Pico Bogue, tome 10 : L'amour de l'art

Je suis une inconditionnelle de Pico Bogue, ce gamin philosophe décalé !!! Et quand l'art s'en mèle, ses cheveux s'emmêlent encore plus, et les lecteurs non avertis peuvent apprendre des tas de choses sur le sujet !!!
À mettre entre les mains des petits et des grands !!!

(Pour moi, ce duo Mère-fils fonctionne toujours, elle écrit, il dessine, pour mon plus grand plaisir).

Dans ma librairie spécialisée en bandes dessinées, manga et comics, j'avais entendu parler de Pico Bogue sans y prêter une grande attention. Hier, à la recherche d'une bande dessinée pour un calendrier de l'avent pour mes enfants, je suis tombé sur le dixième tome de Pico Bogue, L'amour de l'art, et sur une bande dessinée d'Hubert Reeves sur la biodiversité.

Après les avoir rapidement feuilletés, je suis reparti avec les deux albums dont j'ai commencé et terminé la lecture du Pico Bogue.

Comme le titre l'indique, ce dixième tome qui marque l'anniversaire des dix ans de Pico Bogue est consacré à l'art. La maîtresse de Pico Bogue demande en effet à ses élèves de réaliser pour la fête de l'école une oeuvre d'art qui y sera exposée.

Sur cette base, Dominique Roques et Alexis Dormal enchaînent les réflexions sur l'art - sa définition , la place du non-artiste par rapport à l'art, ... - en mobilisant les oeuvres et réflexions d'artistes - Malevitch, Soulages, Munch, Rembrandt, … - dans des histoires courtes (parfois c'est presque du strip) et adaptées aux enfants (la cible initiale). Sans être pédant, le tout est empreint d'érudition et également très drôle. L'histoire intitulée "Doute" est dans laquelle Pico Bogue rencontre les personnages peints par de grands peintres est particulièrement réussi - elle rappelle la bande-dessinée Les disparues d'Orsay de Stéphane Levallois - avec la rencontre de l'homme du Cri de Munch qui s'enfuit devant l'auto-portrait de Pico Bogue et la fuite devant La Vague d'Hokusai.

En lisant une page à mon épouse, elle m'a fait remarqué qu'il faudrait expliquer certains éléments aux enfants. Je lui ai demandé si elle connaissait bien les oeuvres de Malevitch et Soulages. Sa réponse a été négative. de mon côté, je suis loin d'être en ce domaine un spécialiste et un peu comme Arnaud Fleurent-Didier à qui

« Elle ne m'a pas parlé des livres.
De l'histoire des idées.
Pas de politique à suivre.
Pas de mouvements de pensées. »*

mes parents ne m'ont pas parlé de peinture, de littérature, de musique, … Il est temps de remettre la main sur mon exemplaire de L'Art au XXe siècle pour discuter avec mes enfants d'art et de cet album de Pico Bogue.

En alliant érudition et humour, L'amour de l'art est une belle pioche** qui me conduira à aller lire les autres tomes de Pico Bogue et d'Ana Ana, sa soeur.

* France-Culture - Arnaud Fleurent-Didier

« Il ne m'a pas appris l'anglais
Il ne m'a pas appris l'allemand
Ni même le français correctement

Elle ne m'a pas parlé des livres
De l'histoire des idées
Pas de politique à suivre
Pas de mouvements de pensées

Elle ne m'a rien montré de pratique
Ni cuisine ni couture
Faire monter une mayonnaise
Monter une SARL, tenir un intérieur

Il ne connaissait pas grand-chose en mathématiques
Ni l'équation de Schrödinger
Mais pour être honnête
On a veillé à c' que je perfectionne mon revers à deux mains
Que je fléchisse bien sur les jambes, mais ce n'est pas resté
Ce n'est pas rentré

On m'a donné un modèle libéral, démocratique
On m'a donné un certain dégoût
Disons désintérêt de la religion

Mais il ne m'a pas dit à quoi servait le piano
Ni le cinéma français qui, pourtant, le faisait vivre
Elle ne m'a pas dit comment ils s'étaient mariés, trompés, séparés
Ni donné d'autre modèle à suivre
On m'a pas parlé de Marx, rival de Tocqueville
Ni Weber, l'ennemi de Lukács
Mais on m'a dit qu'il fallait voter

Elle n'a pas caché l'existence mais a tu celle de
Rousseau, de Proust, de « Mort à crédit »

Ils n'ont fait aucun commentaire sur Mai-68
Aucun commentaire sur la société du spectacle
Mais ils savaient que Balzac était payé à la ligne
Et qu'on pouvait en tirer un certain mépris

