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Critiques filtrées sur 3 étoiles  
Où suis-je, où vais-je, dans quel état Saer ?

Si je n'avais pris l'habitude de rendre compte ici de mes lectures, pour peu que j'imagine avoir quelque chose d'un peu original à en dire, pour être franc, j'aurais laissé tomber L'enquête.

À la différence du style éblouissant de L'ancêtre, les longues phrases ne s'écoulent pas, elles charroient, méthodiquement, laborieusement, comme pour épuiser le sens et s'épuiser elles-mêmes. Elles dessinent le personnage d'un policier, personnage de papier qui n'a pas plus l'étoffe du réel que l'enquête sur les horribles assassinats de « petites vieilles » perpétrés à Paris par une « ombre inhumaine » surnommée le « monstre de la Bastille ». Et au détour d'une phrase (si ce n'est au milieu), on passe à trois argentins, dont un (Pigeon, le jumeau de Chat, parait-il disparu), de retour de Paris, les trois réunis par un texte, le dactylogramme détenu par la fille d'un quatrième, décédé. Les deux récits sont juxtaposés puis s'articulent. Des deux l'un paraît mener l'autre.

Vous me suivez ? Je peine mais je résiste. Et comme l'alpiniste sur un à-pic aux prises incertaines, je m'accroche et de l'effort vient le plaisir. Je suis pris par la charade, l'énigme littéraire proposée par Juan José Saer, par sa « prosodie énigmatique ».

D'un côté des policiers, de l'autre des exégètes, mais c'est moi qui enquête : quel est le mystérieux objet du dé-lire ?

« Comme chez tout enquêteur véritable, quel que soit le champ auquel il l'appliquait, la passion de la vérité dominait en lui le bouillonnement des autres passions, mises en sommeil par l'urgence impassible de savoir. »

Je relève des indices, je fais des hypothèses. Pas de quoi instruire un procès, juste assez pour nourrir mon témoignage — pensais-je.
Je prends des notes pour me retrouver dans ce jeu de piste, de signes et de simulacres, qui recouvrent le réel si tant est que…

« Quoi qu'il se passe, si tant est qu'il se passe encore quelque chose dans ce qu'on appelait autrefois le monde réel, il suffit de savoir ce qui doit être dit sur le plan artificiel des représentations pour que chacun se trouve plus ou moins satisfait, avec l'impression d'avoir participé aux délibérations qui modifieraient le cours des événements. »

Je le prends pour moi, ce n'est pas très encourageant...

Une histoire de vérité, de fiction, de glissements de l'une à l'autre, de noeud inextricable, qui part en confettis, flocons, papillons blancs...
Jeux de dupes, de doubles, de dédoublement, de redoublement, de retournement, et peut-être aussi jeu dialectique, les deux récits en esquissant un troisième, « Sous les tentes grecques », qui pourrait être à la fin de L'Iliade avant qu'un Cheval de Troie ne pénètre et fasse chuter la cité. Deux soldats montent la garde. « Le Vieux Soldat détient la vérité de l'expérience et le Jeune Soldat la vérité de la fiction. » Jamais identiques, de natures différentes, pas forcément contradictoires.

À la longue, j'espère relier les fils, mais j'arrive à la fin. À ce qui ressemble à la fin : je n'ai plus de page à tourner. le meurtrier est dévoilé, ou pas. C'est selon. de toute façon je m'en fiche, je sais bien que ce n'est pas important, en tout cas pas intéressant.

Alors quoi ? Les labyrinthes ont un principe : pour s'en échapper, on cherche un sens refusé tant qu'on est dedans, condamné à l'errance ; le sens ne se livre qu'une fois sorti, en surplomb.

Je cherche encore.
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"L'enquête" nous fait suivre deux récits parallèles, et a priori sans aucun point commun.

Le premier nous installe dans la rigueur d'un hiver parisien, un mois de décembre gris et neigeux. le commissaire Morvan, qui officie dans le XIe arrondissement, traque depuis plusieurs mois celui que l'on a surnommé "Le Monstre de la Bastille", qui compte à son actif l'assassinat de vingt-sept vieilles dames s'accompagnant de mises en scène aussi spectaculaires que sanglantes.

C'est la première fois, en vingt ans de carrière, que Morvan, réputé pour son intégrité sans faille, son efficacité et sa persévérance, se trouve face à une impasse. Il éprouve une véritable passion pour son métier, aux dépens d'une vie personnelle quasi inexistante. Il est naturellement respecté par ses collaborateurs bien qu'incapable d'un geste autoritaire. C'est aussi un homme dans lequel on décèle un fond de tristesse, comme une fatigue morale ou une vague amertume, corollaires de sa lucidité et de son irréductible honnêteté.

