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Citations sur Bonheur d'occasion (39)

Le printemps, elle l'avait aimé autrefois ! Il y avait eu deux beaux printemps dans sa vie. Celui où elle avait rencontré Azarius, si gai à cette époque, que déjà la vieille madame Laplante, sa mère à elle, prophétisait : "M'est idée qu'il fera jamais rien de drôle, c'lui-là. Y est trop porté à tout voir en beau." Puis le printemps où était née Florentine, sa première. Elle se rappelait la douceur de ces deux printemps-là. Parfois, au fond de son souvenir, elle croyait en sentir encore jusqu'à l'odeur des feuilles fraîches. Elle se revoyait, en de rares moments de détente, poussant la voiturette de Florentine dans le soleil. Des voisins se penchaient sur les rubans, les dentelles, et disaient : "Vous vous donnez ben du trouble ; quand ce sera votre dixième, vous en ferez pas autant."
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Mais il la retenait contre lui. Il savait maintenant que la maison de Florentine lui rappelait ce qu'il avait par-dessus tout redouté : l'odeur de la pauvreté, cette odeur implacable des vêtements pauvres, cette pauvreté qu'on reconnaît les yeux clos. Il comprenait que Florentine elle-même personnifiait ce genre de vie misérable contre laquelle tout son être se soulevait. Et dans le même instant, il saisit la nature du sentiment qui le poussait vers la jeune fille. Elle était sa misère, sa solitude son enfance triste, sa jeunesse solitaire ; elle était tout ce qu'il avait haï, ce qu'il reniait et aussi ce qui restait le plus profondément lié à lui-même, le fond de sa nature et l'aiguillon puissant de sa destinée.

C'était sa misère, sa tristesse qu'il tenait entre ses bras, sa vie telle qu'elle pourrait être, s'il ne s'était arraché d'elle comme d'un vêtement gênant. Il pencha la tête sur l'épaule de la jeune fille et, songeant au grand tourment d'affection qu'il avait eu, tout petit, il murmura sans y penser, comme si c'était dans le passé qu'il l'eût connue :
- Une petite taille de rien du tout. Mes mains en feraient le tour.
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«  La mort du présent n’est rien: c’est la perte de l’avenir en soi qui est déchirant » …
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l'image de Florentine pourrait mourir dans son souvenir,l'image de sa jeunesse pourrait se perdre,mais jamais il n'oublierait l'affreuse pauvreté qui avait entouré leur instant d'amour.Cela était la suprême offense qui déteignait sur son sentiment de supériorité,le gênait déjà jusque dans ses ambitions de l'avenir,se présenterait peut-être à lui chaque fois qu'il réussirait et d'autant plus qu'il réussirait.
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Ils disent qu'il faut être spécialisé de nos jours pour se trouver de l'ouvrage .Ben, voulez vous que je vous le dise:un métier ,de nos jours,c'est pus rien.On passe la moitié de sa vie à l'apprendre son métier,pis le reste de sa vie à l'oublier.Non, les belles époques des métiers,c'est fini.Aujourd'hui, c'est pus que dans des petites jobs qu'un homme se réchappe...
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Elle, silencieuse, songeait que la pauvreté est comme un mal qu'on endort en soi et qui ne donne pas trop de douleur, à condition de ne pas trop bouger. On s'y habitue, on finit par ne plus y prendre garde tant qu'on reste avec elle tapie dans l'obscurité; mais qu'on s'avise de la sortir au grand jour, et on s'effraie d'elle, on la voit enfin, si sordide qu'on hésite à l'exposer au soleil.
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-Il y a une grande différence entre nous deux; toi, tu crois que c'est les soldats qui changent le monde, qui mènent le monde; et moi, bien moi, je crois que c'est les gars qui restent en arrière et qui font de l'argent avec la guerre.
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Le désir de pénétrer l'âme du peuple, il l'avait toujours éprouvé, mais jamais avec une telle intensité, comme si en allant vers le peuple, en restant avec lui, il continuait sa recherche de Florentine, une recherche qui le mènerait a une plus grande compréhension de la jeune fille qui détruirait entre eux tous les obstacles. Oh, trouver une voix, entendre une voix ce soir, n'importe laquelle, mais qui lui parlât le langage de Florentine, le langage du peuple!

Et soudain, il pensa à ses compagnons de la rue Saint-Ambroise, à ceux qui se rassemblaient chez la mère Philibert. Toute une série de visages marqués par la déception, marqué par la rudesse de la vie, surgissant à ses yeux. Se pouvait-il qu'il les eût si complètement oubliés, ces amis-là, les premiers, ceux que dans son enfance il avait rencontrés tout grelottants de misère, ceux qui s'étaient dressés comme autant de reproches vivants entre lui et une certaine aisance, une certaine mollesses dont il aurait pu jouir ? (...) Brusquement, il tourna sur lui-même et se dirigea vers la rue Saint-Ambroise.
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Tous les petits tourments habituels auxquels s’ajoutaient ce soir la méfiance de l’inconnu, l’effroi de l’inconnu pire chez Rose-Anna que la certitude du malheur, et des souvenirs pesants, lourds à porter encore, venaient de la chercher dans l’ombre où elle était livrée sans défense, les paupières closes, les mains abandonnées sur sa poitrine. Jamais la vie ne lui avait paru aussi menaçante, et elle ne savait pas ce qu’elle redoutait. C’était comme un malheur indistinct, n’osant encore se montrer, qui rôdait dans la petite maison de la rue Beaudoin.
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Oh, qu'elle l'entendait bien la voix qui n'avait pas su la calmer dans la peine, la rassurer dans l'inquiétude, mais qui, cinq fois, dix fois peut-être dans sa vie, à des moments fulgurants, avait su la soulever jusqu'aux sommets les plus hauts de la félicité! Par lui, elle avait eu froid et faim, par lui elle avait vécu dans de misérables abris, éprouvé la peur du lendemain la rongeant jour après jour; mais par lui aussi elle avait bien entendu les oiseaux à l'aube -T'entends-ti le petit merle sur le toit, ma femme- disait-il en s'éveillant;- par lui elle avait perçu encore que le printemps venait. Par lui quelque chose de sa jeunesse, un frémissement s'était conservé, une faim peut-être qui endurait les années.
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