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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Le titre annonce la couleur. le départ d'Albertine connu dès la fin du tome précédent est effectif. Et Marcel, bien entendu, brûle de qu'il a adoré autant qu'il adore ce qu'il a brûlé, encore très ambivalent en ce qui concerne ses sentiments vis à vis de la demoiselle, qui fluctuent en fonction de ce qu'il croit devoir imaginer des trahisons amoureuses qu'Albertine lui a fait subir, à force de mensonges mal construits.

Mais ce tome, qui ne manque pas de longs passage introspectifs, offre tout de même pas mal de surprises, de faux départs et de quiproquo, l'auteur semblant s'amuser de bousculer autant son narrateur que son lecteur.

On y reverra des personnages croisés naguère, qui fêteront surface sous de nouvelles identités…Suspens garanti.

Pour se consoler de ces événements malheureux, Marcel part pour Venise en compagnie de sa mère. Très belle évocation de la cité des Doges, que le jeune homme quittera, semble t-il débarrassé de ses fantômes amoureux.

Avant dernier tome de la série, où la complexité du narrateur apparaît dans toute sa splendeur, la maturité du raisonnement contraste la mauvaise foi des émotions.

Lien : https://kittylamouette.blogs..
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Ce sixième volume de « La Recherche » est divisé en quatre parties .La première centrée sur le départ puis la mort d'Albertine est un long requiem , le narrateur y analyse minutieusement les effets du deuil de leur paroxysme jusqu'à leur début d'affaiblissement. S'y mêle comme un prolongement posthume de sa jalousie obsessionnelle ,une plongée dans le passé de la disparue marquée par un érotisme morbide . Dans la deuxième partie l'oubli d'Albertine se double de la résurgence d'un ancien amour à travers la rencontre de Gilberte Swann dont la mutation en Mlle de Forcheville relance le thème du changement. de même dans la troisième partie consacrée au séjour à Venise pour laquelle le narrateur passe de l'éblouissement au dégoût (Ce passage fut une étrange expérience pour moi car lors de mes lectures précédentes ,je n'étais jamais allé à Venise). La dernière partie centrée sur le mariage de Gilberte et Saint-Loup accentue encore le thème de l'impermanence : tout change, le statut social ou sexuel ,le regard des autres , et la perception du passé (comme en témoigne le retour à Tansonville et son sentier aux aubépines) . S'annonce ainsi le bouquet final du « Temps retrouvé » consacrant la subtilité de l'architecture de l'oeuvre qui sous une apparence désordonnée trace tout un parcours d'échos et de reflets telle une Venise littéraire.
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Albertine, retenue « prisonnière » dans le roman précédent, s'est enfuie « avec ses malles » et le narrateur va devoir faire le deuil de son amour d'abord, puis le deuil à proprement parler d'Albertine avec tout ce que cela comporte de jalousie rétrospective.
D'abord il se comporte en amoureux maladroit en envoyant Saint-Loup espionner la belle toujours soupçonnée de saphisme chez les Bontemps, puis une erreur de son ami Bloch plaidant sa cause auprès de cette même famille et, pour couronner l'ensemble, il a des ennuis policiers, pour avoir invité chez lui, une petite fille pour se consoler et à laquelle il a donné cinq cent francs.

« Il y a des moments dans la vie où une sorte de beauté naît de la multiplicité des ennuis qui nous assaillent, entrecroisés comme des leitmotive wagnériens… »

Dès lors, on assiste à une sorte d'enquête du narrateur, une recherche du passé au présent qui doit déboucher sur l'avenir. C'est aussi le temps des retrouvailles avec Gilberte, à présent Mlle de Forcheville, Odette s'étant remariée après la mort de Swann. le temps de la revanche a en quelque sorte sonné pour Gilberte, méprisée dans les salons et notamment celui des Guermantes pour être la fille du « juif Swann. » Petit à petit, elle conquiert le monde et bien sûr, son mariage avec Saint-Loup n'y est pas étranger.
On peut établir, puisque le narrateur le permet, un parallèle en négatif dans sa relation entre lui et Albertine avec celle de Swann et d'Odette. Swann avait gardé Odette jusqu'à sa mort et la voyait chez elle tandis que le narrateur a retenu Albertine chez lui et elle s'est enfuie.

