Voit-on une mouette grelotter sous la pluie ? Jamais. L'eau glisse sur son plumage blanc. Il en était ainsi des colères populaires sur le veston du Prince.
Tout souriait encore au Prince mais des nuages s'amoncelaient à l'horizon ; il n'y voyait que d'innocents cumulus. Des signes, mêmes infimes, auraient pourtant dû l'alerter. La mauvaise humeur montait parmi ses sujets, auxquels il commençait à déplaire.
M. d’Ormesson, vicomte d’ancienne facture, avait dû son succès à ses interventions bavardes sur les petits écrans, où il avait semblé s’incruster au fil des ans. Des professeurs affirmaient qu’il était le dernier à susciter l’émoi par son art de la conversation brillante, surtout cousue de citations plus ou moins appropriées. Il avait écrit des livres qui se vendaient à cause de sa réputation, et il déguisait des banalités faciles à saisir en pensées profondes.
Avec une pompe de façade, nos deux potentats offrirent ensuite une conférence à la meute canalisée des gazetiers internationaux. Ils se répétèrent sans éclairer vraiment personne quand Notre Virulente Majesté, à un tournant du discours, s’attarda sur les interventions sournoises de Russia today et de Sputnik, deux officines tsaristes qui avaient répandu des mensonges infamants lors de la campagne de France, afin d’appuyer l’extrême droite comme il convenait à une ancienne contrée communiste. Lorsque Notre Lumineux Souverain le brossa, l’accusé resta impassible, telle une figurine en cire du musée Grévin. Il confia ensuite avec la voix inexpressive et sans chaleur d’un croque-mort ventriloque aux lèvres immobiles : « Je crois que l’ambiance entre nous est créée. » Disant ces mots il ne plaisantait pas car il n’avait jamais plaisanté de sa vie.
Buffalo Trump méprisait les perdants, donc, dès l'abord, Notre Malin Monarque allait lui montrer l'image d'un gagnant pour le bluffer. Quand ils se donnèrent une poignée de main devant des caméras, Notre Prince Joueur garda sa main en la serrant fort afin qu'il ne pût la retirer, les phalanges endolories, qu'au bout de vingt-sept secondes. Il crut avoir gagné.
Ce premier hiver du règne, il dut se contenter de l'enterrement de deux illustres ; presque le même jour disparaissaient un Académicien madré et un chanteur tonitruant.
Bonaparte était coutumier de ces mensonges. Il avait besoin d’une imagerie pour s’installer. Il jouait avec les symboles. Au col du Saint-Bernard, le peintre nous le montre en uniforme qui indique du doigt les plaines italiennes, sur un cheval blanc cabré. Essayez de faire se cabrer un cheval sur la neige. Dans la vérité il avait traversé ce col des Alpes à dos de mulet et tomba trois fois. Pour le tableau géant du sacre, Jacques-Louis David dut rajouter Mamma Laetitia, mère du futur empereur, car elle boudait au palais et avait refusé d’assister à la cérémonie…
L'homme est nuisible par nature. Depuis qu'il a jailli de la mer et que ses nageoires sont devenues des pattes, il s'est cru supérieur aux autres vivants.
On trouvait également des mots français chargés d’un autre sens qu’à leur origine : par exemple tout devenait disruptif, un terme de la physique né en 1856 : il rendait compte d’une étincelle qui dissipait en explosant une grande partie d’énergie accumulée. Dans la langue normale, cela en revenait au mot rupture, si trivial et moins moderne. On compliquait parfois pour rien. À quoi servait de changer concertation en coconstruction ? À devenir jeune et neuf.
tel gazetier affirmer que les orages avaient impacté les vignes. Confusément, on comprenait que l’orage et la vigne avaient un point commun sans en connaître les dégâts ou les bienfaits. À la place d’impacter on aurait été avisé de se servir dans la gamme des verbes existants qui auraient nuancé une information qui ne nous informait plus : tremper, abîmer, balayer, pourrir, ratatiner, détruire, casser, foudroyer, brûler, noyer, accidenter, déraciner, esquinter, ratiboiser, dégrader, tuer, bouleverser, ruiner, déchirer…