Éventuellement, ici ou là, un tête-à-tête. Ma mère et moi. Notre amour éternel et discret.
Il n’y avait par exemple eu aucune scène d’adieu au moment de quitter la cellule familiale (cette expression : une sortie de prison).
L’idée même de célébration avait disparu de ma vie.
La douleur physique permettait pour un temps d’écarter mes pensées. L’étranglement avait le mérite de me faire ressentir quelque chose, penser à autre chose. Mais cela ne me remplissait pas assez, et de plus en plus, je manquais d’énergie pour danser. Disparaître m’épuisait.
C’était, inconsciemment, un troc de frustrations.
S’y mêlait, chez moi, une forme de puissance qui conjurait, pour un temps, cette impuissance fondamentale : n’être jamais écoutée, jamais prise au sérieux par eux.
18 ans, je tenais à ce que les hommes – a fortiori de pouvoir – plient. Sans doute pour me prouver à moi-même ma maturité, je tenais à être désirée par des adultes sûrs d’eux-mêmes. Ceux qui savaient, pensais-je, ce qui est digne d’être désiré et ce qui ne l’est pas. On mesure ma naïveté d’alors (le désir masculin étant tout sauf un instrument de mesure de dignité), mais peu importe, j’y croyais.
Ce qui m’excitait davantage, c’était qu’on m’affronte franchement. Qu’on entame avec moi un bras de fer pour le pouvoir, combat que je finissais toujours par remporter, avec le sommeil indien pour arme imprévisible.
Dans le mot « joli », je ne voyais pas le compliment, mais l’injure, une manière de rabaisser l’autre et d’en faire sa chose, toute petite de préférence.
où j’habitais la nuit, où je dansais le jour, où je parlais un anglais approximatif et me taisais surtout, Londres où je ne mangeais plus et où je faisais l’amour comme on fait la guerre,