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Critique de bgbg


La marche de Radetzky, par Joseph Roth. J'avais lu deux livres de Joseph Roth – Job et Hôtel Savoy –, et je prenais cet écrivain pour un conteur, un raconteur d'histoires, plus proche d'Isaac Bashevis Singer que de Flaubert ou Zola. J'ai découvert avec ce livre un auteur classique, avec un sujet classique et une écriture – construction, style, rythme – classique. Cela étant, on sent vibrer en lui, des cordes sensibles que beaucoup ont repérées sans difficulté tant cet écrivain de langue allemande, autrichien, juif plus ou moins assumé, n'a jamais fait mystère de sa passion pour l'Empire austro-hongrois et pour la personne de l'Empereur, ainsi que de son regret que la monarchie décline.
Si l'on est armé de ces notions, ce roman apparaît bien comme une illustration de ce déclin. Nous sommes à la fin du XIXe siècle et au début de XXe. le monde occidental est en train de se transformer, la bourgeoisie triomphe, l'idée démocratique prend corps en même temps que les nationalismes s'exacerbent partout en Europe, tandis que la misère dans les campagnes ne recule pas. C'est la Belle Époque, mais pas pour tout le monde. A Vienne, on boit, on danse, on s'amuse, dans les garnisons, on s'ennuie, dans les usines, ça gronde sans crainte de troubler l'ordre dit public.
La fidélité à l'Empire et à l'Empereur François-Joseph est ce qui relie les Trotta, anoblis et devenus von Trotta : le grand-père, soldat, est un héros national car il a sauvé la vie du jeune monarque à la bataille (perdue pour les Autrichiens) de Solférino ; le père est préfet en Moravie, personnage rigide aux habitudes ancrées et qui aspire à ce qui son fils fasse la carrière militaire dans la cavalerie qu'il n'a pas faite ; le fils devient effectivement militaire mais, sans ambition, il aspire à une autre vie, tout en étant quelque peu écrasé par l'exemple de son héroïque grand-père. À Vienne, une femme l'attend et l'initie aux plaisirs de la ville, cependant que se profilent des émeutes ouvrières que l'armée – donc le fils Trotta - doit mater et les évènements dans les Balkans qui déclencheront la Première Guerre mondiale.
Joseph Roth ne s'appesantit pas sur le contexte géopolitique de l'époque. Son propos, c'est le destin de cette dynastie Trotta, en proie au malheur, le fils se laissant mener par les évènements, par devoir ou par faiblesse, le père mettant sa détermination au service des manquements de son fils et laissant le doute s'instiller en lui en lieu et place de ses certitudes passées, tandis que le grand père, le héros de Solférino, a brisé sa carrière militaire et s'est isolé sur sa terre natale quand il s'est estimé trahi. En même temps que les Trotta se laissent gagner par une grande lassitude, le vieil Empereur s'épuise et meurt, et la guerre achève de décomposer l'Autriche-Hongrie.
En lisant ce roman, je me demandais pourquoi on s'accroche à un livre, comment naît le plaisir de lire, comment on s'approprie un roman, des personnages, un auteur, quels critères font d'un livre une oeuvre de première importance. L'histoire, le fil narratif, l'intrigue, la construction du récit, les héros, leur personnalité, leurs actes, le style, tout cela y contribue, mais il s'y ajoute un je ne sais quoi qui cimente l'ensemble, lui donne une grâce et fait impression (réfléchissons au sens de ce mot) sur le lecteur. Qui perd alors presque tout esprit critique.
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