AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Jean Sgard (Éditeur scientifique)Philip Stewart (Éditeur scientifique)
EAN : 9782843210570
1152 pages
Les Editions Desjonquères (19/09/2003)
3.6/5   10 notes
Résumé :
Ce roman raconte les aventures de Fanny et de Cleveland, unis par un amour fou, immense, fusionnel, confronté aux intrigues, aux coups du sort, aux malentendus. Leur rencontre s’est faite dans la pénombre d’une grotte d’Angleterre où Cleveland, bâtard de Cromwell, a fui le tyran. Leurs aventures se développent d’un continent à l’autre, au long d’un enchaînement d’aventures inouïes, car Prévost a le don, comme Alexandre Dumas, de raconter inlassablement l’impossible,... >Voir plus
Que lire après ClevelandVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
L'abbé Prévost (dit d'Exiles) est actuellement pour ainsi dire exclusivement connu en tant qu'auteur de L'histoire de chevalier des Grieux et de Manon Lescaut. Il a pourtant écrit énormément, en particulier un certain nombre de romans que l'on range dans la catégorie de romans mémoires, censés raconter à la première personne le vécu du personnage principal, apportant de cette manière une sensation de sincérité et véridicité au lecteur. Cleveland ou le philosophe anglais appartient à cette catégorie. Un sous titre donne à Cleveland le titre de « fils naturel de Cromwell » ancrant le roman encore davantage dans l'histoire de son temps.

Le roman, très long (2400 pages environ dans l'édition original) a connu une longue gestation. Les sept premiers tomes paraissent en 1731 et 1732, puis Prévost est occupé par d'autres oeuvres (dont Manon Lescaut) et laisse pendant plusieurs années Cleveland. Un éditeur désireux de tirer profit du succès du roman va même commanditer une suite à un autre écrivain. Mais Prévost se remet à son texte, et la fin de roman paraît en 1738. le livre a eu un grand succès, et des lecteurs célèbres : Rousseau confesse d'avoir beaucoup pleuré à sa lecture. En effet, le roman joue énormément sur le registre du pathétique, très apprécié à l'époque de sa parution. L'auteur affiche clairement cette orientation, parle de « progrès sans fin de l'infortune ». C'est un roman d'une destinée malheureuse, qui cherche à émouvoir le lecteur.

Il est très difficile de donner un résumé de ce texte, très long, qui renoue en quelque sorte avec la tradition du roman baroque, sans trame narrative claire, qui se perd dans des récits concernant des personnages secondaires, et qui ne recherche pas la vraisemblance. le personnage principal est comme l'indique le sous-titre un fils naturel de Cromwell, dépeint comme une sorte de mal absolu. Et il persécute et cherche à se débarrasser de ce fils encombrant, dont l'existence, si elle était révélée risquerait de nuire à sa réputation et miner sa crédibilité. Cleveland va d'ailleurs dans ses pérégrinations rencontrer un autre fils naturel de son père, Bridge, qui aura eu la même expérience cruelle de leur père. Pour échapper à Cromwell, la mère de Cleveland se réfugie avec son fils dans une grotte, dans laquelle elle va l'éduquer en philosophe, lui enseignant des préceptes et maximes tirées de livres, dans une coupure radicale avec le monde et les hommes. Cleveland va rencontrer toutefois dans cette caverne une autre famille, celle de lord Axminster, lui aussi en butte aux persécutions de Cromwell. Cleveland va tomber amoureux de Fanny, sa fille, et tout ce petit monde (la mère de Cleveland est décédée) va quitter la caverne pour se mettre au service du roi Charles II en exil en France. Les choses paraissent s'arranger, lord Axminster est d'accord pour le mariage entre Cleveland et sa fille, le roi paraît le favoriser, mais le destin hostile prend le visage du grand-père maternel du jeune homme, qui voudrait lui faire épouser une autre femme, et fait croire à la famille Axminster que c'est le désir de Cleveland. le lord et sa fille partent en Amérique, pour tenter d'apporter du soutien au roi. Cleveland va se lancer à leur poursuite, et après bien des vicissitudes les retrouver, et épouser Fanny. Toutefois, ils perdent la trace du lord Axminster, et Fanny est dévorée par la jalousie pour Madame Lallin, la femme que le grand-père de Cleveland voulait lui faire épouser. La fille première née du couple est prise et amenée par des Indiens, ses parents la croient morte, et les retrouvailles avec le lord se terminent par sa mort. Ce qui reste de l'expédition se retrouve à la Havane, mais Fanny de plus en plus certaine de la trahison de Cleveland, fuit, trompée et poussée par un certain Gelin, un ami du demi-frère de Cleveland, qui est amoureux d'elle. Cleveland rentre en France avec ses deux fils, il est dévoré par le chagrin et n'échappe que de peu à un suicide. Il retrouve goût à la vie grâce à l'amour d'une jeune fille, Cécile. Pour pouvoir l'épouser, il envisage de divorcer avec Fanny, réfugiée dans un couvent. Elle consent, mais des révélations inattendues vont se faire jour : Fanny a toujours été fidèle à Cleveland, et Cécile est leur fille, qu'ils croyaient morte. La famille va pouvoir se reconstituer, mais les jours heureux n'arrivent toujours pas. Malgré une aisance matérielle, Cleveland ne trouve pas le bonheur et se coupe de plus en plus de ses proches. Fanny se convertit au catholicisme, Cécile meurt de consomption. Cleveland balance lui-aussi à chercher la paix dans la religion.

