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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Combien de gens ne sont courageux qu'en l'absence de danger, ou généreux seulement quand personne n'est disponible pour recevoir leur don ? C'est bien beau de brandir des valeurs à tout bout de champ lors de conversations, mais c'est seulement dans les actes qu'on découvre vraiment ce que vaut la personne.

Sartre explore ce thème dans deux pièces de théâtre : dans « La putain respectueuse », un groupe d'hommes blancs agressent deux noirs dans le train pour le plaisir du lynchage. L'un deux parvient toutefois à s'enfuir, mais est poursuivi sous le prétexte qu'ils ont tenté de violer une femme dans un wagon. Ceci dit, la dite femme, une prostituée, contredit cette version des faits et est prête à témoigner devant un juge. L'agresseur, un fils de sénateur issu d'une grande famille de la ville, ne semble pas devoir craindre grand-chose à première vue : quand on vend son corps toute la journée, on ne doit pas faire beaucoup de difficulté pour vendre ses valeurs morales. La partie sera cependant plus serrée que prévu…

Dans « Morts sans sépulture » un groupe de résistant est capturé par les allemands. Chaque membre est torturé par des collabos pour lui faire avouer le nom de son chef de cellule. Ironie du sort, le chef en question est présent dans la même prison qu'eux, simplement arrêté pour vagabondage, et probablement libre sous peu. Devant lui, chacun s'interroge sur son propre courage, l'importance ou l'insignifiance du sacrifice qu'il est en train de faire, et quel sens lui donner.

Deux pièces qui forcent à l'introspection, avec une conclusion douloureuse : on ne connaît pas vraiment le poids de nos valeurs tant qu'elles n'auront pas été mises à l'épreuve. Beaucoup de gens mourront sans avoir à subir ce test, et c'est tant mieux pour eux. Pour les autres, leur existence se résumera sans doute à ces quelques minutes de vie qui font toute la différence entre un héros et un salaud.
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Pièces de Jean-Paul Sartre.

La P... respectueuse - Lizzie Mac Cay est une prostituée qui a subi des violences de la part du neveu d'un sénateur et de ses amis. Un Nègre en cavale lui demande sa protection. Il est poursuivi pour le crime qu'a subi Lizzie et il lui demande de rétablir la vérité quand la police et la famille du sénateur Clarke l'interrogeront. Mais ces derniers tentent d'arracher à Lizzie une fausse déposition. Pour eux, une prostituée voire une femme vaut à peine mieux qu'un noir et la seule façon qu'elle a de gagner un peu d'estime est de vendre un être plus pitoyable qu'elle. La brusquerie et la vulgarité dont tous font preuve à l'égard de Lizzie et du Nègre finissent par avoir raison des résolutions de la prostituée, qui finit par accepter que soient achetés son mensonge et son silence. Fred, le neveu du sénateur, ne peut se défaire de l'attirance qu'il éprouve pour elle même s'il la déteste de l'avoir ainsi attaché : "Qu'est-ce que tu m'as fait ? Tu colles à moi comme mes dents à mes gencives. Je te vois partout, je vois ton ventre, ton sale ventre de chienne, je sens ta chaleur dans mes mains, j'ai ton odeur dans les narines. J'ai couru jusqu'ici, je ne savais pas si c'était pour te tuer ou pour te prendre de force. Maintenant, je sais. (Il la lâche brusquement.) Je ne peux pourtant pas me damner pour une putain."

Jean-Paul Sartre a écrit cette pièce très peu de temps après la Seconde Guerre Mondiale. La haine raciale est alors une composante affligeante de la société américaine. La puissance du langage et les annotations scéniques font de cette pièce un concentré de haine et de violence, mais aussi d'émotion et de révolte. le dégoût qu'éprouve Fred au sujet des Noirs et de la prostitution s'exprime par un dégoût des odeurs: ça pue le nègre et ça pue le vice.

J'ai toujours été interloquée par le titre et les points qui remplacent le mot complet. Censure de la part de l'éditeur peut-être, mais il me semble que c'est aussi une façon de montrer que la personne au-delà du mot qui la désigne est innommable. La juxtaposition du mot "putain", lourd d'opprobe et de sous-entendus négatifs, avec le qualitatif "respectueuse" est un des plus bels oxymores de la littérature. Inutile d'en dire davantage, le titre se vend tout seul et les trois points en disent beaucoup.

Morts sans sépulture - Lucie, Henri, François, Sorbier, Canoris ont été arrêtés par la milice en raison de leurs activités au sein de la Résistance. Ils attendent qu'on vienne les chercher, terrifiés par les séances de torture à venir, les séances où on leur demandera où est leur chef, Jean. Mais Jean est pris à son tour. Ils sont alors six à se regarder dans ce grenier, à se dire des vérités. Pire que les souffrances infligées par leurs geoliers, la présence des autres devient insupportable pour chacun.

Terrible confrontation! Les bourreaux ne sont pas les miliciens qui ne sont que de falots personnages. Ce sont les alliés qui se détruisent les uns les autres. Déchirés par le poids de leur secret, ils tentent de défendre leurs idéaux jusqu'au bout, jusqu'à l'agonie. Chacun résiste différemment à la torture :du plus vieux qui ne crie pas au plus jeune qui sait qu'il craquera en passant par la femme qui ressort souillée, les victimes deviennent coupables et assassines.

