de ces soldats devant le regard ignorant et admiratif des proches qui n'ont pas souffert de la guerre et qui les accueillent en héros alors qu'ils se sentent meurtriers dans l'âme.

« Les secrets que l'on garde pour soi sont les plus lourds à porter. »

*
On ressent une pudeur dans ce récit, mais également une grande sincérité. En effet, Kevin Powers, vétéran de l'armée américaine, a servi en Irak de 2004 à 2005 dans la région de Tall Afar et de Mossoul, les mêmes régions et au même moment que celles où patrouillent Bartle et Murphy dans le roman.
La violence des combats n'est pas esquivée, elle est présente, mais l'auteur a fait le choix audacieux et surprenant de décrire son expérience de la guerre dans une fiction mettant en avant les sensations, les émotions, les sentiments, la violence psychologique, les traumatismes plutôt que des descriptions de guerre.
Le rendu est aussi beau que poignant.

« Tu n'es rien, voilà le secret : un uniforme dans une mer de nombres, un nombre dans une mer de poussière. »

*
J'ai lu qu'au retour du front, Kevin Powers avait obtenu une maîtrise en poésie. Cela se ressent dans son écriture. Je l'ai trouvée belle et originale pour un roman sur la guerre.

« Lorsque les obus de mortier tombèrent, les feuilles, les fruits, les oiseaux s'effilochèrent comme des bouts de corde. Ils gisaient sur le sol en un tas épars ; un enchevêtrement de plumes déchiquetées, de feuilles lacérées et de fruits éventrés. Les rayons du soleil glissaient entre les cimes, scintillant ici et là sur le sang d'oiseau et les citrons. »

Il décrit aussi la beauté du monde et ces éclats de lumière amènent une touche de douceur et d'apaisement. Les couleurs, les sons, les odeurs sont très présentes dans ce roman.

« Une aigrette vola juste au-dessus de mon épaule et rasa la surface de la rivière de si près que je songeai qu'il était impossible qu'un corps pût rester si près d'un autre en contrôlant parfaitement sa position. Mais le bout des ailes de l'animal filait malgré tout sans même effleurer quoi que ce fût. L'oiseau, qui semblait ne prêter aucune attention à ce que je pouvais penser, vira légèrement et disparut avec une grâce extrême dans l'éclat du soleil. »

*
Pour conclure, ce récit, aussi poétique que brutal, nous immerge dans la guerre et dans l'esprit des soldats.

« La guerre fabrique surtout des solipsistes : comment vas-tu me sauver la vie aujourd'hui ? En mourant, peut-être. Si tu meurs, j'ai plus de chances de rester en vie. »

Kevin Powers livre un témoignage émotionnellement fort sur la guerre et la vie qu'il faut redécouvrir après les combats. Ce récit admirable et émouvant offre une réflexion profonde sur la liberté, la peur des combats, la futilité de la guerre, l'amitié, le poids de la honte et du mensonge.
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Tu te souviens de ces images qui repassaient en boucle sur ton téléviseur Samsung dernier cri ? Des flashs spéciaux se multipliant jusqu'à fusionner avec ton temps pour te tenir informé à la minute près, 24/24 – 7/7. L'info en continu. Comme le présentateur semble apprécier cette phrase. La guerre, de nos jours, se passe river sur son écran dans ton salon, un logo sponsor en bas gauche de l'écran et un clignotant ‘DIRECT' en haut droite. Des éclairs dans la nuit et des feux d'artifice de technologie. Pendant que toi, tu bois une bière, humide et mousseuse. Irak, printemps 2005.

Le soldat Bartle et le soldat Murph, deux jeunes recrues envoyés dans le désert. Pas vraiment d'explication, ni même de justification à cette guerre. Ils y sont sous l'ordre du sergent Sterling, un habitué de cette campagne. La guerre, pour ceux-là, c'est du concret. Un casque, un fusil, une lunette de visée et du sable. Beaucoup de sable et de chaleur. Un soleil à rendre fou, à moins que cela soit la guerre qui rend ‘fou'. Je ne sais pas.

