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Ce qui m'a le plus surpris en lisant "Retour à Lemberg" c'est qu'un juriste international avec la stature d'un Philippe Sands puisse être en même temps un aussi excellent narrateur. En effet, le premier chapitre, où il raconte la recherche de son grand-père, se lit comme un suspense. Pourtant ce grand-père, Leon Buchholz (1904-1997), n'est pas James Bond et Lemberg-Lviv-Lwów, a beau être la plus grande ville d'Ukraine occidentale, n'est pas non plus une île de rêves dans les Caraïbes par exemple. Toujours est-il qu'au cours des premières 100 pages, j'ai été cloué à mon fauteuil, n'entendant même pas le concert de miaulements de mes félins qui avaient faim.

En plus, Philippe Sands, né en 1960, a l'art de restituer une réalité et un passé, comme s'il avait été un témoin oculaire. Même s'il appelle parfois un Stefan Zweig et surtout un Joseph Roth à la rescousse.

Pour éviter tout malentendu, il convient de signaler, qu'outre un récit captivant, cet ouvrage est important dans la mesure où l'auteur nous présente 2 juristes exceptionnels, hélas, peu connu du grand public, qui ont pourtant joué un rôle déterminant pour rendre notre monde un peu plus vivable. Raphael Lemkin (1900-1959) a forgé le terme "génocide", tandis que Hersch Lauterpacht a introduit la notion juridique de "crime contre l'humanité".
Deux concepts absolument révolutionnaires. On a beau être sceptique et dire oui mais...regardez tous ces abus des droits de l'homme, ces despotes à la Erdogan, ces fouteurs de guerre comme fiston Bush, ces maîtres de l'arbitraire comme tsar Poutine etc. Cela est bien vrai, mais pour reprendre une belle formule de Philippe Sands lui-même "Doing nothing is not an option", les contributions de Lemkin et Lauterpacht constituent, à mes yeux, des pas de géants.

Ce sont effectivement ces termes juridiques qui ont permis, en 1946, de condamner à Nuremberg une fine équipe de hauts dignitaires nazis et des années plus tard, la création de la cour pénale de la Haye pour crimes de guerre, comme en ex-Yougoslavie. Je me permets, à ce propos, de vous renvoyer à ma critique récente de l'ouvrage de Carla del Ponte "La Traque, les criminels de guerre et moi" Cette Suissesse a été procureur général de ce tribunal de 1999 à 2007. Que les États-Unis n'en font partie est regrettable, mais se comprend aisément, ils ont trop de candidats pour être jugés, tels Henry Kissinger et le bombardement du Cambodge, fiston Bush et l'invasion de l'Irak, son vice-président et businessman Dick Cheney - ex-PDG du Groupe Halliburton qui a rafflé un contrat de 7 milliards de $ en Irak, sans appel d'offre - et son valeureux ministre de la défense Donald Rumsfeld etc. Et ce n'est sûrement pas sous l'intelligente gestion de Trump que cela risque de changer.

Justement à propos de ce trio Bush, Cheney et Rumsfeld, les héros de la "War on Terror" avec tous ses excès, Philippe Sands a publié un autre ouvrage remarquable : "Torture Team: Rumsfeld's Memo and the Betrayel of American Values", que l'on pourrait traduire par : L'Équipe de torture : le mémo de Rumsfeld et la trahison des valeurs américaines. Dans ce livre, l'auteur offre les resultats de sa sérieuse enquête sur les tenants et aboutissants du mémo criminel, signé Rumsfeld du 2-12-2002, qui permettait 18 techniques de tortures sur des prisonniers, interdites par les droits de l'homme, mais appliquées scandaleusement à Guantanamo et Abou Ghraib entre autres.

