AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782738128539
352 pages
Odile Jacob (10/06/2015)
4.35/5   10 notes
Résumé :
Quels ont été les climats tout au long de l’histoire de la Terre ? Comment s’est organisée l’alternance des périodes froides et des périodes plus chaudes pendant ces quelques milliards d’années ? Y a-t-il des leçons à tirer de cette longue évolution du climat, pour mieux comprendre le réchauffement climatique actuel ? La perturbation en cours est-elle inédite dans l’histoire de la Terre ? En quoi celle-ci menace-t-elle durablement notre environnement et donc notre s... >Voir plus
Que lire après Voyage à travers les climats de la TerreVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Voyage à travers les climats de la Terre. Vaste programme ! Notre petite planète bleue en a vu de toutes les couleurs au cours de ses 4,5 Milliards d’années d’existence, et en verra encore pendant les 6 prochains – avec ou sans humains – avant que le soleil, devenu géante rouge, ne finisse par l’engloutir.

Tout d’abord, un point sur l’auteur. Gilles RAMSTEIN est climatologue et directeur de recherches au CEA (LSCE/CNRS/UVSQ). Plus précisément, il est très calé en modélisations et œuvre depuis 25 ans dans le domaine en tant que directeur de thèse, favorisant les approches pluridisciplinaires. Si je ne fais d’habitude pas grand cas de l’argument d’autorité, force est d’honorer un tel pédigrée.

Sur environ 320 p., l’ouvrage s’emploie à retracer la très lente mais souvent mouvementée évolution des différents climats de la Terre. Sur un tel laps de temps, des milliards d’années, le plus simple est encore de découper en périodes (géologiques) qui seront présentées à l’avant-propos sous la forme d’une double-fresque à la quelle pourra se référer le lecteur pour replacer le récit à travers les éons, ères, périodes et étages. Non-initié, j’y suis revenu souvent, surtout que de telles échelles de durée sont difficilement appréhendables comparativement à notre brève existence sur la 3ème planète du système solaire.
La part-belle, soit 9 des 14 chapitres sans compter l’épilogue, est laissée à une description globalement chronologique, malgré, parfois, quelques ellipses. Les chapitres 10 et 11, particulièrement intéressants, abordent respectivement « la petite musique de Milankovitch » et les « Paléoindicateurs du Quaternaire ». Le 12ème chapitre termine l’Histoire en focalisant sur le dernier million d’années BP (Before Present). Puis Ramstein en profite pour aborder le présent et surtout le futur en exposant les projections d’un avenir incertain et la fin de vie de notre planète, respectivement au chapitre 13 et 14, avant de clore sur un épilogue lourd de sens pour l’Humanité.

C’est donc approximativement en trois parties assez distinctes que je vais aborder l’ouvrage.

