Citations sur Vers la violence (134)
l’envie de plaire à Raphaël, l’envie de lui plaire aujourd’hui et dans dix ans, dans vingt ans, oui, ce jour-là je sus, avec une puissance instinctive jusqu’alors jamais éprouvée, que j’aurais chaque jour l’envie de lui plaire encore. 6 Au contact de Raphaël, peu à peu, ma manière de danser se mit à changer.
Au quotidien, j’étais silencieuse et abrupte.
L’idée qu’on puisse me voir habillée d’un pull ou, pire, d’une robe fuchsia suscitait chez moi une angoisse – un tout sauf ça. Je craignais le mépris des hommes comme les animaux le feu
Il fallait faire l’amour, pour être socialement acceptée, intégrée, voilà tout, le sexe était quelque chose qu’on se devait de faire. Et ce fut quand ses lèvres touchèrent les miennes, les autres, que je le compris en une déflagration. La douceur me ravit, du verbe « ravir » – prise d’otage et perte de conscience.
Son corps était fait du même bois, un bois sec et résistant – je l’apprendrais : il ne tombait jamais malade –,
les exercices à la barre que je pratique à longueur de journée et semble prendre, dès les premiers mots que nous échangeons, la mesure de ce que j’impose quotidiennement à mon corps.
Il n’y connaît rien, comme la plupart des gens, mais trouve ça, quoi, intéressant ? Nous parlons très vite des blessures du sport extrême, de nos corps. Parce qu’il étudie la chirurgie, il est précis et m’invite à parler sans pudeur superfétatoire
nous sommes soulagés de trouver, au milieu du phosphore, quelque personnalité sombre avec qui parler la langue de notre mère.
La danse, pour moi : une technique de survie. Et de cette technique spontanée, je fis mon métier. Danseuse professionnelle, qui l’aurait cru ?
Pas la colère donc, non, mais un chagrin infini dont la pudeur était l’agacement, un ciel ravagé au-dessus de la tête, une tempête constante comme atmosphère de vie, un sentiment de solitude irréformable. Une différence, que je ne cessai de consoler en dansant, c’est-à-dire en domptant, en maîtrisant, en maltraitant mon corps.