Ce qui est absolument incroyable c'est qu'aussi bien Lemkin que Lauterpacht soit originaire de la capitale de l'ancienne province orientale de l'Empire austro-hongrois, appelée la Galicie. Endroit où est né son propre grand-père. Ce qui a permis à l'auteur de mener des investigations, de visiter les lieux et de rencontrer bon nombre de témoins intéressants. Je ne vais pas résumer ces épisodes multiples, mais m'arrêter un bref instant à sa rencontre avec Niklas Frank, le fils de l'ami, l'avocat d'Hitler et plus tard son gouverneur-général de la Pologne occupée. Niklas avait 7 ans lorsque son abominable père fut jugé et pendu à Nuremberg en octobre 1946. Il y a 5 ans, j'ai lu l'ouvrage qu'il a publié sur ce père, qui m'a énormément impressionné, car c'est exactement ce que le titre en allemand "Der Vater : Eine Abrechnung" , Mon père : un règlement de comptes, indique, un jugement lucide, sans la moindre concession. À Sands, d'ailleurs, il a déclaré : "Mon père était juriste ; il savait ce qu'il faisait." (p. 25).

Je ne peux que vivement recommander cet ouvrage qui est instructif, captivant, agréablement écrit et richement illustré. Avec un grand bravo pour Philippe Sands, la traductrice Astrid von Busekist et l'éditeur Albin Michel.

Lorsqu'on est un peu découragé par tout ce qui se passe de sinistre et malsain sur notre planète, il peut être réconfortant de penser à des vrais héros comme Lemkin et Lauterpacht, à une Carla del Ponte qui s'est courageusement engagée et aux hommes de grande valeur, tel Philippe Sands, qui continuent imperturbablement leur lutte pour un monde meilleur.
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Brillant, d'après moi, c'est l'adjectif qui convient à cet ouvrage qui n'est ni un roman ni un essai. Brillant parce qu'il parvient à fixer l'attention d'un large public sur deux concepts de droit qui, pour les non initiés, représente une performance d'auteur, brillant l'idée de mêler son histoire personnelle à l'histoire collective de la Shoah et à l'évolution du droit et d'une grande consistance intellectuelle de par son contenu.

Je connaissais, comme la plupart d'entre nous, les termes « génocide » et « crime contre l'humanité » mais j'ignorais totalement la genèse de ces deux expressions et de leurs auteurs, Raphaël Lemkin et Hersch Lauterpacht.
Tout dans ce livre interpelle : notamment les circonstances qui ont amené Philippe Sands, avocat franco britannique de renommée internationale, professeur d'Université, à enquêter sur le procès de Nuremberg et sur l'origine de notre système de droit international.

L'observation que j'ai du monde qui m'entoure m'a amenée à penser que le hasard n'existe pas et j'aime cette phrase « Lorsque l'élève est prêt le maître se lève ». Je m'explique :

Philippe Sands reçoit une invitation de l'Université de droit de la ville de Lviv en Ukraine. Cette ville portait le nom de Lemberg sous l'empire austro-hongrois, Lwow lorsqu'elle fut incorporée à la Pologne après la première guerre mondiale, sous les soviétiques au début de la seconde guerre mondiale, elle devint Lvov, puis redevint Lemberg sous l'occupation allemande pour devenir une ville ukrainienne Lviv - (j'ai d'ailleurs mis en ligne une citation sur l'histoire d'un banc qui n'a jamais changé de place mais plusieurs fois de nationalités)!

Curieusement, Philippe Sands découvre que cette ville de Lviv n'est autre que Lemberg d'où est originaire son grand père maternel, Léon Buchholz. Pour échapper aux nazis. Léon s'est enfui et comme tous les rescapés de la Shoah, il n'a jamais fait le récit de son histoire d'avant son arrivée en France. Quoi de plus naturel pour Philippe Sands que de vouloir profiter de ce voyage pour en savoir plus sur ses origines. Et fait tout aussi extraordinaire, lui, avocat très investi dans le droit international, il découvre que l'université de droit de Lviv à donner naissance à deux grands juristes qui ont marqué à jamais le droit international : Hersch Lauterpacht et Raphaël Lemkin. Comment résister à un tel clin d'oeil du destin. Delà s'ensuit une enquête sur le passé de cette ville, déchirée, malmenée, par les guerres, la découverte d'une communauté de vie entre les familles Buchholz, Lemkin et Lauterpacht jusqu'au procès de Nuremberg et aux débats d'idées qu'ont suscité la naissance des concepts « Génocide » et « Crime contre l'humanité » : débats qui sont toujours d'actualité.