La première et la plus longue étant intégralement consacrée à décrire l’évolution de la planète et de son climat sur 4,5 milliards d’années (-4,5 Ga) et à travers 4 éons (Hadéen, Archéen, Protérozoïque et enfin Phanérozoïque), tenter un résumé me semble assez périlleux, mais je suis chaud (« plus chaud que le Climat ! »).
D’un immense caillou en orbite dans la zone habitable de son étoile, battu par les « pluies » de débris d’un système solaire naissant, n’ayant ni oxygène ni méthane dans son atmosphère riche en carbone, naîtra une Terre inondée par l’accumulation de glace « tombée de l’espace » rendue liquide par l’effet de serre. A la fin du « Bombardement Tardif » (-3,8 Ga), nous sommes déjà dans l’Archéen – l’Hadéen ayant pris fin (-4 Ga) – et la Vie apparait finalement (-3.6 Ga) : durant toute la période qui précède, la géologie a fait son œuvre en séquestrant le carbone grâce aux pluies acides et à l’oxydation des roches, permettant ainsi son émergence.
La concentration de CO2 dans l’atmosphère se stabilise tandis que les bactéries méthanogènes font leur travail au fil de millions d’années : elles relâchent du méthane, modifiant ainsi la composition de l’atmosphère, donnant un aspect orangé à la Terre et favorisant le forçage radiatif (le méthane, CH4, est un bien plus puissant GES que le CO2). Le soleil n’est alors pas aussi puissant qu’aujourd’hui, environ 25% de moins que maintenant (+7%/Ga) au début de l’Archéen.
Nous entrons dans le Protérozoïque (-2,5 Ga) après une première glaciation planétaire – la Terre est alors devenue toute blanche. Très vite arrive le moment du « Grand Evènement d’Oxydation » qui durera près de 200 Millions d’années au début du Protézoroïque (-2,45 à -2,2 Ga) qui verra à sa suite une composition de l’atmosphère rester assez stable… Jusqu’à connaitre deux autres glaciations (-0,720 Ga et -0,635 Ga) qui verront chuter les concentrations de méthane et de dioxyde de carbone au profit de l’oxygène, appelant le dernier et actuel éon, le Phanérozoïque (-0,541 Ga) qui est marqué par « l’Explosion Cambrienne » (-0,540 Ga).
C’est durant ces 540 derniers millions d’années que la vie va réellement prendre son essor, malgré cinq grandes Extinctions. Les masses continentales ont été colonisées par la végétation puis la faune et la Vie s’est si bien débrouillée pendant tout ce temps qu’une espèce – la nôtre – a récemment lancé la 6ème Extinction de Masse de la planète, qui lui sera surement fatale.

Il est assez plaisant de s’imaginer que durant toute cette lente évolution, la Terre sera passée d’une masse de roche bouillonnante à l’orangé, puis un peu au bleu, au blanc pendant les « Snowball Earth » (grandes glaciations), avant d’enfin retrouver l’aspect qu’on lui connait aujourd’hui (grâce aux satellites notamment).

Dans cette première partie, Gilles RAMSTEIN ne manque pas de mentionner les nombreuses incertitudes qui émaillent nos connaissances, malgré une fresque globale assez détaillée. Qu’il s’agisse des estimations de datations, de paramètres climatiques, de localisations à cause du mouvement des plaques tectoniques, de la qualité et de la quantité des fossiles et autres indices qui nous restent de ces époques – d’autant plus rares qu’elles sont lointaines – le travail d’un Climatologue s’apparente énormément à celui d’un détective comme on le verra juste après. On appréciera une certaine exhaustivité et historicité dans la présentation des différentes hypothèses et visions du paléoclimat, Ramstein n’étant pas avare en références, qu’il s’agisse de collègues ou bien des étudiants qu’il a accompagné lors de thèses et dont il parle avec éloge.
Etudier l’Histoire du Climat est une aventure qui demande énormément de cordes à son arc, car on est tour à tour amené à manipuler différents domaines scientifiques comme la Physique, la Chimie, la Géologie, la Biologie, l’Astronomie ou encore l’Anthropologie pour les périodes les plus récentes. S’il est évidement plus aisé d’avoir quelques notions dans ces domaines, Ramstein arrive à rendre l’ensemble accessible par un discours très pédagogue dont les répétitions ne sont pas exemptes mais jamais inopportunes, ce qui permet de bien imprimer.
La seconde partie dont je vais parler est celle qui est à l’origine de ma lecture. Les deux chapitres respectivement sur les paramètres de Milankovitch et des Paléoindicateurs abordent en profondeur deux aspects théoriques et techniques primordiaux pour la Science du Climat.

