Citations sur L'amour inexaucé (12)
Nous sommes les abeilles de l'Invisible. Nous butinons éperdument le miel du visible, pour l'accumuler dans la grande ruche d'or de l'Invisible.
Les sexes sont peut-être plus parents qu'on ne le croit ; et le grand renouvellement du monde tiendra sans doute en ceci : l'homme et la femme libérés de toutes leurs erreurs, de toutes leurs difficultés, ne se rechercheront plus comme des contraires, mais comme des frères et soeurs, comme des proches. Ils uniront leurs humanités pour supporter ensemble, gravement, patiemment, le poids de la chair difficile qui leur a été donnée.
Rodin, né dans la pauvreté et de basse condition, a vu mieux que personne que toute beauté, dans l'homme, l'animal ou les choses, est menacée par les circonstances et par le temps, qu'elle est un moment, une jeunesse qui passe à travers tous les âges, mais ne dure pas.
Est-ce la force qui me manque ? Ma volonté est-elle malade ? Ou est-ce le rêve en moi qui entrave toute action ? Les jours passent, quelques fois j'entends passer la vie. Et rien ne s'est encore produit, il n'y a encore rien de réel autour de moi ; je ne cesse de me diviser et de me perdre en ruisselets, quand je voudrais n'avoir qu'un lit et grandir. Car il doit en être ainsi, Lou, n'est-ce pas : nous voulons être comme un fleuve, et non nous canaliser pour irriguer des prairies ? N'est-ce pas, nous devons nous rassembler et gronder ? Peut-être aurons-nous le droit, un jour, quand nous serons très vieux, tout à la fin, de céder, de nous répandre en un delta... Chère Lou !
La solitude (...) est l'espace de toute rencontre réelle, car seule, là, en elle, nous sommes en rapport à notre propre centre, ouverts à l'accueil de ce qui survient. Elle seule permet à ce que tout soit le proche et le lointain, l'ouvert et en même temps le refuge face à l'ouvert.
Poème « Fille amoureuse »
C'est ma fenêtre. A cette minute,
je suis sorti si doucement
du sommeil, j'y flottais encore.
Où a sa limite ma vie
Et où commence la nuit ?
Je pouvais imaginer que tout autour de moi
n'était encore que moi ;
Comme la profondeur d'un cristal, profondément
muet, translucide, éteint.
J'ai de l'espace à revendre en moi
Pour les étoiles aussi : si plein d'espace
Sent mon cœur ; si légèrement
cela lâcherait-il celui que,
pour autant que je sache, j'ai commencé
à aimer, il se peut que ce soit le serrer dans mes bras.
Étrange, comme si elle n'avait jamais été cartographiée,
ma fortune reste incalculable.
Pourquoi suis-je couché
Sous cet infini,
Parfumé comme un pré,
Je me déplaçais ici et là,
appelant, mais craignant que
quelqu'un n'entende le cri,
destiné à disparaître
dans un autre moi.
Rilke (...) est le poète qui s'est mesuré aux simples tâches du jour, faisant preuve de constance et de fidélité dans les moindres choses; à la recherche de cette grande unité où le haut et le bas, l'échec et la réussite, la poésie et la vie, le ciel et l'enfer, l'existence et la mort, ne sont plus séparés. Lire Rilke, c'est oeuvrer à trouver cette unité primordiale. C'est une tâche immense et difficile. Là où notre vie est si fragmentaire -- où un sentiment en remplace un autre, où tout est séparé et à l'écart, où rien ne fait silence --, apprendre à lui donner une source qui l'abreuve et lui rende cette unité première qui nous lie au cosmos tout entier.
Le terme "spiritualité" est défiguré au point d'être perçu, aujourd'hui, comme une rêverie pour ceux qui refusent l'ampleur de la realité.
Poème de battement de coeur
Nous ne sommes que des bouches. Qui chante le cœur lointain
qui existe en sécurité au centre de toutes choses ?
Son battement de cœur géant se détourne en nous
en petites pulsations. Et son chagrin géant
est, tout comme sa jubilation géante, bien trop
grand pour nous. C'est ainsi que nous nous arrachons
à lui à maintes reprises, ne restant que
des bouches. Mais de manière inattendue et secrète,
le battement de cœur géant pénètre dans notre être,
de sorte que nous crions ----
et sommes transformés en être et en visage.
Traduit par Albert Ernest Flemming
Poème grec d'amour
Ce que j'ai déjà appris en tant qu'amant,
je te vois, bien-aimé, l'apprendre avec colère ;
puis pour vous, il est parti loin,
maintenant votre destin est dans toutes les étoiles.
Sur vos seins, nous lutterons ensemble :
puisque, tout aussi brillants qu'ils ont mûri,
de même vos mains désirent les toucher
et surveillent leur propre plaisir.