« Car bien souvent pour que nous découvrions que nous sommes amoureux, peut-être même pour que nous le devenions, il faut qu'arrive le jour de la séparation. »

Il continue néanmoins à se faire du mal après cette rupture pour le moins définitive. Il envoie des enquêteurs et on lui rapporte ce qu'il pensait d'Albertine mais souvent en pire. Sont-ce des ragots ou pas ? Il développe aussi cette interrogation se consolant avec Andrée par exemple. Commence alors une longue méditation sur les mensonges des uns et des autres, que ce soit les amours cachées d'Albertine ou le mépris affiché puis « réparé » de la duchesse de Guermantes envers sa mère.
Il se console aussi à Venise dans un voyage avec sa mère. Tout dans la ville lui rappelle Combray « en plus lumineux ». Il s'évade seul dans les rues, pris par la beauté de la ville que ce soit l'architecture, les peintures où il retrouve par exemple certains manteaux à la mode dans un tableau de Carpaccio - qui lui rappelle Albertine bien sûr – et les jeunes filles même, « une jeune marchande de verrerie à la carnation de fleur » :
« La beauté de ses dix-sept ans était si noble, si radieuse, que c'était un vrai Titien à acquérir avant de s'en aller. »

Revenu de Venise, le narrateur retrouve Gilberte devenue Mme de Saint-Loup et qui se plaint des tromperies de son mari et l'homosexualité de Robert de Saint-Loup est révélée. Une fois encore, le narrateur revient en arrière, rassemblant les indices qui iraient dans ce sens :

« Je me rappelai que le premier jour où j'avais aperçu Saint-Loup à Balbec, si blond, d'une manière si précieuse et rare, contourné, faisant voler son monocle devant lui, je lui avais trouvé un air efféminé, qui n'était certes pas l'effet de ce que j'apprenais de lui maintenant, mais de la grâce particulière aux Guermantes, la finesse de cette porcelaine de Saxe en laquelle la duchesse était modelée aussi. »

De même, Gilberte lui avoue qu'elle l'a aimé au premier regard et il s'imagine qu'Albertine ressuscitée lui eût dit la même chose.

Encore une fois, on ne le répétera jamais assez, chacun peut se retrouver dans Proust. Françoise Sagan, paraît-il, conseillait dans son « ordonnance de lecture », de lire Albertine disparue, pour soigner les chagrins d'amour. On sourit souvent, en effet, de ce retour en amnésie.
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Difficile et paradoxal de commencer la Recherche du Temps perdu par Albertine disparue, mais c'est pourtant ce que j'ai dû faire l'année de ma khâgne, l'oeuvre étant au programme de lettres - même si je lisais en parallèle les autres tomes, pour ne pas passer à côté des références. Mais c'est ce qui explique que ce soit le tome que je maîtrise le mieux, et que j'apprécie le plus aussi.
Albertine disparue est le roman de l'absence, une trahison qui devient un deuil puis un oubli progressif. Albertine n'est plus là, Albertine n'est plus, mais elle reste présente dans l'esprit du Narrateur, et donc dans tout le livre qui s'érige comme un tombeau à sa mémoire. Les pages sur le deuil, sur le processus de deuil plus exactement, sont magnifiques et bouleversantes - alors que dans les tomes précédents les états d'âme du Narrateur me laissent parfois un peu ennuyée. Quelle justesse de l'analyse, quelle beauté de la période proustienne pour décrire de façon ciselée les sentiments.
C'est aussi un tome sur la déception, ou plutôt sur le charme du mystère qui perd son charme lorsqu'il est défloré : plus Marcel en apprend sur Albertine, plus il se détache d'elle, plus il découvre Venise, moins il rêve.
Derrière les fantasmes, le cloaque de la réalité empoisonne l'air...
Un tome charnière d'un point de vue de l'intrigue et de l'analyse psychologique des sentiments.
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« Mademoiselle Albertine est partie », « Mademoiselle Albertine a demandé ses malles, Mademoiselle Albertine est partie »... Ces mots résonnent comme un glas dans le coeur du narrateur. Albertine l'a quitté et il commence à réaliser que sans elle rien ne sera plus comme avant. Surtout ses habitudes seront chamboulées. Mais il ne doute pas que malgré la lettre d'adieu de la jeune fille, et sa décision irrévocable, que le soir même elle sera de retour dans sa chambre. Il croit dur comme fer ce retour imminent.
Mais il est loin de se douter à ce moment précis qu'il ne la reverra ni ce soir ni jamais.
Il envoie Saint-loup en émissaire chez Mme Bontemps. Il rate sa mission et le narrateur est furieux.
Albertine ne reviendra pas, elle lui fait bien savoir qu'il n'avait qu'à lui demander lui-même plutôt que de passer par des intermédiaires.
Comme d'habitude le jeune homme est ambigu. Il voudrait qu'Albertine revienne et puis il se ravise, et change encore d'avis, allant même jusqu'à lui écrire qu'Andrée va venir prendre sa place.

