Il suffit que je relise
quelques vers de Frederico Garcia Lorca
et je me retrouve coincé
entre deux pages d'herbier
la nuit dans un jardin
aux couleurs vagabondes
à me poser des questions métaphysiques
à parler à la lune
à étouffer à petit feu
à me taire d'émotion
à espérer tout du souffle du vent.
Il suffit que je relise
quelques vers de Raymond Carver
et je me dis
que nous nous serions bien entendus
à marcher dans la ville
enneigée
lui une cigarette au bec
moi un bonnet noir
vissé sur la tête
tous les deux
les mains dans les poches
à nous raconter des histoires
invraisemblables et nécessaires.
Il suffit que je relise
Quelques vers de Richard Brautigan
et je deviens polyglotte
dans la minute
alors qu'il n'a jamais écrit
qu'en anglais
mais que tout ce qu'il dit
je le comprends
dans toutes les langues
du monde que j'ignorais
avant de le connaître
Il suffit que je relise
quelques vers de Louis Dubost
et je me mets à parler
aux plantes aux fleurs
et aux outils du jardin
à faire des jeux de mots
en leur compagnie
devant le sourire béat
des bestioles que je collectionne
dans mes rêves quelque soit la saison.
Il suffit que je relise
quelques vers de Valérie Rouzeau
et ses jeux de mots
posés telles de petites îles
dans la mer de ses sonnets
m'invitent presque aussitôt
à flotter avec eux
sans rien dire
uniquement pour le plaisir
d'être en contact avec la fluidité
de l'eau coulant sous les ponts
qu'elle construit de poèmes en poèmes.