L'assassin fait preuve d'une macabre insolence en se rapprochant de plus en plus du commissariat pour perpétrer ses crimes, laissant à Morvan une étrange sensation de proximité et de familiarité. Ce dernier est par ailleurs troublé par un rêve récurrent et chaque fois identique, qui l'emmène dans une atmosphère hivernale aux contours imprécis et angoissants.

Le deuxième pan du récit nous transporte dans l'insupportable chaleur de la fin de l'été argentin. "Pigeon" Garay est de retour au pays après vingt ans d'absence. Même la disparition inexpliquée de son frère jumeau le "Chat", huit ans auparavant, ne l'avait pas fait revenir.

On fait sa connaissance alors qu'il navigue sur le fleuve Paraná avec ses amis Soldi et Tomatis, au retour d'une journée passée chez leur défunt ami Washington Noriega. C'est dorénavant la fille de ce dernier, Julia, qui occupe sa maison, prise d'un culte à retardement pour ce père avec lequel elle avait pris ses distances de son vivant. Les trois compères sont intéressés et particulièrement excités par un manuscrit trouvé chez le mort, copie de l'oeuvre d'un auteur non identifié évoquant un épisode de la guerre de Troie.

Je ne dévoilerai pas le lien qui unit ces deux récits…

J'ai encore une fois apprécié la plume de Juan José Saer, ses phrases longues et néanmoins fluides, son écriture à la fois vive et élégante, où s'entremêlent sans souci de hiérarchie fulgurances de poésie mélancolique et considérations bassement concrètes voire triviales. J'ai de même été embarquée par l'étrange atmosphère qu'il installe dans sa partie "parisienne", oppressante et vaguement onirique.

Je dois en revanche avouer que l'intrigue m'a laissée un sentiment d'inachèvement.

"Du galop du monde, nous le savons bien, ce n'est pas le cavalier mais le cheval qui est le maître."
Lien : https://bookin-ingannmic.blo..
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Comment résister à une si belle couverture ? Parmi les dizaines de livres présentés sur les tables de la librairie dans laquelle j'étais entrée, celui-ci a immédiatement aimanté mon regard. Signé d'un auteur argentin que je n'avais encore jamais lu, je n'ai pas hésité longtemps avant de m'en offrir un exemplaire, en dépit des nombreuses lectures qui m'attendaient déjà...

Saer étant considéré à l'égal de Borges, je m'attendais avec cette intrigue policière dont l'inconscient semblait être le moteur, à un récit assez cérébral... Tellement cérébral, à vrai dire, que j'ai mis un certain temps à y entrer ! Pas moins de trois récits sont enchâssés, sans que le lien entre eux soit évident. Quoi qu'il en soit, c'est surtout l'intrigue principale qui a retenu mon attention : en plein Paris, dans le XIe arrondissement et plus précisément autour de la place Voltaire, un serial killer s'en prend à des vieilles dames qu'il mutile, viole et assassine avec la plus grande cruauté. Pas vraiment ma tasse de thé... Sauf que si l'auteur mentionne quelques effroyables détails pour les besoins de de son récit, il ne s'y attarde guère, et la nature même de son écriture instaure une distance qui prive le texte de tout caractère complaisant.
Et puis, on parlait d'inconscient : ces détails sont indispensables à la résolution de l'énigme. Or, celle-ci s'est révélée assez étourdissante, avec des renversements plutôt inattendus !

Mais au-delà de la jouissance que peut procurer la résolution du mystère, c'est surtout la lecture que j'ai cru pouvoir en faire qui m'a intéressée. Ce récit ayant plusieurs étages, il est utile de préciser ici que la narration de ce fait divers est l'oeuvre d'un Argentin revenant dans son pays après plusieurs années. Or, la description qui est faite du meurtrier présumé, de l'autorité qu'il incarne et dont il use, de sa volonté de gagner la confiance de ses victimes avant de les torturer, sa cruauté, son caractère calculateur, la terreur qu'il fait régner, bref ce sentiment de toute-puissance et d'impunité qui émane du texte m'ont inévitablement amenée à y voir une métaphore de la dictature. J'y ai retrouvé ce climat oppressant et froid qui se dégage d'autres textes se situant plus explicitement sous de tels régimes.

Mais il s'agit sans aucun doute d'un récit complexe, ouvrant à différentes interprétations, un de ces textes qui invite à échanger les perceptions et les points de vue. Alors si l'un d'entre vous l'a lu ou envisage de le faire, j'aimerais vraiment pouvoir confronter ma propre lecture à celle d'autres lecteurs. Avis aux amateurs !
Lien : https://delphine-olympe.blog..
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