C'est passionnant. Je connais bien l'excitation qui peut saisir une personne en quête de ses racines. La généalogie est palpitante, quand on y met le doigt, on y laisse la main puis le bras. J'avoue avoir envié Philippe Sands d'avoir pu se rendre sur place. Voir les lieux, les sentir, les ressentir, imaginer ses aïeux s'animer sous ses yeux, c'est une part de soi-même qui prend vie, c'est enfin sortir de l'abstrait, du flou, du lointain.

A la communauté de destin des familles Buchholz, Lemkin, Lauterpacht, vient s'ajouter le portrait du « Boucher de Pologne » Hans Frank, gouverneur de Pologne, dont le fils, Nicklas Frank est devenu l'ami de Philippe Sands, et qui a écrit un best-seller très controversé sur son père dans lequel, il règle ses comptes et que je comprends (c'est le même sang qui coule dans ses veines) ! A cet effet, j'ai trouvé un reportage sur « The Times of Israël » intitulé « Quand un fils ne peut admettre les crimes de son père ». En revanche, Horst von Wachter, fils d'Otto von Wachter, gouverneur nazi de Galice, cherche par tous les moyens à réhabiliter son père malgré les preuves irréfutables.

La partie du livre consacrée au procès de Nuremberg m'a particulièrement captivée même si certains passages, notamment le témoignage de Samuel Rajzman, sont difficiles. Je me suis trouvée à applaudir mentalement le procureur en chef américain Robert Jackson, ou le procureur britannique Shawcross ou Maxwell Fyfe.

J'ai une affection pour Raphaël Lemkin qui s'est tellement démené, au détriment de sa santé, pour faire reconnaitre son concept. Il se promenait avec une valise contenant tous les décrets nazis afin d'apporter la preuve du « génocide ». Il a fait un travail titanesque et page 233 du livre, Sands relate toutes les mesures relevées par Lemkin dans dix sept pays occupés afin d'éliminer les juifs, les tsiganes, les handicapés (les homosexuels hélas étaient passés sous silence !).

Toute la lecture de cet ouvrage reste dans un style fluide, vivant, passionnant. Ce livre a été désigné « meilleur livre de l'année 2017 » dans la catégorie « non fiction – livre narratif de l'année » lors des British Book Awards.
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L'auteur, avocat spécialisé dans la défense des droits de l'homme, a mis six ans à écrire ce livre et cela se sent.
Il a fait un travail de recherche très poussé, exploitant tour à tour toutes les pistes qui s ouvraient à lui.

Tout est parti d'une conférence qu'il devait donner à Lviv (actuellement en Ukraine, connue tour à tour sous les noms de Lemberg, Lwòw, Lvov, Lemberg à nouveau, puis Lviv) en 2010 sur les notions de génocide et de crimes contre l'humanité.
La préparant, il découvre que Raphaël Lemkin et Hersch Lauterpacht, les deux premiers à utiliser ces termes ont étudié dans cette ville, dont était originaire son grand-père, Léon Buchholz.
A Lviv, personne ne semble connaître ce fait. Une étudiante lui fait remarquer que ce serait dû à ce qu'ils étaient juifs et elle lui suggère de s'intéresser à son grand-père.
Il ne savait rien de l'histoire de celui-ci, Il l'a connu alors qu'il était établi à Paris, savait qu'il était né à Lemberg et avait étudié à Vienne mais rien d'autre : celui-ci ne racontait rien de sa jeunesse, rien de sa famille, rien de la ville où il avait vécu. « C'est compliqué, ce n'est pas important » disait-il en réponse aux questions.

Le livre retrace d'abord l'histoire de la ville de Lviv.

