Clovis piquait déjà du nez, et Jason s’empressa de claquer des doigts.
– J’arrive, M’man ! glapit Clovis. Euh… Je veux dire, ouais les gars, je suis réveillé.
– On a commencé ensemble dans cette galère, Léo. Ça me paraît juste que tu viennes. Trouve-nous un transport, et tu es de l’expédition.
– Ouais ! s’écria Léo en tapant son poing dans sa paume.
– Ça va être dangereux, l’avertit Nyssa. Des épreuves, des monstres, toutes sortes de souffrances. Si ça se trouve, aucun de vous ne rentrera vivant.
– Oh ! (Léo sembla perdre son enthousiasme d’un coup. Puis il se rappela que tout le monde le regardait.) Je veux dire… c’est cool ! Des souffrances ? Je kiffe trop. Vas-y, on le fait !
– Ton aide serait la bienvenue, dit-il.
La statue demeura de marbre.
– Merci p’pa ! grommela Jason.
Léo ne cessait de tapoter ses jambes pour vérifier que son pantalon ne prenait pas feu. Il ne fumait plus, mais l’incident de la passerelle avait sérieusement secoué Jason. Léo n’avait pas eu l’air de s’apercevoir qu’il avait de la fumée qui lui sortait par les oreilles et des flammèches dans les cheveux. Si Léo se prenait de combustion spontanée à chaque émotion forte, la vie allait être compliquée. Jason s’imagina au fast-food avec lui « Je voudrais un cheeseburger – Ahhh ! Mon ami s’enflamme ! Vite, un seau d’eau ! »
Sur ces mots, Léo sortit le vieux croquis de sa poche et le déplia sur la table pour que tout le monde puisse le voir.
– Tenez, dit-il avec fierté. Éole me l’a rendu. Je l’ai fait quand j’avais cinq ans. C’est mon destin.
– Léo, le coupa Nyssa en fronçant les sourcils, c’est un dessin de bateau aux crayons de couleur.
Une semaine plus tôt, Piper aurait giflé Drew ou se serait réfugiée sous ses couvertures. Là, elle repensa aux Cyclopes à Detroit, à Médée à Chicago, à Midas qui l'avait changée en statue d'or. Elle regarda Drew, songea que cette fille l'avait terrifiée et éclata de rire.
Piper dégaina son poignard. Jason empoigna une planche couverte de glace qui traînait au fond du bassin. Léo plongea la main dans sa ceinture à outils mais il était tellement troublé qu’il n’en retira qu’une boîte de Tic Tac. Il la remit aussitôt en espérant que personne n’ait rien vu, et sortit un marteau à la place.
—Tu parles bien, jeune fille. Heureusement pour tes amis, sinon je les aurais pourfendus.
—J’apprécie, dit Léo. J’essaie toujours de ne pas me faire pourfendre avant le déjeuner.
Ce qui lui laissait comme seuls soutiens une déesse captive et geignarde, une pseudopetite amie armée d’un poignard et Léo, qui avait l’air de croire qu’il pouvait repousser les armées de l’ombre avec des Tic Tac.