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Critique de kielosa


Ou la saga d'un livre. Pas n'importe quel livre, un lauréat du Prix Nobel 1958 et l'inspiration d'un des 10 plus grands succès du grand écran :
"Le Docteur Jivago" de Boris Pasternak (1890-1960).

Je savais que la publication de ce roman n'avait pas été particulièrement simple par la lecture d'un ouvrage par le fils de l'homme italien qui en a été, en fait, à l'origine, Giangiacomo Feltrinelli. La famille Feltrinelli appartient avec les Agnelli de Fiat et les Motta des "gelati" aux familles les plus fortunées d'Italie. Giangiacomo (1926-1972) a été cependant communiste convaincu et a comme éditeur réussit à importer le manuscrit du chef-d'oeuvre de Pasternak chez lui, en Italie, et l'y publier comme primeur au monde.

Les Russes devront attendre l'arrivée de Gorbatchev et sa perestroïka pour pouvoir lire, en 1985 finalement, ce monument de la littérature russe en leur propre langue.
Pour plus de détails, je me permets de vous renvoyer à ma critique du 25 mai 2017 du livre de Carlo Feltrinelli "Senior Service".

La lecture de ce livre a fait que j'ai mis l'ouvrage de Lara Prescott dans ma pile de livres à lire, où il est resté trop longtemps.
J'avoue volontiers que j'ai eu tort, car l'auteure ajoute au volet italien de la saga, une dimension politique étonnante et une triple histoire d'amour.

À travers son héroïne Irina Drozdova, une simple dactylo à la CIA d'origine russe, mais née aux États-Unis, l'auteure fait figurer l'oeuvre de Pasternak comme une arme de l'Occident contre l'URSS, qui considérait certains passages du docteur Jivago absolument inadmissibles et foncièrement contraires aux réalisations merveilleuses de la révolution bolchevique.

Si Irina, nom de code Nancy, est un personnage fictif, parmi les gens qui l'entourent dans le récit il y a des personnages qui ont vraiment existé, tel Teddy, en réalité Richard Helms (1913-2002), directeur de la CIA de 1966 à 1973 et ambassadeur en Iran de 1973 à 1976, et Frank Wisner (1909-1965), directeur à la planification de la CIA de 1951 à 1959.

J'ai bien aimé la façon dont ces braves gens de l'agence de sécurité américaine s'y sont concrètement pris pour duper leurs adversaires du KGB, selon Prescott. À cet égard, la distribution d'exemplaires du roman en russe à des citoyens russes par une Irina déguisée en bonne soeur catholique lors de l'Exposition universelle à Bruxelles de 1958 constitue un moment fort du roman.

Sur cette aventure d'espionnage en pleine guerre froide, se greffent 3 histoires romantiques : la liaison entre Irina et Teddy, entre Irina et sa séduisante collègue Sally Forrester et surtout le grand amour entre Boris Pasternak et sa muse, Olga Ivinskaïa (1912-1995), qui a inspiré le personnage de Lara dans le chef-d'oeuvre littéraire du maître. Rôle interprété à l'écran par Julie Christie à côté d'un Omar Sharif comme docteur Youri Jivago et Géraldine Chaplin comme Tania Jivago dans la version cinématographique mémorable de David Lean de 1965.

Je signale que la fille de cette Olga, Irina Emélianova (née en 1938), qui ai été envoyée au Goulag avec sa mère pour "trafic de devises" - ces devises étant les droits d'auteur que Feltrinelli avait clandestinement payés à sa mère - a écrit d'intéressants mémoires : "Légendes de la rue Potapov" parus en 2002.

Lara Prescott, au beau prénom, a réalisé avec cet ouvrage une prouesse : un roman passionnant dans un cadre géographique et historique authentique, superbement documenté avec des personnages convaincants et attachants. Un exploit d'autant plus impressionnant qu'il s'agit d'une première oeuvre.

Grâce à cette performance, j'ai terminé l'année 2022 en beauté.
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