Le monde contemporain, enfin, apparaît aux yeux de Carl Schmitt comme celui qui procède à un double mouvement : d’abord, c’est un monde qui fait de la guerre le crime lui-même. « La guerre elle-même devient un crime dans l’acception pénale du mot. » [11] Ensuite, puisque la guerre devient le
crime en tant que tel, alors celui qui est à l’origine n’est plus précisément ce semblable que l’on combat
dans le cadre de rapports juridiquement réglés, mais il est au contraire la crapule à anéantir ; il y a dans
la guerre contemporaine une inhumanité de l’agresseur, à qui il convient de faire rendre gorge pour sa
laideur morale. « L’action menée contre lui n’est donc pas davantage une guerre que ne l’est l’action de
la police étatique contre un gangster : c’est une simple exécution et, en fin de compte, du fait de la
transformation moderne du droit pénal en lutte contre les nuisances sociales, ce n’est qu’une mesure
contre un agent qui nuit ou qui dérange, contre un perturbateur qui est mis hors d’état de nuire avec
tous les moyens de la technique moderne – par exemple une police bombing. La guerre est abolie, mais
seulement parce que les ennemis ne se reconnaissent plus mutuellement comme égaux sur le plan moral
et juridique. » [12] Pour le dire crûment, la guerre contemporaine désigne moins un ennemi qu’elle ne
désigne un salaud.
le
refus schmittien de ne pas traduire nomos par « loi » et d’en revenir à ce sens spatial originel permet
certes de ne pas sombrer dans le positivisme, mais c’est en réalité l’idée même de « loi » qui apparaît
positiviste : toute loi, quel qu’en soit le fondement, est nécessairement positiviste lorsque l’on raisonne
dans un cadre politique ; par conséquent, lutter contre le positivisme juridique, c’est aller jusqu’à refuser
[...] la prééminence du concept même de « loi », et chercher à y substituer des termes plus substantiels,
témoignant d’un arbitraire moindre que celui que véhicule l’idée de loi. Ce terme substantiel, Schmitt
pense paradoxalement le trouver dans ce nomos, que nous traduisons souvent par loi, mais dont il
restitue toute la saveur spatiale et terrestre, de sorte que ce dernier soit un « acte constituant originel qui
ordonne l’espace. »
En premier lieu, la terre féconde porte en elle-même, au sein de sa fécondité, une mesure intérieure. Car la fatigue et le labeur, les semailles et le labour que l’homme consacre à la terre féconde sont rétribués équitablement par la terre sous la forme d’une pousse et d’une récolte. Tout paysan connaît la mesure intérieure de cette justice.
[...] le problème du fondement d’une entité politique en tant qu’institution ; n’est-il
question que d’une norme, exclusivement dépendante du positivisme qui l’aurait instituée, ou est-il possible de trouver un fondement plus substantiel, moins contingent peut-être, que cet arbitraire positiviste instituant la norme ?
C’est aux pacifiques que la terre est promise. L’idée d’un nouveau nomos de la terre ne se révèlera qu’à eux.
Éric-Emmanuel Schmitt publie "Paradis perdus", chez Albin Michel, premier tome d'une histoire de l'humanité sous la forme d'un roman. Noam le personnage principal de cette fresque est immortel. Témoin depuis 8000 ans de toutes les évolutions de l'humanité mais aussi des drames.
Aujourd'hui, imaginez qu'il écrive ses mémoires, raconte son épopée et notamment le tempérament de tyran de son père, mais aussi auprès du grand amour de sa vie. de la vie sauvage à la civilisation, qu'avons-nous perdu, égaré ou trouvé également ?
Une quête initiatique pleine de rebondissement que nous propose l'auteur.
"Tout ce que j'ai lu pendant des décennies permettait de construire ce grand récit. J'essayais d'élargir mon souffle pour pouvoir arriver à produire un jour ce livre. Noam est immortel mais dans le bouquin, il se réveille un matin du XXIème siècle, parce qu'il hiberne régulièrement. Il découvre l'angoisse contemporaine et se rend compte que quelque chose a changé."
Retrouvez l'intégralité de l'interview ci-dessous : https://www.france.tv/france-5/la-grande-librairie/
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