Le livre s'attache ensuite aux découvertes que fait Philippe Sands sur la vie de son grand-père, sur son séjour à Lemberg. Les premiers éléments proviennent de vieilles mallettes bourrées de papiers et de photos de Léon que détenait la mère de l'auteur. Au départ de ces quelques bribes du passé, Philippe Sands va s'efforcer de reconstituer l'histoire de Leon Buchhholz par des visites aux archives de Lviv, par des visites des lieux où il avait habité, ainsi que des visites à Zólkiew d'où était originaire la mère de Léon. Il reconstitue ainsi toute la famille de son grand-père. Celui-ci part à Vienne au début de la première guerre, il y exploite un commerce de liqueurs, il fera encore un dernier séjour à Lemberg en 1923.
Hitler prend le pouvoir en Allemagne, et en 1938 envahit l'Autriche. Léon obtient le droit de quitter le pays.
L'auteur reconstitue le sort de la famille de Léon, hormis son épouse et sa fille qui le rejoindront à Paris, tout le monde sera exterminé.

Philippe Sands reconstitue ensuite l'histoire de Hersch Lauterpach puis de Raphaël Lemkin dont les familles seront également décimées. Il s'attache à leurs travaux juridiques aboutissant pour Lauterpach à la création de la notion de cime contre l'humanité. Et pour Lemkin, à la notion de génocide.
Ces deux notions seront au coeur des débats lors du procès de Nuremberg.

Un chapitre important est consacré à Hans Frank, gouverneur général de la Pologne occupée et à son implication personnelle dans l'application de la solution finale.

Le livre s'attache ensuite au procès de Nuremberg et au jugement aboutissant à la pendaison de Hans Frank.

Le petit aperçu que je donne ici du livre est totalement insuffisant, chaque chapitre est en effet dense et comprend de nombreuses pages. le livre en compte près de 600.
Je crains que mon résumé puisse faire apparaître ce livre ardu et sec, ce que je ne voudrais pas que vous pensiez !
Le livre se lit avec intérêt et ne se lache pas.
L'auteur nous fait participer à ses recherches et cela donne au livre un suspense certain.
J'ai véritablement été captivé par ce récit riche à de nombreux points de vue : j'ai subjugué par la recherche méticuleuse de l'auteur parfois au départ d'indices paraissant au départ ne pouvant mener nulle part; j'ai beaucoup appris sur la ville de Lemberg, sur la distinction faite en droit entre les crimes contre l'humanité et le génocide, selon que l'on se place au niveau de l'individu ou au niveau d'un groupe.

Je le répète : Retour à Lemberg fut pour moi un livre important, et qui s'est lu avec facilité et grand plaisir.
Lisez-le !
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Ce livre, écrit par un juriste, est à la fois un roman, un essai (juridico-historique) et des biographies. A ce titre, c'est surprenant. L'idée de ce livre a germé pendant que Philipp Sands préparait une conférence de droit international. Celle-ci devait se dérouler à Lemberg/Lvov/Lwow/Lviv, qui se trouvait être le lieu d'origine de son grand-père qu'il avait bien connu mais sur lequel il savait très peu de chose. Il découvre aussi que le père de la notion de Crime contre l'humanité et celui de la notion de Génocide ont tous deux commencés leurs études de droit dans cette même ville. Il se lance alors dans la quête de ses origines, mais fait aussi des recherches sur la biographie d'Hersch Lauterpacht et sur celle de Raphael Lemkin. Impossible de ne pas nous conter au passage toute l'histoire mouvementée de cette région jusqu'au moment de l'invasion par les Nazis. Et Philipp Sands se révèle un formidable conteur. A ces récits s'ajoute le portrait de celui qui orchestra la disparition des proches de ces trois personnages, Hans Frank, Gouverneur général de Pologne jusqu'à la défaite.
L'écriture est fluide, mais cela reste une lecture exigeante, en raison des concepts juridiques abordés. Mais c'est passionnant de toucher à la naissance de nouveaux droits, quoique un peu complexe par moments.
Bien sûr, le procès de Nuremberg est présent d'un bout à l'autre, ainsi que quelques autres personnages découverts par l'auteur dans sa quête familiale. le récit est accompagné de notes abondantes, dignes d'un travail universitaire, et surtout de cartes et de photos qui rendent le récit encore plus vivant.
Ce n'est pas une lecture facile, par moment, mon intérêt s'est émoussé, il faut dire que le droit ne fait pas partie de mes centres d'intérêt, et que, aussi passionnantes que soient la vie, le parcours et les idées de Lauterpacht et de Lemkin, on ne peut pas dire que leurs personnalités soient attachantes.
Un livre certainement plus passionnant pour un historien du droit, mais qui fait remarquablement bien le lien entre le droit et la vie bien réelle des gens.
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Que nous ayons des droits en tant qu'individus et que ces droits ne puissent être bafoués par le gouvernement du pays où nous vivons, nous paraît aujourd'hui allant de soi. C'est l'inverse qui ne l'est pas et nous fait nous insurger, aujourd'hui, contre certains pays où dirigeants au vu de l'actualité du monde : Qui ne s'est pas inquiété pour le sort d'Asli Erdogan, citoyenne turque ? Qui ne s'est pas demandé de quelles armes juridiques la communauté internationale pouvait disposer pour régler certains conflits dans le monde impactant dramatiquement les civils, et quelles étaient leurs réelles portées ?

