On peut tenter une définition universelle de l’amour : est amoureux un être humain tombant dans l’Autre sans médiation sociale. La relation amoureuse caractérise la fascination qui ne quitte pas le circuit interne, l’échange qui n’est pas passé par l’échange externe.
Pourquoi l’amour ne s’éprouve-t-il que dans la violence de la perte ?
Parce que sa source est l’expérience de la perte.
Naître, c’est perdre sa mère.
C’est quitter la maison de sa mère. Sa trace est toutes choses perdues. Tout perdu commémore l’amour comme au premier instant.
Parce que son aube est perdu (la mère perdue dans le premier instant, le premier cri). Je définis comme amour tout ce qui en nous renouvelle le nascor, le découvrir pur, la violence de l’obscurité perdue, le spasme et l’inspiration du corps, la nudité expulsée dans l’air.
Dans l’amour le choix est toujours le plus simple : ou je suis aimé ou je meurs.
Les relations profondes entre les hommes et les femmes ne peuvent se tisser qu’en commençant par se saisir des fils verbaux et émotifs les plus spontanés qui précèdent la langue acquise, par remonter un à un les métiers à tisser des rituels plus anciens qui constituèrent les sociétés animales : on peut alors commencer peut-être à passer à l’humain, à penser avec le langage, à faire la musique, à peindre, à nouer des liens d’amitié, à vivre plus profondément, à aimer.
Se passionner pour ce qui est autre, aimer, apprendre, c’est le même.
Contempler le ciel, qui n'est pas vivant, pour tout ce qui est vivant, c'est contempler le seul aïeul.
“Le désir, c'est le désastre.”
Avoir une âme, cela veut dire avoir un secret.
Corollaire. Peu de monde a une âme.
L’injonction au secret est universelle parce qu’elle caractérise tous les rituels d’initiation.
« Mystique » dans sa forme grecque signifie de façon directe et impérative ce devoir de silence auquel sont astreints les « mystes » à l’égard des « mystères » dont ils viennent de faire l’épreuve.
On transmet ce qu’on ignore avec ce que l’on croit savoir.