... Et puis, à quoi ça sert de se laver, puisque, après, on est de nouveau sale ?
— D’abord, c’est une question d’hygiène. La saleté empêche ta peau de respirer, de la même façon que si tu te mettais de l’ouate dans ton nez. Ensuite, c’est une question de courtoisie. Si tu continues à ne pas te laver, tu finiras par sentir aussi mauvais que le chien de Mrs Parker, ce qui ne serait pas agréable pour ceux qui t’approchent. Enfin, cela me ferait plaisir.
Quand on est couché, abandonné à d’autres mains pour les soins les plus intimes, on se sent tellement diminué.D’exprimer tout haut ce qui représentait pour elle le métier d’infirmière lui en faisait prendre une conscience plus aiguë.
C’était comme un cocon préservé du bruit, de l’agitation, des passions du dehors. Il suffisait de fermer la porte, de tirer les rideaux pour que le monde extérieur disparaisse. Etre deux et ne plus faire qu’un… Tout partager...
Ann songeait à tous ceux parmi lesquels elle vivait, Florence, Catherine, Bernhard, Monica, Lewis, Guillaume, Francis… Qu’elle le veuille ou non, ils faisaient partie de son existence, elle était reliée à eux par d’invisibles fils. Leurs actes influençaient imperceptiblement sa destinée, tout comme ses actes à elle influençaient la leur.
Elle était pareille à ce désert qui les entourait et que les Hottentots appelaient le Namib, « là où rien ne vit ». Les sources de la pitié, de la tendresse, du pardon s’étaient taries, il n’y avait plus que ce vent brûlant qui ravageait tout sur son passage.