Deux télégrammes se croisent. Dans l'un Albertine lui demande expressément si elle peut revenir auprès de lui. Un autre de Mme Bontemps l'informe de la mort accidentelle d'Albertine.
Le narrateur est choqué par cette annonce brutale. Il s'enferme dans sa chambre, ne voulant plus voir la lumière du jour. Il replonge dans ses souvenirs heureux ou tristes et dans sa jalousie toujours présente. Ses soupçons reprennent toute leur importance et ont pour effet de raviver sa souffrance.
Albertine a t-elle menti et trahi ? Il envoie Aimé faire une enquête qui lui confirme le libertinage d'Albertine qui, effectivement, " avait ces goûts " pour les femmes. Andrée aussi finira par avouer qu'elle était sa maîtresse.

Il faudra du temps et le fameux voyage vénitien avec sa mère pour presque effacer totalement de sa mémoire le souvenir d'Albertine. Et finalement dans ses souvenirs elle est grosse et moche.
Comment peut-on dire avoir aimé une personne pour ensuite ne plus lui trouver aucun charme ? Pour s'éviter la souffrance ?

Je n'ai pas plus apprécié le narrateur dans ce volume-ci que dans le précédent. Plus on le connaît plus ses défauts se précisent. Il est capricieux comme le gamin gâté qu'il est resté, narcissique, manipulateur et rigide. En plus de ça n'aime que les toute jeunes filles qu'il peut mieux contrôler.
Je reste par ailleurs très soupçonneuse par rapport à la scène où il ramène et paye une petite fille chez lui pour la bercer sur ses genoux.
Bref cette scène m'a conforté dans l'opinion que j'avais déjà de lui.

Une autre peine attend le narrateur. le mariage de Robert de Saint-Loup avec Gilberte Swann ( désormais Gilberte de Forcheville, celui-ci ayant adopté Gilberte à la suite de son mariage avec Odette). Robert n'a pas daigné informer son ami de ce mariage - conclu pour l'argent de Gilberte dont il peut disposer à sa guise.
Le narrateur, de surcroît bien naïf, apprend des mauvaises langues que Robert a le même vice que son père et l'oncle Charlus. Il aime les hommes. Morel est son amant. le même Morel qui fut l'amant de Charlus, d'un tas d'autres, d'Albertine aussi. Ce même Morel qui attirait auprès de lui des jeunettes dont disposait ensuite Albertine. Décidément ce Morel fait parler de lui et il a un grand succès !

Robert de Saint-Loup se désintéresse du narrateur après son mariage avec Gilberte. Il ne peut plus être ami avec lui. Est-ce à cause de sa nouvelle situation ou un peu ausssi à cause de la dernière conversation qu'ils ont eu dès son retour de Touraine, Robert ayant failli à sa mission et le narrateur ne lui cachant pas son mécontentement.