Kevin Powers, un premier roman, « Yellow Bird ». Un coup de poing, un coup de coeur. L'histoire est touchante bien que cruelle. C'est la guerre, normal. Des morts et des innocents morts. Mais au-delà du scénario – nul doute que cela pourrait devenir un film – il y a la construction du roman en lui-même qui est appréciable. Les souvenirs se mélangent dans la voix du ‘héros', images de la guerre, images de la libération, retour en ses terres, images de sa Virginie natale – avant. Puis après, douloureux retour, incapacité à vivre après avoir survécu à cette parade meurtrière, sentiment de culpabilité, d'avoir laissé partir des gars là-bas et être revenu.

Une pensée est apparue sous la chaleur de mon casque : j'étais heureux de ne pas m'être pris une balle. Je m'étais dit combien j'aurais souffert si j'avais été celui étendu là en train de mourir, à regarder les autres qui l'observaient agoniser. Et moi aussi, même si c'est avec tristesse à présent, j'avais songé intérieurement, Dieu merci, il est mort et pas moi. Dieu merci.

De quoi il est question en fait ? de se demander pourquoi une telle guerre ? de se demander pourquoi je suis un survivant et pourquoi mon camarade de chambrée, celui sur qui je devais veiller juste parce que j'avais trois ans de plus, n'est pas revenu. J'avais promis à sa mère de veiller sur son fils, mais cette promesse fut vaine et inutile. Je suis vivant, à quoi bon ? le retour à la vie civile, une vie normale, m'est devenu inenvisageable, surréaliste même. Voilà le constat fait de la vie de ce soldat, trop jeune pour mourir, mais pourtant qui a trop vécu pour survivre après cette guerre.

La guerre, Kevin Powers ira de bon gré. Pas besoin de se poser la question du bien-fondé, de délibérer sur une éventuelle justification. La solidarité envers ses frères d'armes, voilà ce qui compte. le retour sera plus douloureux, plus dramatique même que cette période dans le désert. Parce que de nouveau au pays, il se rend compte que cette guerre ne reposait sur rien, ou si, sur de pieux mensonges. Les soldats gardent une part d'humanité qu'à leur retour on semble leur retirer ; Mais lorsqu'ils tirent sur des civils, juste par peur ou par ordre, la plume de l'écrivain témoigne encore d'une note de poésie et de magie. L'oeuvre d'un grand écrivain. Peut-être ne sera-t-elle qu'une unique oeuvre dans la vie de cet ex-soldat, mais celle-ci est tellement forte qu'il ne faudrait pas détourner les yeux.
Lien : http://leranchsansnom.free.f..
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Ce livre, c'est le témoignage d'un soldat rescapé de la guerre en Irak. Il y a vu mourir dans d'atroces circonstances son ami Murph, seulement âgé de 18 ans. Or, l'auteur avait promis à la mère de son camarade de le ramener sur le Nouveau Continent "en un seul morceau". L'auteur a choisi d'alterner le récit de la guerre en elle-même et des instants vécus alors qu'il est de retour en Amérique.

J'ai trouvé ce livre simplement bouleversant. J'ai aimé le parti pris de Kevin Powers de faire des flash-backs, de nous transporter de l'Irak aux Etats-Unis à chaque nouveau chapitre. En fait, cela évite tout suspense morbide puisque que l'on sait dès le début que Murph va périr, là n'est pas l'intérêt du récit. J'ai également beaucoup apprécié le dépouillement du livre, on se centre vraiment sur un petit nombre de personnages : l'auteur bien sûr, Sterling, Murphy... le superflu est éliminé, on a peu d'informations sur chacun des personnages. On observe ainsi mieux les ravages de la guerre sur l'esprit de ces trois jeunes hommes, comment elle les transforme de façon différente. Je trouve que l'écrivain a vraiment su aborder son histoire avec la bonne distance, juste assez de détachement, de recul pour ne pas tomber dans le pathos sans non plus être dans un récit froid et clinique. On voit comment le soldat essaie de tenir, se raccroche à des petites choses. Powers n'est pas dans le patriotisme fanfaronnant, il se demande souvent ce qu'il fait là, quel est le but de cette guerre, est-ce que ça en vaut la peine. Pourtant chaque fois que les tirs de mortiers retentissent il prend son fusil et tire sur tout ce qui s'apparente à un "hadji". Aveuglément, le corps secoué de tremblements, il tire, il tue et accomplit son devoir. Il ne veut pas perdre les pédales, veut sortir vivant de cette guerre qui le déglingue pourtant un peu plus chaque jour, détruit tout ce qu'il est.