Et pourtant, ces droits et les revendications qui en découlent sont encore bien récents et fragiles.

Il y a encore quelques décennies, prévalait partout dans le monde l'entière souveraineté de l'État : libre d'emprisonner, tuer, discriminer ses membres, sans avoir aucun compte à rendre… Beaucoup de pays considèrent encore de nos jours que leur souveraineté est au-dessus de tout, et autant aimeraient que le droit international ne sorte pas du monde des idées.

"Avons-nous perdu le sens de l'histoire ? Les États veulent-ils vraiment "reprendre le contrôle" ? Une telle reprise du contrôle entraînerait-elle le retour du droit de traiter les citoyens, ou les étrangers, comme il leur plaît, sans qu'ils soient contraints par le droit international ou obligés par la fidélité aux engagements donnés ?"

C'est cette transition et cette lutte pour inscrire dans le droit international, la notion de crime contre l'humanité, et de façon plus difficile encore, celle de génocide, que nous raconte Philippe Sands, juriste spécialisé dans les droits de l'Homme. Là où Retour à Lemberg est original, c'est que cette trame est soutenue par le récit haletant qu'il nous fait des parcours individuels des membres de sa famille (juifs et donc soumis aux lois raciales nazies) et de la ville de Lviv, berceau de ses origines. Il nous embarque littéralement dans cette (en)quête qui va durer plus de six ans. Six années où son chemin va croiser et mettre en perspective les destins passés ou présents de gens aussi divers que Hersch Lauterpacht et Raphael Lemkin (créateurs des notions de crime contre l'humanité et de génocide), Niklas Frank (fils du gouverneur-général de la Pologne occupée qui fut un ami et fidèle d'Hitler), les accusés et témoins du procès de Nuremberg en passant par l'histoire de ses grands-parents et de sa mère, sans oublier Miss Tilney.

"Ce qui nous hante apparemment, ce ne sont pas seulement les morts, ou les vides que laissent en nous les secrets des autres, ce sont aussi leurs histoires."

