Citations sur Wisconsin (Le guerrier tortue) (139)
Ernie songea à la façon dont lui-même considérait ses anciens camarades de classe restés toute leur vie à Olina : provinciaux, lâches, mesquins, balourds. S'en aller un moment et revenir plus tard constituait une expérience différente, offrait de nouvelles perspectives.
Rien n'était facile ni gagné. Après tout, l'été précédent, Ernie s'était lui-même péniblement extirpé du bourbier dans lequel il s'enlisait, mais celui-ci demeurerait toujours dans un coin de sa tête, menaçant, tels des sables mouvants, de l'engloutir à nouveau. Il en allait de même pour la guérison de Bill. Sauf que le terme était mal choisi : Bill ne guérirait jamais complètement ; il apprendrait juste à faire face.
Depuis un an qu'il était rentré aux Etats-Unis, ses sens restaient engourdis par l'horreur. Or, aujourd'hui, ils s'étaient réveillés. Il le déplorait, car c'était une réaction physique normale au Vietnam, un des rares aspects acceptables de la guerre. Mais il était revenu au pays, et quelques minutes plus tôt il avait eu sous les yeux ce qui était en principe inacceptable dans sa propre culture : l'ecchymose laissée par un coup, la chair enflée altérant la beauté d'une épaule féminine.
J'aime mon mari, mais ce n'est qu'un homme. Il a beau compter parmi les meilleurs d'entre eux, il est parfois terriblement obtus. Sans les femmes, ce monde serai parti à vau-l'eau depuis longtemps. Nous avons toujours du interpréter les signes à leur place.
Rien n'est plus agréable que le spectacle d'une rivière au printemps, surtout dans une nature encore sauvage. Pendant des années, j'ai essayé en vain de trouver un mot pour qualifier la couleur de cette saison-cette nuance particulière de vert tendre qui tire au jaune. Ce jour-là, le soleil jouant parmi les feuillages nous a donné à tous des envies d'éternité.
Nous ne pouvons sauver personne, mais juste choisir de nous sauver nous-mêmes.
Il pensait que certaines personnes n'étaient pas dignes de vivre. Des personnes qui infligeaient des souffrances inutiles, dont la disparition n'était pas accueillie par des larmes mais par un soupir de soulagement. Des personnes elles-mêmes dans un tel état de souffrance qu'il aurait fallu les abattre par charité, comme on tire une balle dans la tête d'un chien enragé prêt à mordre. Ce qui les avait rendu ainsi ne pouvait plus être défait après un certain âge.(P. 231)
On n'a pas besoin de mourir pour perdre la vie (P. 230)
Comme la plupart des etres prechant la vertu , le pere Wallace n'avait pas de termes assez durs pour dénoncer chez les autres ce qu'il était le premier à pratiquer : le péché .
Sa mère avait raison. La vie dans une petite ville se révèle parfois difficile et décourageante. Durant cette première année de sobriété, Bill découvrit qu'ils étaient nombreux dans la communauté à ne pas voir sa guérison d'un bon œil ; en un sens, il les trahissait, puisqu'il refusait le rôle qu'on lui avait assigné, les empêchant ainsi de projeter sur lui l'échec de leur propre existence. Ils auraient voulu le condamner pour le restant de ses jours à reproduire les erreurs de son père.