Bien sûr le récit est très dur. On voit comment des jeunes hommes, presque des adolescents, s'habituent à la mort, aux violences faites aux civils, s'endurcissent pour ne pas mourir. La relation entre Bartle et Murphy est très intéressante, ils s'attachent l'un à l'autre sans vraiment le montrer, Bartle sent que Murph est en train de perdre pied mais ne peut pas l'aider car lui même peine à tenir le coup.

Le livre montre également le très difficile retour à la vie civile d'un homme dévasté, transformé à jamais par l'Irak. Il se laisse complètement aller, ne vit plus, incapable de porter la mort de son camarade. Les remerciements et congratulations des gens le laissent indifférent, la vie continue autour de lui tandis qu'il reste bloqué à jamais à al Tafar. Sa promesse brisée l'observe, de même que les mensonges qui entourent cette guerre.

L'oeuvre est très touchante, c'est le genre de livre qui ne vous laisse pas pareil à celui que vous étiez quand vous l'aviez ouvert. On sait ce que l'on va y trouver et c'est tout le talent de l'auteur de nous surprendre, nous émouvoir. J'ai été surprise par la qualité de la prose de Kevin Powers : le texte est riche, magnifique. Les descriptions parviennent totalement à nous plonger dans la chaleur du désert, à nous faire respirer l'odeur âcre du sang et des cadavres en décomposition. le style est vraiment très beau, il y a quelques passages extrêmement poétiques. Parvenir à rendre sublimes de telles horreurs, je dis bravo. Ce que je retiens c'est une impression d'unité, de cohérence autour du livre. J'ai du mal à me souvenir de petits détails, de petites choses puisque l'ensemble m'a véritablement émue et remuée. Probablement l'un des plus beaux livres de guerres, un livre qui fait réfléchir sur les hommes et leur folie.
Lien : http://lantredemesreves.blog..
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Quelques années après avoir combattu en Irak, Kevin Powers livre donc ce récit romanesque du retour au pays d'un soldat. Parti pour al Tafar à 21 ans avec celui qui est devenu un ami pendant les classes, Murphy, Bartle raconte par fragments les événements qui ont précédés la mort de son compagnon et son retour au pays.
C'est sans ambages que Powers jette son lecteur dans l'Irak de 2004 et annonce d'entrée la mort à venir de Murphy et énonce, fataliste, ce que sont devenues ses croyances, superstitions ou espoirs :

« Il n'y avait pas de balle qui m'était destinée, ni à Murph, d'ailleurs. Nulle bombe ne nous était promise. N'importe laquelle nous aurait tués exactement comme elles ont tué les autres. Il n'y avait pas d'heure ni de lieux prévus pour nous. Je ne pense plus à ces quelques centimètres à gauche ou à droite de ma tête, ou à ces quelques kilomètres-heure de différence qui nous auraient placés précisément là où la bombe a explosé. Cela ne se produisit jamais. Je ne suis pas mort. Murph, si. Et même si je n'étais pas présent lorsque cela s'est passé, je crois sans l'ombre d'un doute que les sales couteaux qui l'ont poignardé s'adressaient à « qui de droit ». Rien ne faisait de nous des êtres d'exception. Ni le fait de vivre. Ni celui de mourir. Ni même celui d'être ordinaires. »

Et de dérouler le fil des jours. La peur constante. de mourir en Irak. de vivre en Amérique. Car si Murphy est bel et bien mort à al Tafar, on ne peut pas vraiment dire que Bartle soit vivant à Richmond.
Et c'est avec une plume poétique et trempée à l'encre du spleen qui habite entièrement Bartle que Kevin Powers raconte la formation – expéditive – des jeunes soldats, la peur et cette manière d'agir comme des automates sur le terrain, la démobilisation plus expéditive encore que la formation et, surtout, l'impossibilité de partager son expérience au retour ; le soulagement et la honte qui l'accompagne, la culpabilité.