De nombreuses photographies illustrent son propos et Philippe Sands nomme, date, cite, inscrivant sans relâche les événements qui font, non seulement sens, mais nous touchent profondément car l'écrire, c'est en laisser trace, ne pas permettre qu'ils s'effacent et que nous les oublions. Et le lire, c'est aussi comprendre pourquoi il n'est jamais vain de connaître nos devoirs et se battre pour nos droits, afin de ne pas un jour avoir à se battre pour nos vies...
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Philippe Sands, né en 1960, franco-britannique , juriste international de renom, spécialisé dans la défense des droits de l'homme, intervient, notamment, auprès de la Cour internationale de Justice, de la Cour de justice des Communautés européennes…, Il s'est, notamment, investi dans les dossiers concernant l'ex-Yougoslavie, le Rwanda, le Congo, la Libye, l'Afghanistan, la Tchétchénie, l'Iran, la Syrie …
Compte tenu de son renom, il fut convié, il y a quelques années, à donner une conférence à l'université de droit de Lviv, en Ukraine. Cette ville a porté le nom de Lemberg, quand elle était autrichienne, Lvov, en polonais, Lwow, en russe. (Une ville hautement symbolique des différentes dominations et tourments qui s'en suivirent qu'elle connut tout au long des siècles)
Cette invitation va lui donner l'occasion de plonger dans le passé occulte de sa famille et de découvrir les liens étroits existant entre sa famille maternelle et plus particulièrement son grand-père Léon Buchholz, natif de Lemberg, Hersch Lauterpacht (1897-1960), professeur de droit international, originaire de Zolkiew, près de Lemberg, Raphael Lemki (1900-1959), procureur et avocat, résidant à Lemberg à partir de 1921, et Hans Frank 1900-1946), ministre du IIIème Reich, avocat préféré du chancelier. Alors qu'il est Gouverneur général de Pologne, c'est dans cette ville, alors qu'il est de passage, qu'il annonce , la mise en place de « la solution finale ».
La destinée de ces personnages s'imbrique étrangement et étroitement, et Sands va mener une longue enquête minutieuse, pour tenter de découvrir un peu plus de la vie cachée de son aïeul mais aussi de ce sombre passé où Buchholtz, comme Lauterpacht et Lemki ont perdu une grande partie de leur famille .
Son grand-père ne lui avait rien révélé de son histoire, mais petit à petit Sands va aussi découvrir et comprendre pourquoi il a choisi, peut être inconsciemment, de s'investir professionnellement dans le droit , de défendre les opprimés de la Terre.
Au cours de ses investigations, il fera la connaissance du fils du « bourreau de la Pologne » , Niklas Frank , qui avait sept ans au moment de l'exécution de son père, après le procès de Nuremberg. C'est une lecture bouleversante, un témoignage exceptionnel où se mêle l'Histoire et le Droit et qui permet de mieux appréhender les notions de « crime contre l'humanité » et « génocide ».

Le 28/09/17, La Grande Librairie a convié Philippe Sands.
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Un récit intime, une enquête familiale, plusieurs biographies, une tentative d'explication de la genèse des concepts de crime contre l'humanité et de génocide, une description du procès de Nuremberg, Retour à Lemberg est tout cela : Un mélange de genres parfaitement réussi. Comme j'ai aimé ce livre intelligent et bien mené !

L'auteur est avocat, spécialisé en droit pénal international et enseignant à Cambridge. Un voyage à Lwow, ville en Ukraine occidentale, autrefois appelée Lemberg, est à l'origine de son récit. Il découvre que Lemberg est non seulement le berceau de sa famille maternelle mais aussi celui de Lauterpacht, éminent professeur ayant inventé le concept de crime contre l'humanité et celui de Lemkin, inventeur de la notion de génocide. C'est également depuis cette ville que Hans Franck, avocat et haut dignitaire nazi, régnait sur toute la Galicie.

Et c'est l'occasion de nous narrer l'histoire de sa famille et de l'arrivée de ses grands-parents juifs à Paris en 1939/1941, fuyant la terreur nazie. Car il y a des zones d'ombre que Philippe Sands va chercher à éclairer et il nous emporte dans une véritable enquête intime.

Et c'est l'occasion de nous raconter la vie de Lauterpacht et de Lemkin, également juifs, qui seront pratiquement les seuls survivants de leur grande famille, comme les aïeuls de l'auteur. Car cette région d'Ukraine abritait de grandes communautés juives, certaines très pieuses et d'autres plus intellectuelles et peu pratiquantes, avec pour seul point commun, une fin dans l'horreur et souvent un dernier voyage à Treblinka.

