J'ai vraiment fait une découverte historique en lisant ce témoignage autobiographique de
Walter Ruge (âgé de 88 ans lorsqu'il l'a écrit en 2003/2004).
J'ignorais totalement que des communistes allemands avaient fait le choix de s'exiler volontairement vers la Russie voyant arriver le nazisme dans leur pays et encore moins que ceux-ci avaient dû faire les frais du goulag soviétique sous l'ère Staline, car considérés comme de potentiels terroristes ou espions.
Il ne s'agit donc pas là d'une histoire romancée mais bien d'un témoignage factuel du vécu de l'un de ces prisonniers :
Walter Ruge emprisonné puis assigné à résidence de 1941 à 1955 ! Un témoignage précieux que l'on doit à sa traductrice qui a considéré tout son intérêt mémoriel.
On suit donc Walter de son enfance à son retour en Allemagne de l'Est et ce jusqu'à la réunification. Les différents aspects abordés dans ce livre sont principalement les conditions de son incarcération sans motif valable, puis les aléas de sa détention dans l'enfer blanc du goulag. Travail, amours, amitiés, relations avec sa famille y sont abordés simplement. Je suis quand même restée sur ma faim. J'aurais bien voulu comprendre la raison d'être de sa "docilité" à l'égard de ses geôliers. Comment à vingt-six ans, peut-on se satisfaire d'être empêché de vivre sa vie, d'aller et venir au gré de ses désirs alors qu'on est innocent ? Il est dommage que les aspects politiques ne soient que très légèrement abordés. Peu ou pas de dénonciation du régime en place. La seule prise de position venant sur la fin du livre, avec la réunification. Est-ce à dire que l'intéressé était trop passionné par la cause communiste ou "conditionné" pour analyser froidement ce qui lui arrivait ? Est-ce à dire qu'après tout ce temps, l'intéressé ne s'est pas autorisé à dire ce qu'il pensait vraiment par crainte de représailles pour lui et sa famille ? Peu importe, l'intérêt de ce livre est de faire connaître cet aspect de l'histoire et de ce point de vue, l'objectif est atteint.
Extrait de la préface de
Anne-Marie Pailhès (sa traductrice) :
"Le récit de
Walter Ruge se différencie de ce qui a été publié sur les communistes au goulag ; sous sa plume, il n'est pas question de pardon, de "repentance", de "victimes", de haine ou de ressentiment, mais simplement du formidable appétit de vivre et de l'optimisme fondamental qui lui ont permis de traverser les épreuves. A l'heure des "livres noirs" et des comparaisons courantes entre nazisme et stalinisme, son témoignage apporte un éclairage inhabituel sur un chapitre de l'histoire allemande encore peu connu en France. le goulag tardif qu'a connu
Walter Ruge, qui eut le "privilège" de faire partie du corps médical, après six ans de dur travail, n'est pas un système d'extermination."