« Je suis ennuyé parce que je vois que tu n'es pas content.
– Si, je suis touché, reconnaissant de ta gentillesse, mais il me semble que tu aurais pu…
– J'ai fait de mon mieux. Un autre n'eût pu faire davantage ni même autant. Essaie d'un autre.
– Mais non, justement, si j'avais su, je ne t'aurais pas envoyé, mais ta démarche avortée m'empêche d'en faire une autre. »
Je lui faisais des reproches : il avait cherché à me rendre service et n'avait pas réussi.
( Citation du livre )

A la recherche du temps perdu, tome 6 : Albertine disparue ne fait pas partie de mes préférés. Je ne l'ai pas apprécié à sa juste valeur car il m'a plongée, je ne sais pourquoi dans une profonde mélancolie, peut-être à cause de la mort d''Albertine qui clôt un chapitre de l'histoire. C'est toujours triste de perdre des personnages auxquels on s'était attaché tels Albertine ou le charismatique Swann et de les voir tomber dans l'oubli.
Albertine était un personnage intéressant parce que son charme venait de son côté mystérieux. C'était une femme libre dont l'attitude était dictée par ses désirs et qui n'aurait jamais pu appartenir entièrement à un seul homme ou une seule femme.
J'en suis venue à regretter l'enchantement des premiers volumes, la douceur des nuits estivales de Balbec, la poésie dans les descriptions de Combray. J'ai eu l'impression que toute la beauté des débuts avait disparu, les épines roses défleuries à jamais remplacées par la tristesse, le chagrin, les pensées complexes et contradictoires du narrateur, la mort qui rôde, les personnages coupables de trahisons, la plupart d'entre eux n'étant pas ce qu'ils semblent être en apparence. Ils évoluent donc dans un monde de doute perpétuel.
En tout cas Marcel Proust réussit de façon magistrale à provoquer ainsi des réactions négatives ou positives de ses lecteurs.

Les dernières pages voient le narrateur en séjour avec Gilberte à Tansonville. le charme est rompu, il est déçu de ne pas éprouver plus de plaisir dans ces chemins empruntés plus d'une fois dans son enfance. N'étant pas profondément enfoui dans sa mémoire, le souvenir ne pouvait donc ressurgir et lui provoquer le même plaisir comme celui éprouvé après la madeleine trempée dans le thé. Sans compter que les souvenirs peuvent changer, disparaître ou se raviver.

" Et la troisième fois fut quand Gilberte me dit : « Si vous voulez, nous pourrons tout de même sortir un après-midi et nous pourrons aller à Guermantes, en prenant par Méséglise, c'est la plus jolie façon », – phrase qui, en bouleversant toutes les idées de mon enfance, m'apprit que les deux côtés n'étaient pas aussi inconciliables que j'avais cru. Mais ce qui me frappa le plus, ce fut combien peu, pendant ce séjour, je revécus mes années d'autrefois, désirai peu revoir Combray, trouvai mince et laide la Vivonne."
( Citation du livre )

Gilberte lui confie alors pourquoi elle avait eu, pour attirer son attention, un geste grossier qu'il avait mal interprété dans son enfance. Chose qui lui donnera matière à fantasmer à propos du donjon et des souterrains de Roussainville, de toutes ces choses qu'il a raté par incompréhension.

Avant-dernier volume terminé avec un peu de mal à réaliser que dans ce qui pourrait ressembler à l'ascension d'un sommet, j'en suis arrivée à l'étape de la redescente sans avoir rencontré de difficultés ni d'épuisement... mais que d'émotions !