Il nous raconte aussi son amitié, si improbable et émouvante, avec le plus jeune fils de Hans Franck, née à l'occasion de son enquête, et la vie de ce père honni par le fils. Cet homme responsable de la liquidation du ghetto de Varsovie, et à la tête de la région qui a vu les pires camps d'extermination qui finira pendu à Nuremberg.

Et enfin, il nous explique le déroulement du procès de Nuremberg et le caractère révolutionnaire des notions de crime contre l'humanité et de génocide. Car jusqu'alors, les états étaient souverains et leurs dirigeants pouvaient commettre les pires exactions sans jamais être inquiétés. C'est ce qui se passa avec le génocide arménien.

Cette présentation pourrait laisser penser qu'il s'agit d'un livre assez aride mais l'auteur a un sens de la narration tel, qu'on se passionne du début à la fin. Et il a l'art de mêler l'intime à l'universel, des faits précis à des concepts plus abstraits.

Je terminerai sur une citation lors du procès : « Les crimes internationaux étaient commis par des hommes et non des entités abstraites. Ce n‘est qu'en punissant des individus qui ont commis ces crimes, dirent les Juges, que les règles de droit international pourraient être appliquées. Les individus ont des devoirs envers la communauté internationale qui priment leur devoir d'obéissance envers l'état dont ils sont ressortissants. »

Elle reste d'une terrible actualité

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Une tragédie ukrainienne
Le livre prend place à Lemberg, nom allemand de la ville ukrainienne de Lviv, également appelée Lwow en Polonais. Elle a portée au cours de l'histoire d'autres noms, témoignant de la grande complexité d'une histoire particulièrement tragique, et le caractère dramatique nous frappe tout particulièrement en ce moment.
Ces derniers temps, c'est l'une des lectures qui m'a le plus marqué. On a ici tout à la fois une chronique familiale tragique, de longs passages de biographie historique, l'histoire de la genèse des notions de crime contre l'humanité et de génocide, un livre d'enquête. Un livre tout à fait hybride en somme. C'est absolument captivant de bout en bout et l'on apprend énormément de choses sur des personnalités majeures de notre histoire.
Un livre remarquable pour qui s'intéresse au destin tragique de cette Europe orientale, puisque l'on est ici aux confins de l'Autriche-Hongrie, de la Pologne et de l'Ukraine.
le livre fait puissamment réfléchir et montre la logique dans une certaine mesure antagoniste des notions de crime contre l'humanité et de génocide.
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Lemberg, ville polonaise qui selon la situation géopolitique s'est également appelée Lviv et Lwow, est pour Philippe Sands le point de départ de trois personnages importants.

Son grand-père tout d'abord, Leon Buchhloz, qui a fuit Lemberg où il avait passé son enfance avant de fuir pour échapper à l'Holocauste qui décima sa famille. de lui, il garde un souvenir flou fait de silences. Il ne sait rien au fond de son histoire, de sa tragédie.

Ce point de départ familial l'entrainera en tant que juriste, à s'intéresser à deux autres personnages importants ayant cette ville en commun :
Hersch Lauterpacht, juriste qui a introduit la notion de "crime contre l'humanité" au procès de Nuremberg.
Et Raphael Lemkin, qui lui s'est attaché à introduire à cette même occasion le néologisme de "génocide".
Toute la subtilité de l'un oeuvrant pour la défense de l'individu et de l'autre, du groupe, nous est contée dans leurs nuances et parfois leur paradoxe.
Leur combat pour introduire ces importantes notions et traduire en justice les responsables de barbaries encore inédites permettront quelques années plus tard l'institution de la Cour pénale internationale. Elle sanctionnera les États coupables de crimes qui avant cela pouvaient disposer librement de leur population, y compris en termes de droit de vie et de mort.

Un quatrième personnage, figurant lui au rang des accusés, n'est autre que Hanz Frank, Gouverneur général de Pologne et Ministre de la Justice pour le Reich ayant promulgué les lois de Nuremberg. Parmi les millions de Juifs victimes de ces lois, les familles Lauterpacht, Lemkin et Buchholz.