Les paramètres de Milankovitch représentent des variables astronomiques ayant une influence cyclique sur le Climat. On en compte trois : l’Excentricité, l’Obliquité et la Précession. L’excentricité mesure la distance entre le Soleil, et la Terre et influe donc sur la quantité d’énergie reçue de notre étoile ; elle varie entre 0.005 et 0.058 – actuellement 0.017 – dont le cycle le plus long est de 413 000 ans. L’obliquité quant à elle, mesure l’inclinaison de l’axe de rotation de la Terre par rapport au plan de l’écliptique (plan de l’orbite de la Terre autour du Soleil) et est responsable des saisons ; celle-ci varie de 22,1° à 24,5° – actuellement 23,44° – sur une période d’environ 41 000 ans. La précession quant à elle, impacte aussi les saisons dans la mesure où elle détermine la position de la Terre sur son orbite au solstice, aphélie ou périhélie, avec une période d’environ 26 000 ans.
Ramstein expose en détail les différentes implications et surtout l’Histoire de ses paramètres, de leur découverte aux controverses pour enfin aboutir au consensus. Il aura fallu du temps et de nombreux débat pour que l’impact de facteurs astronomiques soit pleinement accepté. Tout le développement laisse à l’auteur le loisir d’aborder les confirmations empiriques (études des marqueurs géologiques à différentes ères) mais aussi numériques (via les modélisations) : une excellente opportunité pour s’immiscer dans la complexe mécanique des simulations climatiques et des très nombreux modèles comportant chacun avantages et inconvénients à pondérer.

Concernant les Paléoindicateurs, le chapitre les aborde en long, en large et en travers et c’est fascinant : on s’émerveille devant l’ingéniosité des chercheurs pour obtenir des informations inscrites en filigrane dans le sol terrestre depuis des millions et des milliards d’années.
Qu’il s’agisse de mesurer les concentrations en GES de l’atmosphère à une époque donnée ou la datation des échantillons, d’estimer la densité du couvert végétale et de son impact sur l’albédo et la photosynthèse, ou de la faculté des océans à jouer leur rôle de puits de carbone, ou encore de comprendre le rôle des mouvements tectoniques qui qui font naître et mourir, montagnes, mers et continents : rien n’arrête l’imagination des chercheurs.
On l’a vu, la Géologie, la Physique/Chimie ou la biologie sont parties intégrantes de la Paléoclimatologie ; Ramstein expose donc divers indicateurs, directs ou indirects (proxies) permettant d’accéder aux variables climatiques. Les isotopes du Carbone, de l’Oxygène… Les différentes couches sédimentaires et leur Chimie, les bulles des carottes de Vostok… Les fossiles des premiers êtres vivants au fond des océans et des premières plantes sur les continents : planctons, pollens… Les spéléothèmes sous la terre (nom un peu classe pour parler des stalactites) … L’inventaire d’outils est massif, varié, mais surtout passionnant par la créativité qu’il déploie.
Toujours soucieux du détail et par rigueur scientifique, Ramstein prend soin d’exposer les limites de chaque méthode et insiste sur la nécessité de croiser les sources et les données pour composer un tableau global cohérent et toujours comparé aux modèles numériques dans un souci d’émulation réciproque.

Maintenant que l’Histoire climatique de notre belle (et unique) planète n’a plus de secret pour nous, il est temps d’aborder la troisième et dernière partie de l’ouvrage qui se focalise essentiellement sur l’avenir, bien qu’elle inclut le passé « récent » (a l’échelle géologique, 1 Millions d’années est récent) et le présent.

C’est l’occasion pour Gilles RAMSTEIN d’inscrire notre climat actuel dans sa très longue évolution et d’aborder la brutalité du changement climatique que nos émissions anthropiques (liées à l’activité humaine) impliquent. S’il ne fait aucun doute que la Terre a déjà subi des bouleversements majeurs au cours de ces 4,5 Milliards d’année, aucun n’égale en rythme celui que nous sommes en train de vivre, ce qui est très préoccupant vis-à-vis des possibilités d’adaptation du vivant. Il ne faut pas oublier que si la Terre a déjà connu 5 Extinctions de Masse, les changements climatiques qui y ont conduit s’étalent sur des milliers, voire millions d’années ; or la propension de l’Humain moderne à modifier son environnement est bien plus rapide : +1,5°C de moyenne en deux siècles (1850-2050) représentent une première dans l’Histoire de la Terre et les conséquences attendues sur le Vivant dans son ensemble sont indéniablement catastrophiques.
Cependant, l’auteur commence par la Fin. Il expose en premier lieu comment, dans 6 Milliards d’années, la Terre se fera avaler par le Soleil. Nous aurons de toute façon disparus depuis bien longtemps. Avant que notre planète ne soit vaporisé par notre étoile devenue Géante Rouge, la Terre aura totalement perdu son eau, échappée dans l’espace et se sera figée, l’énergie thermique de son noyau ne permettant plus la valse des plaques tectoniques.

