Tout un défi de vouloir présenter tout l'oeuvre d'un peintre comme Delacroix et ce en 1885. Alors, bien sûr, oublions les reproductions couleurs. C'est une présentation sous la forme de catalogue que l'on présente les tableaux gravures et dessins par année, une liste de 1968 oeuvres. L'avantage de ce répertoire est que, pour chaque oeuvre il y a le numéro, le titre, une illustration (ou gravure) au trait, le format, appartenance du tableau, une description en détail du tableau et si possible une histoire lié à la réalisation.Un avantage si on compare à aujourd'hui, une indication du titre, l'année et le format, c'est tout. Une belle occasion aujourd'hui pour retrouver sur le web la version couleur des tableaux pour mieux apprécier l'oeuvre de ce grand et talentueux peintre.
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On a peine à se figurer qu'ils étaient souvent des hommes simples, s'ignorant presque eux-mêmes, échauffés à la vérité par une passion douce pour leur art, dont ils faisaient l'occupation la plus chère de leur vie ; poussés plutôt par un désir d'exprimer les idées qui les remplissaient que de jouer un rôle et de poursuivre un fantôme de réputation. En général, on ne s'est occupé d'eux qu'après leur mort, ou après que leurs ouvrages, ayant jeté beaucoup d'éclat, il était difficile de remonter aux événements qui avaient entouré le berceau de leur renommée. On peut donc dire qu'ils ont reçu la noblesse de leurs ouvrages, au rebours des gentilshommes, enfants souvent dégénérés d'illustres pères. Cet éclat de leurs travaux, en rejaillissant sur leurs personnes, est venu trop tard pour adoucir l'amertume d'une vie si souvent pleine de traverses, et n'a presque jamais servi qu'à éclairer leurs derniers pas dans une carrière pénible.
En présence de Delacroix, l'opinion se partage aujourd'hui en trois groupes : 1° Les admirateurs convaincus, fervents, qui jouissent par affinité d'âme de toutes les créations de son génie et raisonnent en même temps, motivent, expliquent leur admiration pour son talent de dessinateur et de peintre.– 2° Ceux qui l'admirent de confiance, par contenance.– 3° Le grand nombre enfin qui, ne comprenant pas, respectueusement se tait. – Nous avons gagné cela.
Cependant, il y a des nuances intéressantes à noter dans le sentiment que les grands maîtres nous inspirent. Les uns, génies parfaits, calmes, lumineux, n'éveillent en nous, à l'appel de leur nom, que des idées sereines et limpides ; nous avons pour leur mémoire un culte mêlé de tendresse. Les noms de Michel-Ange et de Rembrandt, de Léonard et d'Albert Dürer, celui de Beethoven évoquent dans notre esprit l'image de génies plus inquiets, peut-être plus troublés, à coup sûr plus troublants, tantôt s'éloignant d'un grand vol à de bien plus hautes distances de l'homme et tantôt pénétrant au plus intime de l'âme humaine.
Eugène Delacroix fait partie de cette illustre famille d'artistes mystérieux sur lesquels l'enquête reste à jamais ouverte. Il appartient à ce groupe d'esprits supérieurs que l'admirable philosophe R.W. Emerson nommait : les Représentants de l'Humanité, Representative Men. Mais en outre, il propose à nos sympathies un titre plus impératif encore. Delacroix est la manifestation suprême, dernière, et la plus haute en ce siècle du génie français dans l'art.
C'est au Lycée Impérial (Louis le Grand) que Delacroix fit ses études universitaires. Il y eut pour condisciples le docteur Véron et aussi Philarète Chasles, cet esprit éminent, si large et si varié, que ses contemporains n'ont pas classé à son véritable rang, très au-dessus des doctrinaires et des pédants pseudo-spiritualistes. Philarète Chasles a, dans ses Mémoires, tracé du Delacroix d'alors un portrait étrangement vivant et à coup sûr ressemblant.