On dit généralement que le Viêtnam correspondait à la perte de l'innocence de l'Amérique. Cette innocence, l'Amérique a tenté de la retrouver dans les années 1980-1990 avec en point d'orgue la première guerre d'Irak dans laquelle elle retrouvait, à la tête de la coalition venu en aide au Koweït, l'apparence du meneur d'une guerre juste. Et, en fin de compte, ce que nous montre Kevin Powers, né en 1980, c'est comment sa génération élevée au lait de ces années l'a de nouveau perdue dans les conflits post-11 septembre 2001 et aussi (surtout ?) comment elle a été sacrifiée.
Roman intime qui ne verse jamais dans la démonstration ou la dénonciation, Yellow Birds est un roman de deuil d'une fort belle justesse.

Lien : http://www.encoredunoir.com/..
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Bartle 21 ans, s'est engagé dans l'armée, comme Murphy, ils deviendront inséparables.
Avant leur départ pour al Tafar en Irak, Bartle promet à la mère de Murphy de le ramener vivant. Promesse terriblement lourde, qu'il n'arrivera pas à tenir et qui restera dans sa mémoire toute sa vie.

Dans une belle écriture, le narrateur Bartle, nous fait vivre cette guerre d'Irak sous le commandement du sergent Sterling, le quotidien de ces soldats exposés constamment aux dangers, le changement qui s'opère en eux, jusqu'à ne plus pouvoir retourner à la vie civile.

"Dans les ruelles en dessous de nous, près de la rive et dans l'encadrement des fenêtres au-dessus de nos têtes, nous distinguâmes des canons de fusil et des mains. le vrombissement dans ma tête devint oppressant. Je ne parvenais pas à entendre les balles qui fusaient, mais je les sentais quand elles transperçaient l'air près de moi. le combat se déroula sans bruit dans le brouillard confus, comme si nous étions sous l'eau."

Un témoignage époustouflant à garder précieusement.
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Bartle, jeune homme en quête de repères n'a pas de perspectives d'avenir, bien décidé à changer les choses il quitte le domicile familial contre l'avis de sa mère pour s'engager dans l'armée. Il y trouve un monde rassurant, un monde où il n'a pas de décision à prendre, pas de choix à faire. Il se lie d'amitié avec Murph, un garçon un peu plus jeune que lui.


Très vite les choses tournent au vinaigre quand les deux jeunes comprennent qu'ils vont partir faire la guerre en Irak. Lors d'une soirée organisée avec les familles juste avant le départ, Bartle fait l'erreur de promettre à la mère de Murph qu'il ramènera son fils vivant d'Irak. Nous découvrons alors l'enfer du champs de batailles avec ces massacres, ses exactions d'un côté comme de l'autre.


Ce roman poignant alterne les scènes de guerre parfois à la limite du soutenables et les conséquences que le conflit a eu sur la vie de Bartle, un roman qui dénonce l'absurdité de la guerre. La guerre décrite comme un personnage ayant sa volonté propre. " La guerre prendrait ce qu'elle pourrait . Elle était patiente. Elle n'avait que faire des objectifs , des frontières. Elle se fichait de savoir si vous étiez aimé ou non . La guerre s'introduisit dans mes rêves cet été là, et me révéla son seul et unique but : continuer, tout simplement continuer. Et je savais qu'elle irait jusqu'au bout." Les soldats y sont décrits comme des morts en sursis qui ne se sentent vivants que lorsqu'ils voient tomber un camarade, ils ne se sentent vivants qu'en réaction à la mort qui frappe à côté d'eux. Ceux qui en reviennent ne sont plus que des coquilles vides seulement animées par la force de l'habitude et qui vivent dans le cauchemar de leur souvenir. Un très beau roman, très émouvant, perturbant.
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Encore une chronique littéraire cette semaine, histoire d'écluser un peu les romans du premier semestre 2013 avant que je ne sois noyé ( pour mon plus grand plaisir, il va sans dire) par les romans de la rentrée de septembre.

Ce roman, je ne pouvais pas ne pas vous en parler, tant c'est sûrement un des livres les plus forts que j'ai pu lire cette année, alors même, u'au départ, je ne misais pourtant pas énormément dessus.