Mais pour le moment, nous sommes là, dans le présent. Il est donc de notre devoir de comprendre, à notre échelle de temps, ce qui se trame pour notre avenir. Comme on l’a dit, les capacités d’adaptations du vivant sont de loin dépassées par les dynamiques qu’on observe. C’est tout l’objet de la Science du Climat que de les comprendre et de tenter de communiquer du mieux possible à leur sujet pour favoriser une action politique d’envergure nécessairement planétaire.

Ecrit en 2015, Ramstein semble dans cet ouvrage beaucoup miser sur la « future » COP21, organisée à Paris. Nous sommes en 2020 et constatons qu’une fois de plus, les institutions gouvernementales – nationales et internationales – sont inaptes à initier les changements majeurs pourtant indispensables à la survie de l’Humanité.
Sur quelques pages, Ramstein n’hésite pas à viser la folie productiviste et néolibérale, mais toujours avec une certaine retenue : celle du Scientifique conscient des limites de son domaine d’expertise mais surtout de l’orateur souhaitant éviter le clivage. Si je comprends cette position, je regrette un discours qui m’a semblé globalement un peu trop optimiste vis-à-vis des structures politiques alors qu’il fait ouvertement le constat de la situation, causes et conséquences, et appelle à considérer l’Humanité pour ce qu’elle est, c’est-à-dire une espèce parmi d’autres sur une planète à partager.


L’espèce humaine a vu le jour environ à la moitié de la vie de la Terre et celle-ci poursuivra son chemin pour quelques milliards d’années encore, avec ou sans « nous ». En prenant conscience des impacts du changement climatique, ce n’est pas la planète que l’on sauve, mais l’Humanité et la Biosphère dans son ensemble : notre droit à vivre en somme.

Ne laissons plus des dirigeants hors-sol, ignorants et inconscients, décider pour nous de l’avenir (surtout quand on voit ce qu’ils en font) : il est impératif que les citoyens reprennent le contrôle de leur destin et pour ce faire, il est nécessaire de savoir, de comprendre, et c’est en cela que la Science peut être un fabuleux outil lorsqu’elle est appliquée dans les règles de l’art comme c’est le cas pour le Climat.
Commenter  J’apprécie          30


Videos de Gilles Ramstein (3) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Gilles Ramstein
Réchauffement climatique : y a-t-il des « points de bascule » : certains phénomènes tels que la fonte de la calotte glaciaire arctique, du pergélisol (le sous-sol gelé) ou le ralentissement du Gulf Stream qui pourraient avoir des effets en cascade, systémiques et irréversibles ? Éléments de réponse avec les chercheurs Xavier Capet et Gilles Ramstein. https://www.mediapart.fr/journal/international/160321/le-climat-face-au-risque-de-bascules-irreversibles#at_medium=custom7&at_campaign=1047#at_medium=custom7&at_campaign=1050

Pour les 13 ans de Mediapart, abonnez-vous 3 mois pour 11 euros
https://www.mediapart.fr/abo/abonnement/anniversaire#at_medium=custom7&at_campaign=1050
Abonnez-vous à Mediapart : https://www.mediapart.fr/abonnement#at_medium=custom7&at_campaign=1050 Abonnez-vous à la chaîne YouTube de Mediapart : https://www.youtube.com/user/mediapart
+ Lire la suite
autres livres classés : PaléoclimatologieVoir plus
Les plus populaires : Non-fiction Voir plus

Lecteurs (30) Voir plus



Quiz Voir plus

L'écologiste mystère

Quel mot concerne à la fois le métro, le papier, les arbres et les galères ?

voile
branche
rame
bois

11 questions
254 lecteurs ont répondu
Thèmes : écologie , developpement durable , Consommation durable , protection de la nature , protection animale , protection de l'environnement , pédagogie , mers et océansCréer un quiz sur ce livre

{* *}