DANS L'ESPACE
On dirait que kékchose se passe
En fait il ne se passe rien
Un autobus écrase un chien
Des badauds se délassent
Il va pleuvoir
Tiens tiens
CREVASSE
Du crâne qui crugit lorsque le vent souffle
suinte mélancolicolicoliquement
le croupissant cresson qui sourd de ses orbites
Crions ! crions ! toujours bêle l'os armature
et gémit mélodieulodieusement
le croisé des crocs qui scient un peu d'espace
Telle crevasse en la cronfusion quotidienne
crécelle le sourire et creuse le bonheur
mais
qui tire la langue au crétin croquemitaine ?
cré nom ! crois-je bien que c'est moi
Ballade en proverbes du vieux temps
Il faut de tout pour faire un monde
Il faut des vieillards tremblotants
Il faut des milliards de secondes
Il faut chaque chose en son temps
En mars il y a le printemps
Il est un mois où l’on moissonne
Il est un jour au bout de l’an
L’hiver arrive après l’automne
La pierre qui roule est sans mousse
Béliers tondus gèlent au vent
Entre les pavés l’herbe pousse
Que voilà de désagréments
Chaque arbre vêt son linceul blanc
Le soleil se traîne tout jone
C’est la neige après le beau temps
L’hiver arrive après l’automne
Quand on est vieux on est plus jeune
On finit par perdre ses dents
Après avoir mangé on jeûne
Personne n’est jamais content
On regrette ses jouets d’enfant
On râle après le téléphone
On pleure comme un caïman
L’hiver arrive après l’automne
Envoi
Prince ! tout ça c’est le chiendent
C’est encor pis si tu raisonnes
La mort t’as toujours au tournant
L’hiver arrive après l’automne
si je parle du temps, c'est qu’il n'est pas encore,
Si je parle d'un lieu, c'est qu'il a disparu,
Si je parle d'un homme, il sera bientôt mort,
Si je parle du temps, c'est qu'il n'est déjà plus,
Si je parle d'espace, un dieu vient le détruire,
Si je parle des ans, c'est pour anéantir,
Si j'entends le silence, un dieu vient y mugir
Et ses cris répétés ne peuvent que me nuire.
Car ces dieux sont démons; ils rampent dans l'espace,
Minces comme un cheveu, amples comme l'aurore,
Les naseaux écumants, la bave sur la face,
Et les mains en avant pour saisir un décor
P75
Quand les poètes s'ennuient alors il leur ar
Rive de prendre une plume et d'écrire un po
Eme on comprend dans ces conditions que ça bar
Be un peu quelquefois la poésie la po
Ésie
Bon dieu de bon dieu que j'ai envie d'écrire un petit poème
Tiens en voilà justement un qui passe
Petit petit petit
viens ici que je t'enfile
sur le fil du collier de mes autres poèmes
viens ici que je t'entube
dans le comprimé de mes oeuvres complètes
viens ici que je t'enpapouète
et que je t'enrime
et que je t'enryhme
et que je t'enlyre
et que je t'enpégase
et que je t'enverse
et que je t'enprose
la vache
il a foutu le camp
L'EXPLICATION DES MÉTAPHORES (fin)
…
Oui, ce sont des démons. L’un descend, l’autre monte.
À chaque nuit son jour, à chaque mont son val,
À chaque jour sa nuit, à chaque arbre son ombre,
À chaque être son Non, à chaque bien son mal,
Oui, ce sont des reflets, images négatives,
S’agitant à l’instar de l’immobilité,
Jetant dans le néant leur multitude active
Et composant un double à toute vérité.
Mais ni dieu ni démon l’homme s’est égaré,
Mince comme un cheveu, ample comme l’aurore,
Les naseaux écumants, les deux yeux révulsés,
Et les mains en avant pour tâter un décor
— D’ailleurs inexistant. C’est qu’il est égaré ;
Il n’est pas assez mince, il n’est pas assez ample :
Trop de muscles tordus, trop de salive usée.
Le calme reviendra lorsqu’il verra le Temple
De sa forme assurer sa propre éternité.
p.76-77
Extraits LES ZIAUDS IV (1943), Poésie Gallimard 1987.
Si tu t'imagines
si tu t'imagines
fillette fillette
si tu t'imagines
xa va xa va xa
va durer toujours
la saison des za
la saison des za
saison des amours
ce que tu te goures
fillette fillette
ce que tu te goures
Si tu crois petite
si tu crois ah ah
que ton teint de rose
ta taille de guêpe
tes mignons biceps
tes ongles d'émail
ta cuisse de nymphe
et ton pied léger
si tu crois petite
xa va xa va xa va
va durer toujours
ce que tu te goures
fillette fillette
ce que tu te goures
les beaux jours s'en vont
les beaux jours de fête
soleils et planètes
tournent tous en rond
mais toi ma petite
tu marches tout droit
vers sque tu vois pas
très sournois s'approchent
la ride véloce
la pesante graisse
le menton triplé
le muscle avachi
allons cueille cueille
les roses les roses
roses de la vie
et que leurs pétales
soient la mer étale
de tous les bonheurs
allons cueille cueille
si tu le fais pas
ce que tu te goures
fillette fillette
ce que tu te goures
TRAINS DANS LA BANLIEUE OUEST
Le traint court on ne sait où
avec ses pattes longues comme
le train court on ne sait où
longues longues c'est dire comme
multivague vogue le train
sur belles railles bien en chair
ah vive le chemin de fer
roi des mâles et des malins
le train. court court court court court court
sur les mignonnes railles nues
seins d'acíer cuisses de satin
bras étendus sur les traverses
cadavre exquis tu boíve' encore
tu boíve' encor le vin mousseux
la co la como la motive
te tire encor par les cheveux
voici passer auprès de toi
la douce enfant mígne cervelle
c'est ton grand train ton autocar
ton camion lourd ton omnibelle
Déjà née il meurt le jour
déjà mort la nuit elle nait
......
p 214
HIPPOCAMPES
Hippocampes verts
nageurs singuliers
vous avez peuplé
mes rêves d'hiver
Autant préférer
Pégase! Licorne!
pou d'ivoire gris
qui trotte paisible
Le passant s'enfuit
loin du réverbère
sous lequel enfoui
un mort désespère
p.21