En effet, si vous savez peut-être, car je l'ai déjà dit lorsque j''ai parlé des films de ce genre là , je ne suis pas forcément passionné par les récits de guerre, loin s'en faut, alors même que ce genre a pourtant donné lieu à d'incontestables réussites,reconnues, par la grande majorité des observateurs, comme de très grandes oeuvres cinématographiques ou littéraires sur le sujet.

Mais si je vous avais parlé de mon peu de goût pour ce genre, je ne vous en avais pas jusqu'à présent donné les raisons.

Eh bien, aussi étrange que cela puisse paraitre, figurez vous qu'elles remontent à loin : en effet, un de mes meilleurs amis d'enfance, celui avec qui j'ai passé pratiquement une bonne partie de mes années de eunesse, disons, de 8 à 14 ans, était un gosse véritablement dingue d'armée et de tout ce qui touchait de près ou de loin aux militaires, et passait pratiquement toutes ses journées à me raconter les exploits du général Patton ou de Napoléon à Waterloo.(euh oui, ca existe, je vous assure)..

Et moi, dont le père était pourtant un antimilitariste convaincu, et qui avait pris de lui ce coté quand même super pacifique, j' écoutais sans ciller ces récits, mais jusqu'à en être dégoutés, surtout quand l'ami en question s'est engagé dès l'âge de 16 ans et s'est mis à m'envoyer des photos de lui où il posait devant le drapeau français.

Bref, j'en ai conservé une petite aversion contre les histoires militaires, mais je suis obligé de reconnaitre que dernièrement j'ai un peu changé d'avis, grâce à une oeuvre littéraire, qui est un véritable petit miracle littéraire.

Ce roman c'est Yellow birds, il est l'oeuvre d'un jeune américain, Kevin Powers qui est parti de sa propre expérience pour tisser un récit largement inspiré de ses souvenirs personnels. En effet, Powers est un ancien marine, engagé dans les marines dès l'âge de 17 balais, et qui a fait la guerre contre l'Irak pendant deux années, en 2004.


Son "Yellow Bird" ( le nom d'un chant de ralliement que les soldats chantaient là bas) se passe d'ailleurs en Irak, et fait des allers retours aux Etats Unis, où le héros de l'histoire est revenu, avec le quoditien de cette guerre en Irak qu'il n'a jamais vraiment réussi à quitter, d'autant plus que son meilleur ami, Murph, est mort au front, alors même qu'il lui avait fait la promesse de le ramener au pays sain et sauf.

C'est donc un roman qui dit plein de choses, mine de rien, des choses essentielles comme par exemple sur le poids de la culpabilité qu'on porte en soi quand un ami meurt en notre présence, mais aussi sur l'horreur et les absurdités de la guerre, les traumatismes énormes qu'elle engendre, consciemment ou non.

Cela pourrait être terre à terre et ultraréaliste (ce que je reproche un peu au Soldat Ryan de Spielberg, un des grands films dont je parlais au début de mon billet), c'est, au contraire, une oeuvre pleine d'humanité, de lyrisme et de poésie.

Et surtout, il donne l'impression qu' aucune de ses phrases ne semble être laissée au hasard, toutes étant tellement pleines de sens et de portée philosophique et presque métaphysiques.

Et le récit, à la chronologie éclatée, se lit avec un vrai plaisir, captivés que nous sommes par ce récit intense et brûlant. Ce livre a été couronné comme meilleur roman étranger par le Journal le monde, cela m'a semblé être totalement méritée, foi d'un anti livre de guerre assumé!!!
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Un témoignage poignant fourni par un jeune écrivain déjà vétéran de la guerre en Irak. Il décrit comment cette sale guerre a détruit deux jeunes Américains - qui s'étaient engagés sans réaliser dans quelle situation ils se mettaient - en quelques mois, à force de peur, de brutalités commises sur les populations, de visions de mort... Il montre aussi comment l'armée américaine contrôle et tient en main ses soldats, y compris après leur engagement, et comment ils doivent "montrer patte blanche" pour pouvoir être relâchés dans la vie civile. Je recommande sa lecture à tous ceux qui veulent comprendre ce que signifie la guerre en Irak, en Afganistan ou au Mali et qui ne se contentent pas des images édulcorées fournies par les services de communication des armées !
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