Comment j'ai retrouvé
Romain Puértolas.
Après un premier rencard décevant dans «
La police des fleurs, des arbres et des forêts » dont l'auteur, dans une promotion assommante, promettait un « coup de théâtre final bluffant » (sic) qui s'avérait finalement décelable dès la 30e page, je décidais de donner une deuxième chance à Romain. D'autant que le fait divers évoqué par le titre titillait l'amateur de polar et de crime non-élucidé façon « Omar m'a tuer ».
Petit coup d'oeil sur la 4e de couv : « une rigoureuse investigation policière », « une fiction aussi étonnante que jubilatoire, révélant, peut-être, le fin mot d'une déroutante affaire judiciaire ». Bien, bien, bien. Quelques coquilles se sont malheureusement glissées dans ces quelques mots. Il fallait lire « une risible élucubration policière », « une fiction aussi irritante que superfétatoire, révélant peut-être le fin mot d'une délirante arnaque littéraire. » Faut-il en dire davantage ?
Vous désirez en apprendre davantage sur l'affaire Dupont de Ligonnès ? le Où ? le Quand ? le Comment ? le Pourquoi des meurtres de cette mère et de ses quatre grands enfants ? Passez votre chemin. Vous n'apprendrez rien dans le dernier roman de
Puértolas. A un moment donné, on vous gavera d'une indigeste succession de dates et d'heures entrecroisées visant à démontrer une certaine complicité entre le père de famille et son meilleur ami au moment de la fuite, mais à part ça ? Rien.
Le roman alterne des temporalités et des chapitres sobrement et humblement intitulés : « Affaire
Romain Puértolas » où l'auteur se met en scène lors d'un jugement à la Cour d'Assises de Toulouse pendant lequel il est accusé d'avoir tué
Xavier Dupont de Ligonnès (XDDL) à coup de couteau à beurre ; ou bien «
Romain Puértolas (L'enquête) » où l'auteur se met en scène… pardon en quête de XDDL expliquant que son passé d'ancien flic à la police aux frontières fait de lui une sorte d'expert obsédé par cette affaire criminelle ; ou encore «
Romain Puértolas (La Bastide de Bousignac) » où l'auteur, un beau matin, est persuadé que l'homme qui vit dans le Airbnb voisin de sa maison est XDDL et où il cherche à en avoir le coeur net… jusqu'à ce moment tragique de la friteuse et du couteau à beurre ; et enfin, moins d'une dizaine de chapitres qui ont pour titre les patronymes de deux protagonistes de l'affaire : de Ligonnès et Rétif.
Tu l'auras compris, dans le titre, ce qui est primordial, ce n'est pas tant «
Xavier Dupont de Ligonnès » mais plutôt ce « j' » qui résume à lui tout seul l'entreprise de l'auteur : braquer tous les projecteurs sur « Moi,
Romain Puértolas, auteur à succès, à l'imagination débordante » et si tu ne le sais pas, l'auteur se charge bien de te rappeler à plusieurs reprises que son imagination est folle et que son fakir a eu beaucoup de succès. Ici, l'humour, volontiers sarcastique, planqué entre parenthèses, rime avec lourd ; l'enquête (qui n'est qu'entre parenthèses dans les titres de chapitre, parce qu'après tout, c'est secondaire) se résume à des élucubrations qui s'étalent sur des pages (souviens-toi,
Romain Puértolas a une imagination hallucinante) et qui se trouvent balayées par de nouveaux éléments de l'enquête (pas nouveaux, en fait, puisqu'ils ne viennent pas de découvertes de l'auteur mais des enquêtes de police) qui relancent de nouvelles divagations puértolesques (extraordinaire imagination, on t'a dit !!) jusqu'à un final que tu vois arriver gros comme une maison (ou comme l'imagination de
Romain Puértolas) mais qu'encore une fois on te vend comme incroyable.
Quid de l'intérêt littéraire ? de la plume de l'auteur ? Euh…
Romain Puértolas passe bien à l'image et sait participer à des campagnes de promotion qui réussissent à te faire croire qu'il est un spécialiste de l'affaire (sur laquelle il n'a pas du tout enquêté quand il était fonctionnaire de police, précisons-le).
Pour résumer, on pourrait s'attendre à un roman à la
Philippe Jaenada (fait divers, enquête poussée, anecdotes personnelles, humour) et… non. le roman ici est un long délire surfant sur un fait divers sordide et ultra médiatique qui d'un côté égratigne le travail, incomplet vraisemblablement, mené par la police au moment de l'enquête (des pistes que n'ont concrètement exploitées ni les enquêteurs, ni l'auteur), et de l'autre met en lumière un auteur (aussi humble que modeste) à l'imagination (brillante) et à la plume (vive et drôle). (Moi aussi, je sais mettre l‘humour et le sarcasme en parenthèses)
Cela dit, c'est agaçant mais ça se lit vite et bien.