Guernica de Picasso

Guernica étant un mastodonte de la peinture de tous les temps, le tableau mérite à double titre d'être étudié par les collégiens et les lycéens. Les éditions Scala, avec leur collection Oeuvre choisie (qui, je crois, n'existe plus aujourd'hui sous cette forme), avait pour ambition de s'adresser d'abord aux enseignants et aux parents, dans le but d'une transmission auprès des élèves de l'école élémentaire et des collèges. J'ai un petit doute, concernant cette toile, en ce qui concerne les élèves des classes élémentaires, vu que son analyse suppose l'évocation de la guerre civile d'Espagne, de Franco, de la montée du nazisme. Ça fait peut-être beaucoup pour des élèves de moins de 11 ans, à l'heure où, en France, on sape complètement des disciplines comme L Histoire - et bien d'autres - à l'Éducation Nationale et à l'Université. Et sachant qu'on attend depuis des années que l'histoire de l'art soit enfin enseignée aux plus jeunes...

Mais revenons à l'ambition de Scala avec son petit opus sur Guernica. Dans l'ensemble, c'est du bon travail, puisque tout y est : analyse du tableau, avec de très bienvenus découpages des figures afin de les isoler et de mieux les cerner, et un schéma qui faite ressortir la composition. le sujet et, donc, le contexte historique sont bien présentés, de façon courte mais efficace. Et la symbolique, si importante, est très bien éclaircie. le plus beau, c'est que le livre ne s'arrête pas là, mais s'intéresse à d'autres tableaux représentant la guerre, comme La Bataille de San Romano d'Uccello, Les Massacres de Scio de Delacroix ou encore La Guerre du Douanier Rousseau. Ceci afin d'établir les points de convergence de Guernica avec d'autres représentations de la guerre en peinture, mais aussi d'en dégager les spécificités. La question de la peinture d'histoire est d'ailleurs évoquée de façon plus générale.

Là où ça devient légèrement foutraque c'est lorsqu'on s'intéresse de plus près à Picasso lui-même. La raison pour laquelle ses ses innombrables histoires de bonnes femmes font l'objet d'un chapitre ne saute pas aux yeux ; et pourtant, on y apprend que sans Dora Maar et ses photographies, on ne serait pas aussi bien renseigné aujourd'hui sur le processus création de Picasso lorsqu'il peignit Guernica ; mais, surtout, c'est l'occasion de parler de la figure du Minotaure (et ça, je l'attendais depuis un moment et je me demandais si ça allait venir). D'autres thématiques importantes sont abordées, comme la mythologie dans laquelle puisait Picasso, le cubisme, évidemment, etc. Tout ça dans un livre très concis et peu épais.

Quelques pistes de réflexions sont suggérées à la fin, sous la forme de petits exercices ; peut-être qu'Anette Robinson aurait pu faire plus original, mais je suppose qu'elle s'est coulée dans le moule imposé par Scala et la collection. Je ne suis pas certaine en revanche que le dernier "exercice" proposé sur les couleurs s'harmonise bien avec le reste. Il est clairement conçu pour des enfants d'école élémentaire (et un peu poussif), les collégiens risquent fort de le bouder.

Notons enfin qu'une représentation de Guernica est dépliable à la fin de l'ouvrage, mais qu'il eut été judicieux d'indiquer dès la première page où on pouvait la trouver - "Quoi, pas de reproduction de l'oeuvre en grand format???" me suis-je dit, agacée, avant d'arriver à la dernière page... Ben oui, avant de lire une analyse de tableau, c'est quand même mieux d'avoir d'abord regardé sa reproduction !

En bref, un livre plutôt bien conçu, qui atteint son but, mais dont le public visé indirectement me pose problème.