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Citations sur La Marche de Radetzky (111)

L'Empereur était un vieil homme. C'était le plus vieil empereur du monde. Autour de lui, la mort traçait des cercles, des cercles, elle fauchait, fauchait. Déjà le champ était entièrement vide et, seul, l'Empereur s'y dressait encore, telle une tige oubliée, attendant. Depuis de nombreuses années, le regard vague de ses prunelles claires et dures se perdait en un vague lointain... Dans sa maison, il trottinait à pas menus. Mais aussitôt qu'il foulait le sol de la rue, il essayait de rendre ses cuisses dures, ses genoux élastiques, ses pieds légers, son dos droit. Il emplissait ses yeux d'une artificielle bonté, véritable qualité des yeux d'un empereur. Alors ses yeux semblaient regarder tous ceux qui le regardaient et saluer tous ceux qui le saluaient. Mais en réalité les visages ne faisaient que passer devant eux, planant, volant, sans les effleurer, et ils restaient braqués sur cette ligne délicate et fine qui marque la limite entre la vie et la mort, au bord de cet horizon que les vieillards ne cessent pas de voir, même quand il leur est caché par des maisons, des forêts, des montagnes. Les gens croyaient François-Joseph moins renseigné qu'eux, mais peut-être en savait-il plus long que beaucoup. Il voyait le soleil décliner sur son empire, mais il n'en disait rien.
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La caserne se trouvait au nord de la ville. Elle fermait la large route bien entretenue qui renaissait derrière le bâtiment de brique rouge et s’enfonçait dans la campagne. La caserne semblait plantée dans la province slave, comme un signe du pouvoir impérial et royal de l’armée des Habsbourg. Elle barrait même le passage à l’antique voie que les migrations séculaires des peuples slaves avaient rendue si large et si spacieuse. La route était forcée de lui céder la place. Elle traçait un arc de cercle autour de la caserne. Quand on était à l’extrémité septentrionale de la ville, au bout de la rue, à l’endroit où les maisons rapetissaient de plus en plus et finissaient par se transformer en huttes villageoises, on pouvait apercevoir, au loin, par temps clair, la large porte voûtée, jaune et noire, de la caserne, présentée à la ville comme un gigantesque écu habsbourgeois, une menace, une protection ou les deux à la fois.
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On dirait même que Dieu en personne ne veut plus porter la responsabilité du monde.
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Ils venaient. Ils venaient du cabaret. Leur chant les précédait, un chant que le sous-lieutenant n'avais jamais entendu encore, qu'on avait à peine entendu jusque-là dans la contrée. C'était "l'Internationale" chantée en trois langues (..)
Le sous-lieutenant éprouva un vague sentiment de la fin du monde. Il se rappela les brillantes couleurs de la Fête-Dieu et, un instant, il lui sembla que le sombre nuage des rebelles déferlait à la rencontre du cortège impérial. Un seul et furtif instant, le sous-lieutenant reçut le sublime pouvoir de penser en images, il vit les temps rouler l'un contre l'autre comme deux blocs de rocher, et lui-même, le sous-lieutenant, était broyé entre les deux.
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[...] ... Trois jours plus tard, on mettait dans sa tombe le corps de M. von Trotta. Le maire de la ville de W* prononça un discours. Et comme tous les discours de ce temps, le sien aussi commença par la guerre. Puis le maire dit encore que le préfet avait donné à l'Empereur son fils unique et qu'il avait continué malgré tout à vivre et à servir. Cependant, la pluie arrivait, infatigable, sur les têtes nues des personnes rassemblées autour de la fosse. Un frémissement, un bruissement s'échappaient des buissons, des couronnes et des fleurs mouillées. Dans la tenue de médecin-chef de la territoriale, qui lui était inhabituelle, le Docteur Skowronnek [médecin et ami du disparu] essayait de garder la position martiale du garde-à-vous bien que, en sa qualité de civil, il ne la tînt aucunement pour l'expression d'une piété exemplaire. "La mort n'est pas un médecin d'état-major, après tout !" se disait le docteur. Puis il fut l'un des premiers à s'approcher de la fosse. (...)

Comme il quittait le cimetière, le maire l'invita à partager sa voiture. Le docteur y monta.

- "J'aurais bien dit encore," déclara le maire, "que Monsieur von Trotta ne pouvait pas survivre à l'Empereur. Ne croyez-vous pas, docteur ?