Loin des images héroïques des résistants, Jean-Paul Sartre sert des personnages torturés au plus profond de leur être, des êtres faibles et faillibles, des hommes en somme, des hommes à qui l'impossible ne peut pas être demandé, des hommes qui, très humainement, tentent de sauver la vie encore un peu avant de renoncer.

Je n'aime Sartre qu'en dramaturge, ses romans ne me touchent pas. Mais ses pièces! Je n'ai jamais eu la chance de voir ces pièces sur scène, mais je ne doute pas que les représentations doivent être à la limite du soutenable.
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Il y a cette prostituée en proie à un horrible dilemme. Suite à un lynchage dans un train, un nègre est abattu et un autre a pris la fuite. Lizzie va devoir choisir entre rétablir une vérité ou mentir pour sauver le neveu du grand sénateur. Ce sont des hommes malingres et mesquins qui vont tourner autour d'elle afin qu'elle admette une vérité qui n'est pas la sienne. Une vérité qui fait du bien à cette ville, mais qui reste pour elle un piètre et infâme mensonge. Parce que oui, que vaut la vie d'un nègre face à celle d'un homme blanc supérieur en tout point ? Une plongée dans les bas-fonds de la médiocrité humaine.

Un groupe de résistants se retrouve capturé dans un grenier. Torturés et inquiets des futurs sévices qu'ils vont subir, leur inquiétude profonde est de savoir s'ils vont réussir à ne pas vendre la mèche. Par loyauté et orgueil pour leur cause, des actes vont être commis pour que personne ne parle.

Ces deux pièces de théâtre de Sartre dénoncent une certaine absurdité dans les choix de la conscience quand l'on se confronte à des réflexions à teneur moraliste et à des questions d'équité.
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Je vous emmène au théâtre. La scène se déroule aux Etats-Unis à une époque où la ségrégation raciale n'est pas qu'une ombre lointaine mais un présent bien vivace. 
Lizzie est dans son appartement avec un client. Prostituée, Fred son client s'apprête à partir. Or, l'oncle de Fred, sénateur et donc influent et beau parleur débarque chez Lizzie pour qu'elle  accuse à tort un "nègre" qui l'aurait agressée dans un train. L'agression n'est pas du fait de cet homme mais plutôt que de voir un blanc (et quel blanc...) être accusé, Fred, son oncle et la police se délecteraient de voir un "nègre" accusé et tué. Mais Lizzie n'est pas du genre à se laisser faire.
Demandez le programme ! Manipulation, influence, vilénies.

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Encore une lecture de Jean-Paul Sartre que j'ai beaucoup aimée. Les dialogues et les réparties donnent beaucoup de vivacité à la scène ; une belle énergie se dégage de ces dialogues alors que la scène se déroule dans un seul et même lieu. Sans trop en dévoiler, j'ai aimé la façon dont les personnages évoluent au fil du temps et donnent à la fin une issue que je n'avais pas vraiment envisagée.
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Petite ville du sud des Etats-Unis, milieu des années 1940.
Un noir poursuivi qui cherche à se cacher, une prostituée et son client d'une nuit, un sénateur peu scrupuleux, ou plutôt farouche défenseur de l'ordre en place - en l'occurrence : la ségrégation raciale. Un meurtre. Un viol ? Une tentative de corruption, en tout cas...

Le titre est censé être un oxymore ? Pour les WASP et dans ce contexte socio-historique, une "putain", assurément, ne respecte rien ni personne, surtout pas un Noir, si ? Elle est censée aimer l'argent et point barre, donc se laisser acheter facilement, non ?

A vous de le découvrir dans cette courte pièce brillante, rappel de la ségrégation persistante dans cette partie des Etats-Unis. Cela fait penser à Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur (le parti pris de l'opinion publique), La couleur des sentiments (la ségrégation entretenue par les politiciens) et bien d'autres perles sur ce thème, et cela donne envie de faire un tour dans l'oeuvre de Sartre - tout au moins vers le côté dramaturge, probablement plus accessible que les essais.
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recueil divisé en deux parties.

Tout d'abord la P… respectueuse et ensuite les morts sans sépultures, deux pièces de théâtres, genre qui me plaisait beaucoup durant mes études et que j'avais perdu depuis.

J'ai beaucoup aimé la P… respectueuse, dans le fond, la forme elle n'a que trop mal vieillit, le seul personnage de couleur étant appelé « le negre ». Ceci mis de côté toute la réflexion sur les injustices raciste, de classe, sexiste est bien amené et toujours d'actualité en 2022.

Je me suis un peu plus ennuyé sur la deuxième partie de l'ouvrage, des résistant qui se font prendre par des collabo et les états d'âme dont ils font part à l'idée de trahir leurs chef encore libre.
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Une femme, qui plus est prostituée, ose s'opposer au fils d'un sénateur pour garder son honneur. Son refus de dénoncer injustement un Noir pour dédouaner le neveu du sénateur va engendrer une série de pressions... Et elle qui souhaitait se faire la plus discrète possible !
L'écriture dynamique et incisive des répliques met en valeur cet acte de courage dans ce contexte si particulier que sont les Etats-Unis à l'époque de la ségrégation, tandis que le choix du huis-clos renforce l'oppression ou le harcèlement subi par l'héroïne.
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Superbe piece de Sartre dans son style particulier une bonne porte d'entree dans l'univers de l'auteur qui est un des auteurs majeurs du theatre francais du siecle dernier ! Ouvrez le et vous verrez vous voudrez decouvrir le reste de l'oeuvre:bonne lecture !
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