Une certaine idée de la Grèce

- A.G. - Et le mot « démocratie », quand apparaît-il ?

- J. de R. - On le rencontre la première fois chez Hérodote, à propos d'événements antérieurs. On avait employé d'abord d'autres mots, très beaux, comme isonomie, l'égalité des droits, ou parrésia, liberté de parole ; « démocratie » apparaît semble-t-il, nettement après les guerres médiques et à peu près en même temps que les mots « aristocratie », « monarchie », « tyrannie », « oligarchie ».

2039 - [Le Livre de poche n° 30528, p. 129]

- J. de R. - ... nous trouvons chez Homère, dans ses descriptions d'armements, de vêtements, de coutumes funéraires, un mélange de faits que l'archéologie date d'époques très différentes. Il y a des éléments (la coupe de Nestor, par exemple, correspond à un type de coupe retrouvé à Mycènes) qui remontent au douzième siècle avant [avant notre ère], l'époque supposée de la guerre de Troie ; il y en a d'autres qui paraissent même antérieurs ; mais d'autres encore sont nettement plus récents, comme lorsque l'Odyssée mentionne les Phéniciens, peuple qui n’apparut qu'au huitième siècle en Méditerranée. L'épopée homérique mélange donc des faits qui n'ont jamais été contemporains.

2540 - [Le Livre de poche n° 30528, p. 229]

... la recherche, vous le savez bien, ce n'est pas une guerre de ceux qui pensent ceci contre ceux qui pensent cela, c'est un effort commun.

2022 - [Le Livre de poche n° 30528, p. 72]

… les études classiques et la formation aux langues anciennes ne rapportent rien de façon directe. C'est là qu'est la difficulté et, en même temps, l'explication de la situation actuelle : parce qu'on ne réfléchit pas assez à ce qu'est l'éducation, on ne se rend pas compte que le détour – faire du grec et du latin – est formateur, et que, même pour l'exercice futur d'une profession et pour la réussite d'une carrière, le fait d'apprendre bien sa langue, de savoir s'exprimer, d'avoir à sa disposition des modèles d'idées et de raisonnements, constitue une force et un atout considérables. Mais c’est indirect, cela ne se voit pas, du moins dans l’immédiat, et nous sommes à une époque où l'on veut voir et toucher.

2916 - [Le Livre de poche n° 30528, p. 318]

J. de R. - ... à Syracuse par exemple, après le désastre de Sicile (- 413), on libéra les prisonniers athéniens qui étaient capables de chanter les chœurs d'Euripide.

2053 - [Le Livre de poche n° 30528, p. 172]

J. de R. - Je crois que l'on ne se rend pas assez compte de la masse des découvertes nouvelles qui viennent sans cesse nourrir l'étude du monde grec.
... quand je pense qu'en l'espace d'une vie - ma vie ! - on a su lire l'écriture mycénienne, ce qui a révélé alors un grec bien plus ancien qu'on ne l'avait imaginé.

2023 - [Le Livre de poche n° 30528, p. 81/82]

... en voyant la façon dont étaient exprimées, en ce début de notre culture, ces idées que les Grecs découvraient alors et qu'ils développaient avec une merveilleuse clarté, j'ai très souvent éprouvé cette espèce de saisissement qu'apporte la présence de la beauté. Je ne veux pas dire par là que les Grecs étaient des optimistes béats, peignant la vie sous des couleurs absolument charmantes et douces ! ils sont les inventeurs de la tragédie, ils connaissent la violence, la guerre, la mort ; mais ils ont eu conscience de tout ce qu'il y a d'émouvant, de magnifique, de stimulant même dans la vie humaine, et ils ont su le dire de manière incomparable.

1744 - [Le Livre de poche n° 30528, p. 56]

A.G. - Les mots que l'on emploie révèlent toujours quelque chose. C'est ce que disaient, à leur manière, ceux qui, dans les années 70 du siècle précédent, affirmaient que « le langage n'est pas innocent. »

J. de R. - Jamais en effet ; il n'y a qu''à voir, malheureusement, quels mots nous mettons à la mode aujourd'hui !

2037 - [Le Livre de poche n° 30528, p. 128]

– A.G. - La religion est-elle absente de l'œuvre [de Thucydide] ?

J. de R. - On ne peut pas dire cela. Les dieux n'interviennent jamais, ne causent pas les événements : rien dans son « Histoire », n'est présenté comme une intervention miraculeuse. Cela est certain et fortement marqué, mais cela n'implique pas nécessairement qu'il n'ait pas fait sienne la croyance dans les dieux. Il indique comme un des maux résultant de la peste d’Athènes ou de la guerre civile, que la croyance dans les dieux et le respect des lois divines se perdaient, et il semble le déplorer ; le fait qu'il écarte les dieux du récit et s'en tienne aux causes humaines est une certitude...

2029 - [Le Livre de poche n° 30528, p. 103]

Démosthène, plus que tout autre, a insisté sur le fait que le respect des personnes, les institutions de la cité, la lutte contre la violence, étaient liés à l'existence de la loi. Que la loi soit une défense contre ce qu'on appelle le droit du plus fort, c'est une idée que l'on trouve, significativement, aussi bien chez les sophistes, qui le déplorent... que chez les partisans de la démocratie comme Démosthène.

2046 - [Le Livre de poche n° 30528, p. 139-140]