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Citations sur Les mouches bleues (48)

Lors de la libération des camps, des soldats russes ont généreusement offert à manger aux prisonniers qui se sont jetés sur la pitance. Nombre sont morts dans d’horribles souffrances, l’estomac retourné par l’abondance.
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À l’heure de la répétition, voilà qu’en un instant la tenue rayée s’efface, devient costume de scène. La lumière rasante du soir entre par une fenêtre, comme la poursuite au théâtre. Le public, une poignée d’inconscients, s’interdit d’applaudir. Musique, maestro ! Rosebery d’Arguto tend un bras, Nowak observe son geste. Les cris, les injures, les insultes s’oublient. Les voix s’élèvent, effaçant les brimades, les violences, les affronts, l’injustice. La dignité revient.
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Un soir, à quelques pas du crématoire, un cadavre empilé avait gémi d’un soupçon de rien. J’avais posé ma main sur la sienne, qui bougeait. Une voix d’outre-tombe avait murmuré : « J’étais certain d’être mort, je n’avais ni faim ni soif, je ne souffrais plus… J’étais en paix. S’il te plaît, ne me renvoie pas en enfer. Tue-moi pour de bon. » Je l’avais sorti du tas, supplié d’ouvrir les yeux, mais il avait fini par choisir de mourir.
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Juifs, slaves, communistes, tout ce qui n’était pas aryen et national-socialiste deviendrait soit l’esclave, soit le cadavre du Reich. Mais à la frontière orientale occupée par les soldats de Moscou, ça ne se passait pas mieux : ce qui n’était pas ouvrier était suspect. La police politique communiste raflait selon la classe sociale, et cet avant-goût de la dictature du prolétariat ne valait pas mieux pour moi que l’autre.
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Sans se mêler aux pouilleux, le nazi observe son commis, le Kapo chargé de la tyrannie de base. Qui lui se répète qu’il ne fait qu’appliquer l’ordre d’un petit Führer obéissant à un Führer un poil supérieur, et que tous sont des uniformes et des ordres. Entre Hitler et le Kapo n’existent plus que des instructions appliquées à des numéros, des triangles de couleur sans plus de consistance qu’un « morceau » – ein Stück. Suffit d’exécuter, les yeux fermés et le nez bouché, pour se croire irresponsable. Voilà comment dormir sur ses deux oreilles.
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— Cherche pas à t’enfuir et compte pas les jours comme le camarade avant toi. Il additionnait les semaines et les mois, pensait que ça l’aiderait à tenir. Mais quand on ne sait pas lorsque viendra la fin, chaque jour est une tumeur qui gangrène la raison. Lutte pas avec le temps, c’est toi qui perdrais.
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Ce jeune homme vieux, silencieux, absent, restait à l'écart. Je m'étais dit : c'est toi le premier jour, en plus désespéré. Et Piotr n'était plus là pour détourner sa main du fil et l'ampoule. Je m'étais approché. Deux mots échangés. Guère plus. Pour tenter de l'arracher à l'océan de tristesse où il se noyait. Dès que je m'étais tu, il était reparti dans ses eaux tempétueuses. L'y rejoindre, je ne voyais que ça pour l'aider, et, parce qu'il fallait débuter par quelque chose, je lui avais parlé de ses cheveux gris sur sa tête juvénile. Alors son histoire avait jailli du maelström.
Depuis, lui et moi, on ne se quitte plus.
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Dans le châlit, je tends l’oreille. J’entends la plainte des ombres faméliques. Celles de nos vies qui s’épuisent. La femme de l’escalier ne jetterait pas un regard sur l’homme affaibli et fiévreux de vingt-six ans que je suis devenu. En quatre ans (quatre ans que j’ai franchi la porte du camp), des tombereaux d’eau ont coulé sous les ponts de la Vistule à Varsovie. C’est un crève-cœur, mais je me force à l’oubli – du moins j’essaye. Sachsenhausen a aussi détruit mon passé. Et si hier et demain ne comptent pas, il reste aujourd’hui où, pour survivre, puisqu’il s’agit de ça, je n’ai que les chants d’ici.
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De mes premières recherches jusqu’au point final, trahir la mémoire des martyrisés m’a hanté. J’ai cherché à rester au plus près de la vérité. Mais le diable niche dans les détails, et la souffrance de ceux qui ont été déportés et assassinés par le régime nazi exige de ne commettre aucune erreur. Même en agissant avec prudence, j’ai pu en écrire. C’est pourquoi je prends les devants. Aux victimes de cette barbarie, à leurs familles, à ceux qui œuvrent pour que soit respectée leur histoire, j’assure que ma seule excuse est d’avoir été emporté par la vie d’Aleksander Kulisiewicz. S’il n’y avait qu’un roman que je devais écrire, c’était celui-ci.
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Que nous en réchappions ou pas, la laideur de ces années nous collerait à la peau. Elle se montrait désormais sans pudeur, et à moins que tous les témoins de sa malédiction ne disparaissent dans le hurlement des bombes tombant en chapelet, elle s’accrocherait aux hommes puisqu’elle avait pris goût à leur chair. Et si, moi, je regardais l’avenir, ce n’était pas avec candeur. Le mal originel, ineffaçable du nazisme marquerait au fer rouge le futur. L’inconcevable s’était produit. Des hommes avaient rouvert la voie à la peste qui prenait tant de plaisir à les détruire ; je ne croyais pas comme Alex que l’espèce nazie était unique, d’autres proliféreraient bientôt. Les mouches bleues, comme il les appelait, étaient comme la mort, increvables.
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