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Avant-dernier tome de la Recherche du temps perdu, Albertine disparue clôt le long épisode de la vie commune du narrateur et d'Albertine qui a débuté dans la Prisonnière. Ce qui devait arriver arrive : Albertine s'enfuit un beau matin, forçant le narrateur à affronter l'angoisse de ce que son imagination lui suggère sur la façon dont elle doit employer sa liberté retrouvée. Dans un premier temps, le livre se focalise sur les manoeuvres contradictoires du narrateur pour la convaincre de revenir : envoi de lettres, d'émissaires, serment de n'y pas tenir plus que cela, humiliation servile jusqu'à promettre de se conformer désormais à ses volontés, ... le narrateur cherche à se convaincre entre les bras d'autres femmes qu'Albertine n'était pas différente de la première venue, en vain. Dans un second temps, alors que la disparition a pris une tournure irrémédiable, c'est l'expression d'un chagrin puissant et authentique particulièrement émouvant, les plus belles pages de l'oeuvre entière pour moi (dernier tome exclu), reflet en négatif d'un amour insoupçonné, ou plutôt refoulé, qui ne noie pas pour autant la volonté du narrateur de dévoiler la nature exacte des goûts d'Albertine.

Quête illusoire de la vérité dans une atmosphère de mensonge permanent où tout le monde trouve son intérêt à transformer, à enjoliver, à calomnier, à couvrir, où le narrateur va jusqu'à interroger la facilité avec laquelle telle information est révélée par rapport à telle autre, ou à confronter ses interlocuteurs à leurs contradictions d'une conversation à l'autre, contradictions qui, bien sûr, trouvent toujours une cause plausible. Et on se surprend soi-même, lecteur, à tenter de percer la vraie nature d'Albertine, alors que l'on associe initialement cette préoccupation au délire paranoïaque du narrateur dont l'enquête n'est qu'un symptôme, et dont l'enjeu nous échappe. Voilà en effet un garçon qui se met dans tous ses états, qui remue ciel et terre pour découvrir une bonne fois pour toutes si oui ou non, cette femme qu'il prétend n'aimer pas aime les femmes, en trouvant systématiquement le moyen de ne pas prendre les preuves pour ce qu'elles sont, et demeurer ainsi dans une incertitude éternelle …

Libéré de ses contraintes, le narrateur peut enfin réaliser ce fameux voyage à Venise tant attendu dans les tomes précédents, voyage qui occupe une place somme toute assez limitée (tout est relatif, bien sûr, on est chez Proust) par rapport au fantasme dont il a été l'objet. On aurait pu s'attendre à ce que Venise, soumise aux espoirs démesurés du narrateur, soit là encore l'objet d'une déception, à l'image de la Berma ; au contraire, et c'est tout le régal de la lecture de ne pas se voir imposer de portrait pessimiste de cette cité extraordinaire, on accompagne le narrateur pour se perdre dans les ruelles, retrouver un état de paix intérieure qui ne correspond pas à un effacement du souvenir d'Albertine, idée d'ailleurs longuement associée au détail d'une peinture, mais à la transformation progressive du narrateur en un être fondamentalement étranger au narrateur de la Prisonnière, qui regarde désormais la relation passée du même oeil qu'il regarde les relations présentes qui se nouent autour de lui, et où il n'a aucune part.

A ce titre, on retrouve le personnage longtemps délaissé de Gilberte, désormais devenue une jeune femme en âge de se marier, dont la fortune laissée par Swann annonce une union emblématique de l'argent et du nom comme il y en eut tant au début du siècle. On regarde avec ironie les vieilles familles antidreyfusardes de la première heure retourner leur veste, déployer des trésors d'imagination pour arranger, sans perdre la face, l'union de leurs rejetons avec des lignées nouvellement distinguées, certes vaguement juives, vaguement roturières, mais accessoirement riches. Il faut dire que ces lignées, à l'image de Gilberte, n'hésitent pas à renier leur naissance véritable pour favoriser l'élévation sociale. En dépit de ce côté détestable, Gilberte, sevrée de tous ces traits frivoles et manipulateurs qui la rendaient si pénible dans A l'ombre des jeunes filles en fleurs, retrouve le narrateur avec plaisir et évoque le passé avec lui au fil de leurs promenades, dans une clarification qui met en relief les quiproquos et les contresens où nous a induit jusque-là la subjectivité du narrateur de l'époque, et qui dévoile les ressorts d'une rencontre ratée.