- Je ne sais pas," répondit Skowronnek. "Je crois qu'ils ne pouvaient, ni l'un, ni l'autre, survivre à l'Autriche." ... [...]
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Tout ce qui grandissait avait besoin de beaucoup de temps pour grandir, tout ce qui disparaissait avait besoin de beaucoup de temps pour se faire oublier. Mais tout ce qui avait existé un jour avait laissé des traces et l’on vivait alors de souvenirs comme l’on vit aujourd’hui de la faculté d’oublier vite et définitivement.
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Mon deuxième de Joseph Roth après Job, le roman d'un homme simple dans lequel il relate la vie des communautés juives à travers la vie d'un maître d'école...vivant sa foi dans les épreuves jusqu'à s'épuiser et à renier Dieu comme un Job dans tes temps modernes, appelant même Dieu "ispravnik" le comparant ainsi au chef de la police du temps tsars...même avec ce titre très évocateur, l'auteur arrive à maintenir un suspens, à pousser le lecteur à poursuivre jusqu'à une fin palpitante et heureuse...Comme dans ce roman, la "marche de Radetzky" est un ragrd lucide sur un monde qui disparait dans cette histoire d'une famille relatée sur quatre générations sous la monarchie Austro hongroise. L'auteur y brosse le portrait critique et satirique de cette monarchie en relatant l'histoire de la famille "TROTTA" qui s'élèvera grâce à un acte de bravoure du jeune lieutenant TROTTA en sauvant un emprereur très maladroit qui a failli se faire tuer lors de la Bataille de Solférino...L'empereur reconnaisant anoblit TROTTA, la génération suivante vivra avec le flambeau de ce geste jusqu'au déclin annoncé de la monarchie...il y a dans ce recit une forme de nostalgie qu'on retrouve dans le premier roman évoqué plus haut...même si l'auteur avance dans l'humour, il n'en reste pas moins que ce sont des tragédies qui s'écrivent au fil des pages...A lire FORCEMENT LES DEUX
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[...] ... Joseph Trotta, baron von Sipolje, reçut de mauvaise grâce, comme un affront, les faveurs impériales. Sans lui, on mena, et perdit, la campagne contre les Prussiens. Il était amer. Déjà, ses tempes devenaient d'argent, ses yeux ternes, son pas était lent, sa main lourde, sa bouche plus silencieuse qu'auparavant. Bien qu'il fût dans ses meilleures années, il paraissait vieillir vite. Il avait été chassé de ce paradis qu'était sa foi rudimentaire en l'Empereur, la vertu, la vérité et le droit. Prisonnier de la résignation et du mutisme, il découvrait que la ruse fonde la pérennité du monde, la force des lois et l'éclat des majestés. L'Empereur en ayant occasionnellement exprimé le désir, le texte n° 15 [le texte incriminé par Trotta et dont il voulait la révision ou le retrait] disparut des manuels de lecture de la monarchie. Le nom de Trotta subsista exclusivement dans les annales du régiment. ... [...]
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- Tu mens ! dit-elle enfin, grossier par politesse et elle l'étreignit dans un nouveau déferlement de gratitude. Les lumières blanches ds gares défilaient devant la portière,illuminaient le compartiment, éclairaient le pâle visage de la femme et semblaient lui dénuder une fois de plus les épaules. Le sous lieutenant reposait sur sa poitrine comme un enfant. Elle éprouvait une souffrance bienfaisante, bienheureuse, maternelle. C'était un amour maternel qui circulait dans ses bras et les remplissait d'une force neuve. Elle voulait du bien à son amant comme à son propre enfant, comme s'il était issu de son sein, de ce même sein qui l'acceuillait en ce moment...
- mon enfant, mon enfant! répétait-elle.
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Il était de bonne humeur, tout illuminé par un soleil intérieur, particulier, caché. Il admirait sa propre puissance de travail, la vantait, réclamait de l'admiration. Il développait une imagination inhabituelle. Elle le gratifiait d'au moins deux idées par jour, alors que, d'ordinaire, il s'était parfaitement tiré d'affaire avec une par semaine. Et ces idées n'étaient pas seulement en rapport avec la fête, elles touchaient aussi aux grandes questions de la vie, aux règlements des exercices par exemple, à l'ajustement et même à la tactique. Ces jours-là, le colonel se rendait vraiment compte qu'il pourrait, sans plus de façons, être général.
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