C'est donc dans une quête familiale et historique que ce document nous emmène; document foisonnant et exigeant ayant nécessité un travail de fourmi qui tantôt passionne, tantôt perd un peu le-a lecteur-rice dans une multitudes de détails et de noms.

J'ai beaucoup aimé le travail à la fois personnel et historique, ainsi que les photographies qui donnent à l'ensemble un caractère humain et "réel".
En revanche, j'aurais davantage apprécié que l'auteur se concentre moins sur la biographie de Lauterpacht et Lemkin et s'attarde plus sur le procès de Nuremberg, car c'est ce qui m'avait décidée à acquérir le livre.

Quoi qu'il en soit, un documentaire riche d'apprentissages et intéressant.

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Comme il est dit sur la couverture du livre par John le Carré , Retour à Lemberg est un livre monumental.
Quelle prouesse à réalisé Philippe Sands pour mêler son histoire personnelle à l'histoire de l'Europe Centrale entre 1930 et 1945 et en nous faisant connaitre les concepteurs du "crime contre l'humanité " et du "génocide"
Philippe Sands est un juriste et avocat international travaillant entre autre pour La Cour Pénale Internationale de la Haye.
Dans le cadre de son métier il est invité à donner une conférence à LVIV , ville de 700 000 habitants actuellement dans l'Ouest de l'Ukraine.
Cette ville de Lviv est un roman à elle toute seule.
Elle a subi tous les soubresauts qu'a vécu l'Europe Centrale entre 1880 et 1945.
Au gré des conflits et des déplacements de frontière , cette ville s'est appelé Lemberg - Lvov- Lwov ou Lviv.
Elle été polonaise - allemande- austro hongroise - russe.
Le peuple de cette ville à lui aussi subi ces soubresauts de l'histoire
Vous pouviez naître allemand , devenir russe puis polonais.
Invité à cette conférence à Lviv , Philippe Sands s'est rappelé que son grand père maternel Léon Buchholz était né à Lviv.
Voila qui lui donne envie de marcher sur place dans les pas de son grand père et de connaitre les détails de sa vie
c'est le point de départ d'un thriller historico politique à couper le souffle.

7 ans de recherche ont permis à Philippe Sands de mener une enquête remarquable mêlant sa propre histoire à celle du monde
Il découvre que les inventeurs des concepts de crime contre l'humanité et de génocide sont nés dans la région de Lviv et ont travaillé à l'université de Lviv. Peut -être ont ils côtoyé son grand père.
Il va découvrir que derrière les silences de son grand père et de sa mère Ruth , c'est toute l'histoire juive des exils ,pogroms et camps de concentration qui est tue.
Il va être face à Niklas Frank , fils du chef nazi Hans Frank chef du gouvernement général c'est à dire des régions de Pologne et de Galicie où vivait son grans père Léon Buchholz.
Il va être confronté à la réalité de ce peuple juif qui de départ en exil est la proie du Troisième Reich . Que de pages poignantes !
Cette enquête revient aussi longuement sur le procès de Nuremberg et sur les difficultés à faire valider les notions de crime contre l'humanité et génocide.
Le procès de Nuremberg reconnaîtra le crime contre l'humanité.
Pour la notion de génocide il faudra attendre des années supplémentaires.
Néanmoins Hersch Lauterpacht et Raphael Lemkin , concepteurs du crime contre l'humanité et du génocide sont aussi à leur façon les concepteurs du TPI de la HAYE et grâce à eux depuis une vingtaine d'année des états et des hommes peuvent être poursuivis pour ces 2 motifs.

Ce qui est remarquable dans ce livre , c'est l'apparente facilité pour Philippe Sands à nous transmettre ce flots d'informations
La lecture est fluide et facile.
Dès le début du livre Philippe Sands vous emmène avec lui.
Ce livre devient addictif.
Tout au long des 450 pages on ressent aussi l'humanité et l'empathie de Philippe Sands. Ceux sont des accompagnants hautement importants quand il est question de la Solution Finale et de la disparition d'un Peuple.

Un livre à lire absolument

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