A l'exception d'une courte apparition de M. de Norpois, fidèle à sa prétention grotesque et scrupuleusement erronée, qui porte à sourire lors de l'épisode de Venise, Albertine disparue est un ouvrage plutôt sombre et triste, où résonnent longuement les échos de la jalousie et du regret, mais dont les lourds nuages se dissipent presque insensiblement. Récit d'une convalescence laborieuse après les crises de la Prisonnière, il se ferme sur un constat en demi-teinte où ce sont le cynisme et le matérialisme qui apaisent sans totalement l'éteindre le souvenir ardent de l'émotion passée et qui rendent le goût de l'existence et de l'observation objective de ses contemporains au narrateur.
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Le premier chapitre de cet avant dernier tome de "La Recherche du temps perdu" fut difficile à lire. Après la fuite puis la mort d'Albertine, maîtresse du narrateur, ce dernier se lance dans un interminable ressassement du deuil et du chagrin, dans un long et parfois pénible monologue intérieur. Mais ce retour sur le temps des amours heureuses ou malheureuses nourrit la jalousie maladive du narrateur qui doute de tout, d'Albertine, de ses amis comme de lui-même. On en vient alors à douter de la mort de la fugitive.
Puis la tonalité du roman change dans sa deuxième partie. le deuil passé, le chagrin s'estompe, l'amour aussi, révélant l'implacable puissance de l'oubli.
Ce sixième tome permet de percevoir vraiment cette matérialité du temps chère à Proust grâce à la densité de l'oeuvre. Elle s'y exprime par le vieillissement des personnages (ceci n'a rien d'original) et surtout dans sa transcription des changements de perception des personnages (narrateur compris). le moi d'aujourd'hui n'est plus le moi d'hier, il ne voit plus comme lui, il n'aime plus comme lui, il ne pense plus comme lui.
Ce roman est enfin une sorte de cérémonial d'enterrement d'Albertine et de tous les amours du héros, lui permettant de clore le roman et de s'acheminer vers un temps retrouvé…
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Réjouissances ! Mon désaccord avec Marcel Proust aura été de courte durée !
Après La prisonnière qui reste mon tome le moins aimé pour l'instant, je replonge dans les délices de lire Proust.

Dans Albertine disparue, il est question de pertes ; perte d'un amour, perte d'une amitié ou de l'idée que l'on s'en faisait, fin d'une liaison. Il est question de chagrin, de deuil et d'oubli.
Comme je trouve Proust excellent lorsqu'il décrit la souffrance du deuil ! Comme son texte est beau ! Cette beauté douloureuse m'a frappée tout au long de ma lecture.

Ce ne fut certes pas une lecture facile mais j'ai aimé voir le narrateur revenir lentement à la vie.
J'ai aimé aussi sentir planer l'ombre de Swann sur tout ce tome. J'ai l'impression que sa présence invisible se renforce depuis La prisonnière et ce n'est pas pour me déplaire.

Enfin, Albertine disparue confirme que je ne m'étais pas trompée sur Saint-Loup, il peut figurer dignement au nombre de mes personnages de fiction favoris.
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Albertine disparue ou La fugitive (1925) est le sixième tome de la recherche du temps perdu, l'oeuvre majeure de Marcel Proust. de la disparition d'Albertine. Cet opus est consacré à Albertine, qui n'est pas le personnage le plus intéressant de la Recherche. Inutile de s'appesantir sur un classique, a fortiori sur un chef-d'oeuvre, mêlant, non sans une pointe d'humour, mélancolie et ironie.
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A la lecture de ce sixième volume, évidemment on sait déjà si on apprécie ou non le style de Proust. On est toujours dans la même veine ici.
Ce tome se lit plutôt vite comparé à d'autres. le narrateur n'est pas aussi exécrable que dans le tome précédent mais garde toujours les mêmes défauts, dans une moindre mesure.

L'homosexualité est à nouveau un sujet majeur.
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