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Citations sur Retour à Lemberg (39)

"Quelle est la différence entre les crimes contre l'humanité et le génocide?"
"Imaginez le meurtre de 100 000 personnes qui appartiennent au même groupe", ai-je répondu, "des Juifs ou des Polonais de Lviv. Pour Lauterpacht, le meurtre d'individus, s'il relève d'un plan systématique, serait un crime contre l'humanité. Lemkin, lui, s'intéressait au génocide, au meurtre d'un grand nombre d'individus, mais avec l'intention de détruire le groupe dont ils font partie. Pour un procureur d'aujourd'hui, la différence entre les deux situations est avant tout liée à l'intentionnalité : pour prouver le génocide, vous devez montrer  que le meurtre est animé par une intention de détruire le groupe, tandis que, pour prouver le crime contre l'humanité, une telle intention n'a pas besoin d'être établie."
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Ce ne sont pas les trépassés qui viennent hanter, mais les lacunes laissées en nous par les secrets des autres.

(Nicolas Abraham et Maria Torok - L'écorce et le noyau - 1975)
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J'ai fini par aimer les cartes de cette époque, avec toutes ces rues dont les noms mais pas le tracé, changeaient souvent. J'ai appris à bien connaître un certain banc public, belle relique Art Nouveau de la période austro-hongroise. Depuis mon banc, j'observais le cours du monde et l'histoire de Lviv (Lemberg).

En 1914, le banc se trouvait dans le Stadtpark, le parc de la ville. Il faisait face au Landtagsgebäude, le Parlement de Galicie, la province la plus orientale de l'Empire austro-hongrois.

Une décennie plus tard, le banc n'avait pas bougé mais il se trouvait dans un autre pays, en Pologne, dans le parc Kosciuszki. Le Parlement avait disparu mais pas le bâtiment qui abrite aujourd'hui l'Université Jan Kazimierz. A l'été 1941, lorsque le gouvernement général de Hans Frank avait pris le contrôle de la ville, le banc avait été germanisé et se trouvait désormais dans le Jesuitengarten, en face d'un ancien bâtiment universitaire, lui aussi dépouillé de son identité polonaise.

Ces années de l'entre deux-guerres ont fait l'objet d'oeuvres littéraires nombreuses mais aucune ne décrit mieux que "Moj Lwow" la perte de ce qui fut. "Où êtes-vous maintenant bancs publics de Lwow (Lemberg) noircis par l'âge et la pluie, frustes et craquelés comme l'écorce d'oliviers médiévaux ?" se demande le poète polonais Jozef Wittlin en 1946.

Soixante ans plus tard, lorsque je m'approchai du banc sur lequel mon grand-père aurait s'asseoir un siècle plus tôt, j'étais dans le parc Ivan Franko, baptisé en l'honneur d'un poète ukrainien, auteur de romans policiers dont le nom ornait également le bâtiment universitaire.


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Je me rendis donc à Vienne avec ma fille de quinze ans pour visiter les lieux que les archives avaient dévoilés. Ayant en mémoire ses cours d'histoire du lycée, elle voulut visiter le "musée de l'Anschluss" mais une telle institution n'existait pas. On se contenta donc du mur d'une unique salle dans un petit musée privé assez merveilleux, le Musée du Troisième Homme, en hommage au film d'Orson Welles, l'un des films préférés de Rita et le mien. La salle exposait une recomposition des évènements tragiques survenus de 1939 à 1945 avec des photos, des journaux et des lettres. Une copie du bulletin de vote pour le plébiscite après l'Anschluss, organisé pour ratifier l'union avec l'Allemagne, témoigne du soutien de l'Eglise catholique, un soutien ferme et sans ambiguïté.
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Au même moment, neuf gouvernements en exil - dont la Pologne et la France - se retrouvèrent au palais Saint-James à Londres pour coordonner leurs réactions aux informations sur le "régime de la terreur" allemand. Des histoires horribles circulaient , des récits d'emprisonnements de masse, d'expulsions, d'exécutions et de massacres. En janvier 1942, les gouvernements en exil réagirent par une déclaration exprimant un désir commun de recourir au droit pénal pour punir les "coupables" et les "responsables" d'atrocités. Les auteurs seraient "poursuivis, remis à la justice et jugés", perspective qui devint un des buts officiels de la guerre.

Les neuf gouvernements établirent une Commission des crimes de guerre (War Crimes Committee) afin de rassembler des informations sur les atrocités et sur leurs auteurs; cette institution allait devenir la Commission pour les crimes de guerre des Nations Unies. Churchill autorisa les juristes du gouvernement britannique à enquêter sur les crimes de guerre allemands et confia la direction de l'enquête au procureur général David Maxwell Fyfe. Quelques mois plus tard, le New York Times publia un article affirmant que le gouvernement polonais en exil avait identifié dix criminels de guerre importants. Le premier sur la liste était celui de Hans Frank, juste au-dessus de celui du gouverneur Otto Von Wachter, l'ancien camarade de classe de Lauterpacht à Vienne.