Ils ne connaissaient pas d'histoires de résistance ou de Gestapo
Mais quelques arnaques pour payer moins d'impôts

Ils se souvenaient en souriant de la carte du PC de leurs pères
Mais peu de de Gaulle, une blague sur Pétain, rien sur Hitler

Ils avaient connu le monde sans télévision mais n'en disaient rien
Ils n'avaient pas voulu que je regarde « Apocalypse Now »
Mais je pouvais lire « Au coeur des ténèbres »
Je ne l'ai pas lu. On ne m'a pas dit que c'était bien

On ne m'a pas dit comment faire avec les filles
Comment faire avec l'argent, comment faire avec les morts
Il fallait trouver comment vivre avec demi-frère, demi-soeur
Demi-mort, demi-compagne, maîtresse et remarié
Alcoolique, pas français
Fils de gauche tu milites, milites
Fils de droite : hérite, profite

On ne m'a pas donné de coups
On m'a sans doute aimé beaucoup
Il n'y avait pas de choses à faire
À part, peut-être, polytechnicien
Il n'y avait pas de choses à ne pas faire
À part, peut-être, musicien

Elle m'a fait sentir que la drogue était trop dangereuse
Il m'a dit que la cigarette était trop chère
Elle m'a dit qu'une fois elle avait été amoureuse
Elle ne m'a pas dit si ça avait été d' mon père

Elle ne m'a pas dit comment faire quand on se sent seul
Il ne m'a pas dit qu'entre vieux amis, souvent, on s'engueule
On s'embrouille, que tout se brouille, se complique
Qu'il faudrait faire sans

Elle ne m'a rien dit sur Freud et j'ignore Lacan
Pas de conseils ni de raison pratique
Pas de sagesse de famille, pas d'histoires pour faire dormir les enfants
Pas d'histoires pour faire rêver les grands

Il ne soufflait mot de la Nouvelle Vague
Et de tout ce qu'on voyait avant
Mais parlait du Louvre comme d'un truc intéressant

On ne disait rien sur Michel Sardou
Mais on devait aimer Julien Clerc
On m'a parlé d'un concert

Sinon, je ne sais rien des pauvres
Je ne sais rien des restes d'aristocrates
Je ne sais rien des gauchistes
Je ne sais rien des nouveaux riches
On ne parlait pas de cathos, ni de juifs
Ni d'Arabes
Il n'y avait pas de Chinois
Elle trouvait que les Noirs sentaient
Elle n'aimait pas les odeurs
Lui, lui s'en foutait »

** Comme le sculpteur lorrain Charles-Augustin (Pioche).

Lire un album de Pico Bogue c'est toujours un joli moment d'éclats de rire nuancé de touches de tendresse. le dessin aux couleurs pastel et les expressions des personnages d'Alexis Dormal donne le ton à chaque réplique, dialogues, idées, mis en scène de Dominique Roques. Au fil des albums et du temps, l'affection particulière que j'éprouve pour Pico, ses amis, sa famille ne se dément pas. Dans cet album qui tourne essentiellement sur l'art, sa forme, son concept, son importance, le plaisir est dans la découverte de chaque planche dessinée et dans chaque réflexion émise par tout ce petit monde. Comme souvent, l'album peut être lu à différents niveaux, offrant aux enfants et aux parents le plaisir de partager une lecture savoureuse.

Les deux amis de Pico, Ana Ana sa soeur et son amie Norma vont être presque ensemble tous les 5, tout le long du volume, il s'agit de créer des oeuvres d'art pour une fête de l'école.

Cette fois-ci tout tourne autour de l'art et c'est passionnant pour tout le monde !

Il y a énormément de citations d'artistes, de réflexions sur l'art, et les enfants rebondissent dessus pour se chamailler, ou créer, c'est super drôle !

Un volume créatif, à mettre entre toutes les mains.

L'enseignante de Pico n'a pas imaginé ce qu'elle allait déclencher en demandant à ses élèves de créer une oeuvre d'art pour la fête de l'école. Ce fut une véritable tempête dans les cerveaux de Pico, Ana Ana, Barnabé, Charlie et Norma. Ils ont créé les colloques sur l'art pour « brainstormer » leurs idées. Tout y passe, la peinture (Picasso, Basquiat, Warhol…), la sculpture (Giacometti), les citations d'écrivains, le dessin, la vidéo et j'en passe. Et pour finir, ils feront la part belle à un art qui nécessite d'avoir le sens du rythme et de la musique. Ces gamins sont toujours aussi malicieux et inventifs.