On observe une forme de contradiction dans la conception même de l'accueil de ces jeunes, lequel oscille entre protection et insécurité dans la mesure où, en tant que mineurs, les MNA [Mineurs Non Accompagnés] sont protégés au titre de la protection de l'enfance, mais qu'ils restent exposés lorsqu'ils deviennent majeurs [...] à la menace d'une reconduite aux frontières. Le paradoxe entre protection et insécurité exerce à ce titre une pression maximale chez les MNA en les poussant à démontrer, de façon exemplaire, leur volonté de s'intégrer en réponse à l'injonction sociale qui leur est faite. Le coût psychique de cette quête de légitimité sociale se solde par une internalisation de leur détresse dans dans la mesure où le symptôme viendrait contredire leurs efforts d’adaptation.
L'absence d'émotion apparente d'une victime dissociée désoriente toutes les personnes qui sont en contact avec elle. En conséquence, le processus d'empathie automatique n'est pas activé par les neurones miroirs de ses interlocuteurs, qui seront d'autant plus rares à se mobiliser pour la personne et à la protéger, alors qu'elle est gravement traumatisée et en danger.
Lorsque l'on parle de traumatisme psychique, un modèle s'impose : celui d'un équilibre rompu par une surcharge de violence que l'on ne peut supporter. Or, celui-ci ne suffit pas. Le traumatique peut également se produire lorsque le sujet se trouve comme "jeté en dehors du monde". Il n'est pas ici victime d'une agression, mais d'une inattention totale qui l'exclut de la part des uns et des autres.
Tous les symptômes et les troubles du comportement rencontrés chez les victimes de violences subies dans l'enfance s'expliquent : ils sont des conséquences habituelles et universelles des violences. Ces conséquences psychotraumatiques sont liées à des mécanismes de sauvegarde neurobiologiques exceptionnels, mis en place par le cerveau pour échapper au risque vital que font courir les violences.
Etre "victime" est une non-place, c'est être en marge justement, dehors, éjecté d'un village ou d'un pays. La thérapie doit aller au-delà du traumatisme, pour que le sujet arrive à donner un sens à l’événement traumatique, qu'il puisse l'inscrire, l'écrire à sa façon.
Découvrez le replay de la table ronde du mercredi 11 mai 2022 « Les violences sexuelles faites aux enfants : protéger et prévenir » proposée par Nathan et Lea.fr à l'occasion la sortie du livre « Mon Corps m'appartient »
d'Isabelle Filliozat et Margot Fried-Filliozat.
Louise Tourret, journaliste, spécialiste des questions d'éducation animait cette conférence aux côtés de :
Muriel Salmona, psychiatre, fondatrice de l'association Mémoire traumatique et victimologie, membre de la commission CIIVISE,
Isabelle Filliozat, psychothérapeute, conférencière et écrivaine,
Margot Fried-Filliozat, sexothérapeute et écrivaine,
Gilles Lazimi, médecin spécialiste des violences faites aux femmes et aux enfants,
Sylvaine Auberger, référente Paris de l'association « Les Papillons »
Brigitte de Vathaire-Cardona, enseignante et autrice
Lors de cette table ronde, les intervenants ont apporté leurs éclairages et solutions pour les aider parents et enseignants à parler de l'intimité, des rapports sexuels, du consentement et des violences sexuelles aux enfants.
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