Au-delà de cette trame très romanesque et pathétique, le roman traite de la question de la philosophie, comme le titre le suggère d'amblé. Cleveland est élevé par sa mère dans des principes philosophiques. Ces principes, plutôt qu'une doctrine, sont plutôt un art de vivre, un idéal de sagesse vécue. Mais cette philosophie montre ses limites : même si extérieurement Cleveland a des comportements dignes et respectables, intérieurement sa philosophie ne lui permet pas de surmonter les épreuves qu'il traverse. Une approche rationaliste de la maîtrise des passions ne lui permet pas de trouver le bonheur. Cleveland se montrer aveugle aux souffrances et sentiments des gens qui lui sont les plus proches, les rend malheureux, et ils s'éloignent de lui, bien qu'il ait l'impression d'adopter les attitudes et comportements les plus raisonnables.

De la même manière les tentatives utopiques expérimentées dans les territoires lointains tournent au désastre. La société bâtie par les protestants français en fuite tourne au cauchemar. L'idée d'une société fondée sur des principes justes et droits qui permettraient de vivre d'une manière meilleure sont un échec. Prétendre gouverner les être humains réels par des théories, des principes abstraits, ne fonctionne pas. le fait d'ignorer les aspirations individuelles, par exemple le désir amoureux, abouti à la violence et fait voler en éclat la société prétendument idéale.

Dans les deux cas, le primat donné à la raison mène à l'échec : l'homme ne peut faire abstraction de ses sentiments et désirs, tout un pan irrationnel de son être ne peut être ignoré.

C'est une lecture au long cours, qui malgré des aspects datés reste assez prenante, Prévost maintient habillement le suspens, est un conteur d'une grande efficacité, au point de faire accepter des invraisemblances et quelques longueurs. A découvrir par les lecteurs intéressés par la littérature du XVIIIe siècle.
Commenter  J’apprécie          316
Quelle merveille que ce roman, cette vie, ce parcours! Dire que tous parlent de Manon Lescaut - qui est un petit livre - alors que Prévost a écrit Cleveland, une des très grands romans français, et si peu lu......
Commenter  J’apprécie          50

Citations et extraits (5) Ajouter une citation
Le papier n'est point un confident insensible, comme il le semble : il s'anime en recevant les expressions d'un coeur triste et passionné; il les conserve fidèlement, au défaut de la mémoire; il est toujours prêt à aller representer; et non seulement cette image sert à nourrir une chère et délicieuse tristesse, elle sert encore à la justifier.
Commenter  J’apprécie          10
Les hommes savent-ils ce qu'ils désirent, lorsqu'ils se proposent des contentements de leurs choix? Ce qui leur paraît le plus propre à faire leur bonheur se change pour eux en une source d'infortunes et de misères. Ils abandonnent un repos assuré dont ils se lassent par inconstance.
Commenter  J’apprécie          10
Mais de quoi les passions ne nous rendent- elles pas capables lorsque nous leur abandonnons l'empire de notre coeur.
Commenter  J’apprécie          10
Quel est le malheur d'un coeur droif et genereux, de n'avoir que des paroles pour s'exprimer, c'est à dire un moyen dont l'ingratitude abuse, et que la perfidie même peut tourner à ses usages !
Commenter  J’apprécie          00
On n'est point si exact à examiner les voies du salut, quand on se propose la mort comme dernière ressource.
Commenter  J’apprécie          00

Videos de Abbé Prévost (3) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Abbé Prévost
Antoine-François Prévost naît en 1697, sa jeunesse aventureuse est peu connue. Ordonné prêtre, il publie les deux premiers tomes des « Mémoires et aventures d'un homme de qualité ».
Il « rompt ses voeux » et s'enfuit à Londres, puis en Hollande et tombe amoureux d'une courtisane, Lenki Eckhardt. C'est à cette époque, que paraît le septième tome « des Mémoires et aventures d'un homme de qualité », qui raconte l'histoire de Manon Lescaut et de Des Grieux. Criblé de dettes, Prévost revient en France. Il entre au service du prince de Conti en tant qu'aumônier, tout en continuant d'écrire. Il meurt en 1763 en Picardie.
Pour en savoir plus : https://LLS.fr/CL2Video
+ Lire la suite
autres livres classés : 18ème siecleVoir plus
Les plus populaires : Littérature française Voir plus


Lecteurs (40) Voir plus



Quiz Voir plus

Les Chefs-d'oeuvre de la littérature

Quel écrivain est l'auteur de Madame Bovary ?

Honoré de Balzac
Stendhal
Gustave Flaubert
Guy de Maupassant

8 questions
11132 lecteurs ont répondu
Thèmes : chef d'oeuvre intemporels , classiqueCréer un quiz sur ce livre

{* *}