La réponse est simple : la liberté ne peut pas être une institution. La liberté n'existe que dans le mouvement de conquête de la liberté. La conscience n'est jamais figée. Il n'y a rien d'autre en moi que ce projet d'un mouvement de moi hors de moi.
Je ne suis pas choqué par les contradictions à l'intérieur de l'homme. Je suis choqué par le monolithisme. Je ne crois pas à la vérité de l'interprétation littéraire. Je peux exprimer des choses avec une conviction totale sans les croire vraies : je les crois seulement intéressantes, excitantes. Je suis un scientifique de formation. C'est important. Le scientifiques modernes ne croient pas à la vérité de la science. Ils misent seulement sur son efficacité, et c'est très différent.
Raconter semble pour Balzac un travail naturel et innocent. Flaubert est sans doute un des premiers écrivains du XIXe siècle à avoir ressenti avec violence combien rien ne pouvait être naturel dans l'écriture. Et les sociologues actuels n'ont pas manqué d'établir un parallèle entre cette perte de confiance du romancier dans la naturalité de sa parole et la perte de confiance de la bourgeoisie dans la légitimité de ses pouvoirs.
Ces réserves d'autre part étaient sommaires, hâtives, insuffisantes. Ou bien j'admets que le roman "représente" le monde et Nathalie Sarraute, dans ces conditions, a parfaitement le droit de représenter telle partie du monde qu'elle aura choisie pour objet, par exemple ces mouvements fluides d'agression, de soumission, de capture qu'elle observe chez les êtres humains. Ou bien je lui refuse cette fonction de représentation (à Nathalie Sarraute en particulier, mais donc aussi au Nouveau Roman dans son ensemble) et on voit mal, alors, au nom de quelle innocence je pourrais prétendre, de mon côté, rendre compte de cette "dureté" ou "présence" du monde dont je parle ici.
L'esprit, n'est-ce-pas, échappe à la succession des heures et des jours ; il crée lui-même son propre temps et aussi sa liberté.
Et Barthes définit à ce moment là l'écriture comme l'intervention volontaire que j'opère sur la langue et le style. C'est-à-dire que l'écriture va se faire en quelque sorte contre la langue et contre le style, non pas forcément une distorsion comme la pratiquait Antonin Artaud ou, pour la langue anglaise, Joyce, mais un emploi volontaire, choisi comme agressif par rapport à la nature que sont la langue et le style.
Dans "Explication de "l'Étranger"", Sartre montre bien comment le passé composé coupe les éléments les uns des autres en empêchant toute idée de causalité et par conséquent de chronologie. Or, dans "Les Chemins de la liberté", il reprend ce passé simple, ce passé historique qui est d'autant plus fâcheux que l'ensemble du roman baigne dans l'histoire de France.
Le film n'est pas une image du monde, c'est, comme toute oeuvre d'art, une interrogation - incertaine, déraisonnable et mouvante - posée au monde.
Comme l'équation, la phrase ne représente rien d'autre qu'elle-même, c'est-à-dire que l'esprit qui l'a conçue ; et si elle fait semblant de parler du monde extérieur, c'est seulement un alibi qu'elle se donne, car elle ne peut parler que d'elle-même, de sa structure, de son mouvement propre, de sa propre tension, qui sont tension, structure et mouvement de l'esprit.