Sur la base de ces nouveaux développements, Jackson prononça, à la fin de janvier à l'hôtel Waldorf, un discours intitulé "Non droit international" (International Lawlessness). Ecrit avec l'aide de Lauterpatch qui se trouvait dans la salle, le discours de Jackson décrivait la guerre et ses atrocités, la nécessité de recourir au droit et aux cours de justice "les meilleurs instruments jamais conçus pour endiguer la violence". Lauterpatch avait trouvé un allié pour défendre ses idées aux échelons les plus élevés du gouvernement américain. Ce que Jackson et lui-même ignoraient, c'était que les atrocités allaient atteindre le summum de l'horreur : trois jours plus tôt, dans une villa au bord du lac de Wannsee, dans la banlieue de Berlin, un groupe de hauts gradés nazis s'était secrètement accordé sur "La solution finale".


Page 140 - Un tournant, à mes yeux, dans le droit international
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Inka s’exprimait avec un calme absolu. « C’était dans la rue ; ma mère a été bousculée par des soldas ukrainiens et allemands. » Inka était seule à la maison, elle avait vu ce qui se passait depuis la fenêtre. Son père travaillait quelques maisons plus loin, dans leur ancien appartement. « Quelqu’un y est allé pour lui dire que ma mère avait été raflée » dit Inka; c’est le concierge qui le lui a dit. « J’ai compris ce qui s’est passé. J’ai tout vu par la fenêtre. »
Quel âge avait-elle ?
« J’avais douze ans, plus vraiment une enfant. J’ai cessé d’être enfant en 1939. J’ai compris ce qui se passait. Je connaissais les dangers et tout le reste. J’ai vu mon père courir après ma mère, derrière elle, dans la rue . »
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Quelle est la différence entre les crimes contre l’humanité et le génocide ? » « Imaginez le meurtre de 100 000 personnes qui appartiennent au même groupe », ai-je répondu, « des Juifs ou des Polonais de Lviv. Pour Lauterpacht, le meurtre d’individus, s’il relève d’un plan systématique, serait un crime contre l’humanité. Lemkin, lui, s’intéressait au génocide, au meurtre d’un grand nombre d’individus, mais avec l’intention de détruire le groupe dont ils font partie. Pour un procureur d’aujourd’hui, la différence entre les deux situations est avant tout liée à l’intentionnalité : pour prouver le génocide, vous devez montrer que le meurtre est animé par une intention de détruire le groupe, tandis que, pour prouver le crime contre l’humanité, une telle intention n’a pas besoin d’être établie ».
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« À Birkenau, on travaillait dans la saleté, à Auschwitz on mourait dans la propreté et l’ordre. »
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Un autre homme intéressé par le procès n’est pas présent ce jour-là. Raphael Lemkin écoute le verdict à la radio, alité à l’hôpital militaire américain de Paris. Procureur puis avocat à Varsovie, il a fui la Pologne en 1939 lorsque la guerre a éclaté et a pu se rendre aux Etats-Unis. Au côté des Britanniques, il a travaillé avec l’Equipe de l’accusation. Dans son long périple qui le fit accoster en Amérique, il avait emporté un certain nombre de malles, toutes remplies de documents, parmi lesquels les ordonnances et les décrets singés de la main de Frank. En étudiant ces matériaux, Lemkin a trouvé une expression pour décrire le crime dont Frank pouvait être inculpé. Il l’a appelé « génocide ». Contrairement à Lauterpacht qui s’est focalisé sur les crimes contre l’humanité et la protection des individus, Lemkin s’est davantage intéressé à la protection des groupes.
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La ville de Lviv occupe une place importante dans cette histoire. Située à la périphérie orientale de l’Empire austro-hongrois, elle était généralement connue au XIX* siècle sous le nom de Lemberg. Peu de temps après la Première Guerre mondiale, elle fut incorporée à la nouvelle Pologne indépendante et devint Lwów ; occupée par les Soviétiques, au début de la Seconde Guerre mondiale, on l’appela Lvov. Les Allemands envahirent la ville de manière inattendue en juillet 1941 et en firent la capitale du Distrikt Galizien au sein du Gouvernement général; Lvov redevint Lemberg. Ukrainienne après la victoire de l’Armée rouge sur les Nazis à l’été de 1944, elle prit le nom, communément retenu aujourd’hui, de Lviv.
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