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Citations sur Chêne et Chien - Petite cosmogonie portative - Le chant.. (13)

"Tu étais" me dit-on "méchant,
tu pleurnichais avec malice
devant des gens de connaissance,
c'était vraiment très embêtant.

"Tu chialais, enfant, comme un veau
et tu n'en faisais qu'à ta tête,
tu hurlais pour une calotte
et tu ameutais les badauds.

"Tu barbouillais de chocolat
tes beaux vêtements du dimanche
sous le prétexte que ta tante
avait oublié tes soldats.

"Maintenant tu es devenu
le plus grand cancre de ta classe,
nul en gym' et en langue anglaise
et chaque jeudi retenu.

"Sur des dizaines de cahiers
tu écris de longues histoires,
des romans, dis-tu, d'aventures ;
mon fils, te voilà bon-à-lier.

"Tu connais tous les pharaons
de la très vénérable Egypte,
tu veux déchiffrer le hittite,
mon fils, tu n'es qu'un cornichon.

"Je vois que tu transcris les noms
et les œuvres des géomètres
anciens tels que cet Archimède,
mon fils, tu n'as pas de raison."

Alors je me mis au travail
et décrochai plus d'un diplôme.
Hélas ! quel pauvre jeune homme
plus tard je suis devenu.
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Je me couchai sur un divan
et me mis à raconter ma vie,
ce que je croyais être ma vie. (…)
Je suis incapable de travailler
bref, dans notre société
je suis un désadapté inadapté
né-
vrosé
un impuissant (…)
Je raconte un rêve:
un homme et une femme
se promènent près d’une rivière,
un crocodile derrière
eux
les suit comme un chien.
Ce crocodile, c’est moi-même
Qui suis docile comme un chien (…)
Moi, docile ? mais plus tard ne me suis-je pas révolté ?
Moi ? docile ? un rebelle ?
J’ai cru me révolter et je me suis puni.
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L'herbe : sur l'herbe je n'ai rien à dire
mais encore quels sont ces bruits
ces bruits du jour et de la nuit
Le vent : sur le vent je n'ai rien à dire

Le chêne : sur le chêne je n'ai rien à dire
mais qui donc chantonne à minuit
qui donc grignote un pied du lit
Le rat : sur le rat je n'ai rien à dire

Le sable : sur le sable je n'ai rien à dire
mais qu'est-ce qui grince ? c'est l'huis
qui donc halète ? sinon lui
Le roc : sur le roc je n'ai rien à dire

L'étoile : sur l'étoile je n'ai rien à dire
c'est un son aigre comme un fruit
c'est un murmure qu'on poursuit
La lune : sur la lune je n'ai rien à dire

Le chien : sur le chien je n'ai rien à dire
c'est un soupir et c'est un cri
c'est un spasme un charivari
La ville : sur la ville je n'ai rien à dire

Le coeur : sur le coeur je n'ai rien à dire
du silence à jamais détruit
le sourd balaye les débris
Le soleil : ô monstre, ô Gorgone, ô Méduse
ô soleil.
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........................................................
personne ne crie personne ne parle et rien ne chante,
ni souffle, ni murmure, ni fracas,
mais quelque part il y a tant de bruit,
tant de hurlements, tant de bavardages, et qu'on
n'entend pas.

page 73
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Il y a tant de rêves qu'on ne sait lequel prendre,
Mes rêves durent des années,
Mes rêves sont multipliés
Par les récits à faire et les dire à entendre
..........
page 66
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"Le chant du Styrène" (incipit)


O temps, suspends ton bol, ô matière plastique
D’où viens-tu ? Qui es-tu ? et qu’est-ce qui explique
Tes rares qualités ? De quoi donc es-tu fait ?
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Je naquis au Havre …


Extrait 2

Jeanne Henriette Evodie envahissaient la cave
cherchant le pétrolin,
sorte de sable huileux avec lequel on lave
le sol du magasin.
J'aidais à balayer cette matière infecte,
on baissait les volets,
à cheval sur un banc je criais « à perpette »(5)
(comprendre : éternité).
Ainsi je grandissais parmi ces demoiselles
en reniflant leur sueur
qui fruit de leur travail perlait à leurs aisselles :
je n'eus jamais de sœur.


5. « à perpette » : familier, pour « à perpétuité ».
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Je naquis au Havre …


Extrait 1

Je naquis au Havre un vingt et un février
en mil neuf cent et trois.
[...]

Et lorsque j'eus atteint cet âge respectable
vingt-cinq ou vingt-six mois,
repris par mes parents, je m'assis à leur table.
[...]

Mon père débitait des toises(1) de soieries,
des tonnes de boutons,
des kilos d'extrafort(2) et de rubanneries
rangés sur des rayons.
Quelques filles l'aidaient dans sa fade besogne
en coupant des coupons
et grimpaient à l'échelle avec nulle vergogne,
en montrant leurs jupons.

Ma pauvre mère avait une âme musicienne
et jouait du piano ;
on vendait des bibis(3) et de la valencienne(4)
au bruit de ses morceaux.


1. toise : mesure de longueur, environ deux mètres.
2. extrafort : ruban dont on garnit intérieurement les coutures.
3. bibi : petit chapeau de femme.
4. valencienne : dentelle fine fabriquée à Valenciennes.
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Je n'ai donc pu rêver…


Extrait 2

Voici : les rats se sauvent
et plus d'un prisonnier trouve sa délivrance.
La coquille a viré pour courir d'autres chances,
et voici : l'on innove.

Que disent les marins ? ils grimpent aux cordages
en sacrant comme des loups,
ils ont passé la ligne affublés en sauvages,
voulant encor faire les fous.

Voici : ce navire entre dans d'autres eaux,
d'autres mers où les orages
n'ont pas détruit le balisage,
et voici : les marins ont fermé leurs couteaux.

Voici : ce ne sont plus vers de faux rivages
que nous appareillons.
La vie est un songe, dit-on,
mais deux c'est trop pour mon âge.
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Je n'ai donc pu rêver…


Extrait 1

Je n'ai donc pu rêver que de fausses manœuvres,
vaisseau que des hasards menaient de port en port,
de havre en havre et de la naissance à la mort,
sans connaître le fret ignorant de leur œuvre.

Marins et passagers et navire qui tangue
et ce je qui débute ont même expression,
une charte-partie ou la démolition,
mais sur ce pont se livrent des combats exsangues.

Voici : le capitaine a regardé les nuages
qui démolissaient l'horizon,
il descend dans la cale où déjà du naufrage
se profile l'inclinaison.
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